Les chiffres du PIB allemand soulignent la tendance à la baisse de l’économie mondiale

La croissance économique en Allemagne, qui avait en grande partie alimenté une croissance économique limitée dans l’Union européenne, est pratiquement tombée au point mort au second trimestre de cette année, selon les données publiées mardi 16 août par l’Office fédéral des statistiques.

Le produit intérieur brut (PIB) de l’Allemagne n’a augmenté que de 0,1 pour cent durant les trois mois précédant le mois de juin par rapport au trimestre précédent qui avait affiché une croissance de 1,3 pour cent. La croissance du premier trimestre a été corrigée à la baisse par rapport à une évaluation initiale de 1,5 pour cent.

Les chiffres du deuxième trimestre ont été très inférieurs aux prévisions des économistes qui avaient prédit un taux de 0,5 pour cent. Ce sont les résultats trimestriels les plus faibles enregistrés depuis les trois premiers mois de 2009 lorsque l’Allemagne était sortie de sa pire récession depuis la Deuxième Guerre mondiale.

La confiance des entreprises allemandes a chuté en juillet à son niveau le plus bas en neuf mois alors que la confiance des investisseurs tombait à son niveau le plus bas de ces deux dernières années et demi. La demande intérieure en biens d’équipement a chuté de 15,1 pour cent en juin et la demande étrangère et nationale pour les biens de consommation a aussi subi une baisse.

Le quasi effondrement de la croissance économique en Allemagne est en conformité avec une tendance internationale plus générale. Eurostat, l’Office statistique de l’Union européenne, a rapporté mardi que le PIB des 17 pays de la zone euro n’avait augmenté que de 0,2 pour cent au second trimestre, contre une hausse de 0,8 pour cent durant les trois premiers mois de l’année. Ce sont les données trimestrielles les plus faibles depuis mi-2009.

La production industrielle dans la zone euro a dégringolé de 0,7 pour cent en juin par rapport à mai. La croissance de l’industrie manufacturière s’est affaiblie en juillet et la confiance économique a chuté au niveau le plus bas depuis près d’un an.

Vendredi, la France a fait état d’une croissance zéro au second trimestre ; la Grande-Bretagne a signalé une augmentation de tout juste 0,2 pour cent ; les Pays-Bas de 0,1 pour cent ; l’Espagne de 0,2 pour cent ; le Portugal zéro de croissance ; l’Italie de 0,3. En Russie, la croissance économique s’est affaiblie pour le deuxième trimestre consécutif.

Les Etats-Unis ont fait état le mois dernier d'une croissance de 1,3 pour cent au second trimestre, nettement en-dessous des attentes et ils ont révisé à la baisse, à 0,4 pour cent, leur croissance du premier trimestre, ayant pour conséquence une croissance nette pour la première moitié de 2011 de 0,8 pour cent. A titre de comparaison, le taux de croissance de 2010 se situait à 3 pour cent.

Il n’y a pas perspective sérieuse que le Japon ou les économies asiatiques émergentes de la Chine et l’Inde donnent une impulsion à la croissance mondiale. Le Japon a rapporté vendredi que son BIP s’était contracté de 0,3 pour cent au second trimestre – résultat qui a été évalué comme un signe positif vu qu’il était meilleur que les prévisions généralement escomptées par les économistes. Depuis l’éruption de la crise financière mondiale, l’économie de Hong Kong s’est contractée pour la première fois durant la période d’avril à juin.

La Chine tout comme l’Inde s’efforcent de refroidir leur économie qui est confrontée à une inflation grandissante et à la génération de bulles spéculatives, dues largement à la politique du dollar bon marché pratiquée par le gouvernement américain. La Chine a enregistré un taux d’inflation de 6,5 pour cent en juillet, le taux le plus élevé depuis trois ans. Elle permet à sa monnaie, le yuan, d’augmenter en valeur par rapport au dollar et à d’autres monnaies, en vue de resserrer le crédit et d’endiguer la hausse des prix.

Le ralentissement mondial sous-tend et exacerbe à la fois les fluctuations erratiques des marchés financiers et l’aggravation de la crise de la dette souveraine et des banques. Il coïncide avec la propagation de la crise de la dette européenne en Italie et même en France ainsi qu’avec la toute première dégradation de la dette américaine.

L’économie mondiale est en train d’entrer dans une nouvelle phase de la récession qui a fait suite au krach boursier de Wall Street en septembre 2008 et ce dans des conditions où le système monétaire mondial, étroitement lié au dollar, a été irrémédiablement déstabilisé, la monnaie européenne unique minée par des déséquilibres intra-européens et des antagonismes nationaux et où l’ensemble de l’architecture des relations économiques d’après-guerre est visiblement en train de se désintégrer.

Il n’est plus possible d’affirmer de manière crédible que la crise économique qui a éclaté il y a près de trois ans n’était qu’un ralentissement passager, suivi par une reprise véritable et durable. Les décideurs politiques sont obligés de reconnaître que les renflouements bancaires massifs et les programmes d’austérité n’ont résolu aucun des problèmes sous-jacents et que la situation économique continue de s’aggraver.

