L’usine Volkswagen en Tennessee fixe de nouveaux critères de bas salaires

La nouvelle usine Volkswagen à Chattanooga en Tennessee a fait la une cette année pour avoir été la première usine de montage automobile américaine à payer l’ensemble de sa main d'oeuvre de production le plus bas salaire initial versé à des travailleurs américains nouvellement recrutés – 14,50 dollars de l’heure.

A présent, disent les travailleurs, l’usine fait démarrer tous les salariés nouvellement embauchés dans la production à 12 dollars de l’heure, mettant la barre encore plus bas pour les salaires des travailleurs de l’automobile.

Afin de bénéficier de la panoplie de subventions de l’Etat, des collectivités fédérales et locales, Volkswagen avait promis en 2008 de créer 2.000 emplois locaux payés à taux « plein ». Mais, alors que la production commence à atteindre son plein régime, tous les travailleurs employés dans la production sont recrutés pour Volkswagen à 12 dollars de l’heure par l’intermédiaire de la firme de placement de main-d’œuvre Aerotek. En plus du personnel de production actuel, l’usine emploie aussi plus de 500 employés de production en contrat d’intérim, ont dit les ouvriers.


Un des parkings de l’usine

« Sur les chaînes de montage, les salariés d’Aerotek font le même travail que les travailleurs de VW, c'est juste qu'ils travaillent pour une autre firme, » a dit un travailleur de la sous-traitance appelé Josh. « Durant le séminaire d’intégration, on nous a dit que nous étions considérés comme des travailleurs de Volkswagen, et que nous devions travailler exactement comme eux. »

La discipline est déjà stricte pour les employés de Volkswagen, mais elle est pire pour les sous-traitants d’Aerotek. « Si vous êtes en retard de cinq à six minutes durant les deux premières semaines, votre compte est bon, » a dit Josh. « Si vous manquez une journée durant le premier mois et demi, vous êtes viré, » dit-il.

« Celui qui dit que les ‘travailleurs américains sont gâtés’ se trompe lourdement, » a-t-il conclu.

L’usine fabrique la Volkswagen Passat, berline de taille moyenne destinée au marché américain. En délocalisant la production à Chattanooga, Volkswagen a réussi à réduire le prix d’achat de près 7.000 dollars, ce qui ramène le prix du modèle de base à 20.000 dollars. La firme est parvenue à faire ceci tout en augmentant de manière significative la taille du véhicule et en ajoutant des fonctionnalités telles un climatiseur automatique à deux zones et un kit mains libres.

Malgré les bas salaires record payés par l’usine, il n’y a pas eu de difficultés à pourvoir les postes vacants avec des travailleurs locaux. La dévastation économique causée à Chattanooga au cours des dix dernières années a réduit au chômage des dizaines de milliers de travailleurs industriels expérimentés et hautement qualifiés au fur et à mesures que les grandes usines fermaient leurs portes.

« Ce sont les emplois les mieux payés que l'on trouve dans tout Chattanooga, » a dit un ouvrier de Volkswagen qui nous a prié de ne pas le nommer. « Vous acceptez tout, sachant qu’il y a des dizaines de gens dehors qui feraient volontiers votre travail si vous ne le voulez pas. »

Volkswagen a reçu plus de 35.000 demandes d’emploi pour sa première étape de recrutement de 1.500 salariés et les demandeurs d’emplois continuent d’affluer par milliers. Lors de la relève entre l’équipe de nuit et celle du matin, les demandeurs d’emploi se joignent aux travailleurs en uniforme de Volkswagen et d’Aerotek qui franchissent les portes de l’usine.

« Chaque jour, depuis trois mois, 48 personnes passent un examen blanc de huit heures sur simulateurs de chaîne de production, dans l’espoir de dénicher un emploi à l’usine, a dit Josh. « Cela fait plus de quatre mille personnes à avoir perdu une journée entière pour occuper cinq cents postes, » a-t-dit.

En plus des centaines de travailleurs contractuels de chez Aerotek, le service d’entretien et de restauration est assuré par des travailleurs de la sous-traitance qui gagnent encore moins que les intérimaires, dans certains cas l’équivalent de 8 dollars de l’heure.