La semaine passée, le conseil d’administration de la banque centrale américaine (Fed) a retiré ses prévisions antérieures d’un retour rapide à la croissance normale en promettant de garder les taux d’intérêt proches de zéro, au moins pendant deux ans. La Banque d’Angleterre a pareillement réduit ses prévisions pour 2011 et 2012 et son gouverneur, Mervyn King, a laissé entendre qu’il n’y aurait pas d’augmentation des taux d’intérêt durant ce laps de temps.

Les comparaisons avec la Dépression des années 1930 se multiplient en même temps que des mises en garde sombres émanent de gouvernements, de décideurs politiques et de commentateurs. « Nous entamons une nouvelle zone de danger, » a dit dimanche le président de la Banque mondiale, Robert Zoellick, lors d’une visite en Australie. Il a ajouté que les dirigeants mondiaux doivent prendre des mesures énergiques « à la fois de courte et de longue durée pour restaurer la confiance. » Mais, il est resté vague sur le type de mesures à prendre.

« Ce deuxième trimestre marque un tournant dans le cycle économique allemand, » a dit Andreas Reese, économiste chez Unicredit à Munich, en ajoutant : « La période de croissance exubérante est derrière nous. » Christoph Schmidt, un membre du Conseil d’analyse économique [Conseil des Sages], a dit à Reuters, « Nous sommes loin d’en avoir fini avec la crise. Nous sommes une communauté de destin : Si les Etats-Unis et l’Europe sont en difficulté nous le ressentons [en Allemagne]. »

Joseph Stiglitz, professeur à l’université de Columbia, ancien chef économiste auprès de la Banque mondiale et prix Nobel, a publié le 10 août une rubrique dans le Financial Times dans laquelle il conclut, « Un long malaise paraît être à présent le scénario le plus optimiste. »

Bill Gross, fondateur et gestionnaire du fonds d’investissement obligataire Pimco, a publié le 12 août une rubrique dans le Washington Post dans laquelle il met en garde que « d’un point de vue budgétaire, les décideurs politiques nous orientent vers une récession et vers les années 1930 destructrices au lieu d’une économie américaine du 21ème siècle à la croissance lente mais encore en vie. »

Nouriel Roubini, économiste et professeur au Stern School of Business de l’université de New York, a publié de récents articles affirmant qu’il y a 50 pour cent de chance « d’une récession à double dip » et il a reconnu la semaine passée dans une interview accordée à wsj.com que l’analyse de Marx relative aux contradictions du capitalisme était correcte.

« Karl Marx avait vu juste, » a dit Roubini. « A un certain moment le capitalisme peut s’autodétruire car on ne peut pas continuer à transférer le revenu du travail vers le capital sans avoir un excès de capital et une absence de demande globale. Nous pensions que les marchés fonctionnent. Ils ne fonctionnent pas. »

Toutes les nouvelles mesures improvisées échouant les unes après les autres à endiguer le dérapage vers une dépression à grande échelle et une nouvelle vague de faillites bancaires et de défauts de paiement des Etats, le sentiment de perplexité, d’impuissance et de crainte augmente au sein de la classe dirigeante. Voici quelques récents titres des principaux journaux : « La crise mondiale de la confiance » (le Wall Street Journal de 3 août) ; « Les marchés financiers ne savent plus à quel saint se vouer » (le Financial Times du 13 août) ; « Geithner, Bernanke à bout de munitions pour lutter contre une nouvelle crise » (le Washington Post du 14 août).

Ils sont tous d’accord sur un point, celui de s'extirper de la crise en menant les attaques les plus brutales contre la classe ouvrière. Les libéraux et les conservateurs, tant adeptes de John Maynard Keynes que de Milton Friedman, sont unanimes quant à la nécessité de s’attaquer aux réformes sociales fondamentales du siècle précédent et de rétrograder les niveaux de vie de la grande majorité de la population du monde.

En plus des coupes de plus en plus brutales dans les programmes sociaux, ce qui est planifié c’est un nouvel assaut contre les emplois et les salaires. E.On, le plus gros groupe énergétique d’Allemagne a dit la semaine passée vouloir supprimer jusqu’à 11.000 emplois après avoir subi ses premières pertes depuis sa création, il y a une décennie, suite à la privatisation des entreprises du service public.

Dans un article publié lundi dans le Financial Times et intitulé « Les industriels américains se préparent face à au risque de double dip, » le journal cite Michael Larsen, directeur financier de Gardner Denver, fabricant de compresseurs et pompes pour l’industrie pétrolière et gazière, qui a dit, « Nous avons rassemblé une équipe et nous tenons une liste toute prête d’usines que nous éplucherons, et nous avons en termes individuels le nombre de postes à supprimer si nous enregistrons un ralentissement des commandes. »

(Article original paru le 17 août 2011)

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