« Les salaires baissent partout; c’est valable à Detroit et c’est valable ici, » a dit Josh. « Mais qu'est-ce qu'on peut faire ? Douze dollars de l'heure c'est encore un bon travail par ici. »

Dans la région, les salaires ont baissé étant donné que le taux de chômage élevé oblige les travailleurs à accepter n’importe quel travail disponible. « Ca fait l’affaire des entreprises, » a dit Josh.

Josh travaillait pour une société d’électricité locale et gagnait 11,50 dollars, mais il a commencé à chercher du travail ailleurs quand il a appris que son service allait être supprimé. « Je savais que davantage de licenciements allaient se produire, et donc j’ai commencé très tôt à chercher du travail, » a-t-il dit. « J’ai vu mes collègues mis à pied par dizaines. »

Josh a dit que deux travailleurs d’Aerotek sur sept dans son équipe avaient été licenciés de l’usine General Motors de Detroit où ils étaient payés 28 dollars de l’heure ou plus, et ils avaient déménagé à Chattanooga pour commencer comme intérimaires à 12 dollars de l’heure.

Bon nombre de ceux qui ont réussi à passer le difficile processus de recrutement chez Volkswagen n’arrivent pas à supporter la fatigue mentale et physique du travail à la chaîne. « Entre 20 et 40 personnes quittent l’usine chaque semaine, » dit Josh. « C’est un travail extrêmement dur. »

Alors que les ateliers de peinture et de carrosserie – où débutent beaucoup d’intérimaires – ont leur part de dur labeur, les travailleurs ont dit que la chaîne de montage est la partie la plus pénible de l’usine. « Je suis ici depuis début août et je n’ai pas encore touché à une seule carrosserie, » a dit Josh. « Ils s'assurent que vous êtes bien préparés, parce que le travail de montage est complètement dingue. »

La vaste majorité de ceux qui recherchent un emploi à l’usine ont été refoulés. John Mayo, 57 ans, en est un . Il travaille actuellement comme responsable de l’entretien dans un port de plaisance local. Mayo a dit qu’il gagne 13 dollars de l’heure au port et qu'il avait posé sa candidature chez Volkswagen pour les prestations sociales.


John Mayo

« Ils ont vu mon âge et ils ont dit, ‘ il ne pourra pas faire ça pendant 20 ans’. Bien sûr, ils n’ont pas tenu compte de mon expérience, mais c’est comme ça que ça se passe, » a-t-il ajouté.

Mayo a dit qu’il avait posé sa journée de congé pour prendre part au processus d’admission qui avait duré une grande partie de la journée. Cinq de ces collègues au port ont postulé à l’usine, tous en vain. « Je ne demande pas la charité, juste un travail décent, » dit-il.

Mayo avait accepté son emploi actuel en dépit « de la rémunération ridiculement faible », parce qu’il avait été licencié de son emploi précédent de responsable de l’entretien d’un vendeur de bateau, et il avait touché pour la première de sa vie des allocations de chômage.

Daryl Okolley, qui est serveur dans un snack local près de l’usine, a dit qu’il comprenait pourquoi les gens acceptaient les bas salaires chez Volkswagen. « C'est difficile de trouver un travail décent par ici. »

Okolley est l’un des mille travailleurs qui ont perdu leur emploi lorsque Wheland Foundry, une fabrique de plaquettes de frein automobile dans le Sud de Chattanooga a été fermée en 2001. « Un jour ils ont tout simplement rassemblés tout le monde dans l’amphithéâtre et ils ont dit qu'ils fermaient. Environ une semaine plus tard, je recevais un chèque de pension d’un montant de 161 dollars, et c’était tout. »

Il est passé d’un salaire de 13 dollars de l’heure à la fonderie au salaire minimum dans un restaurant Kentucky Fried Chicken avant d’obtenir son emploi actuel. « Il a vraiment fallu s’adapter, c’est le moins qu’on puisse dire, » a-t-il précisé. 

Vue de la fonderie US Pipe and Wheland fermée

Okolley gagnait 13 dollars de l’heure à la fonderie. « A l’époque, c’était un emploi décent, » a-t-il dit. « Mais aujourd'hui on ne peut pas nourrir une famille avec ça. »

(Article original paru le 23 septembre 2011)

Loading