Des avocats français poursuivent Sarkozy pour crimes contre l'humanité en Libye

Deux avocats français en vue, Jacques Vergès et un ancien ministre du Parti socialiste Roland Dumas, ont annoncé qu'ils ont l'intention de poursuivre en justice le président Nicolas Sarkozy pour crimes contre l'humanité perpétrés durant l'intervention militaire de l'OTAN actuellement en cours en Libye. Ils le font au nom d'une trentaine de familles libyennes qui ont perdu des membres de leur famille dans les bombardements de l'OTAN.

Lors d'une conférence de presse le 29 mai en Libye, ils ont déclaré qu'ils engageraient des poursuites judiciaires devant les tribunaux français lundi 30 mai. Il y a eu un black out quasi total sur cette annonce dans les médias français. Seul le magazine proche du Parti socialiste, Marianne, a relevé l'information et attaqué Dumas et Vergès au sujet de cette « Accusation grotesque à l'encontre du président de la République. »

Lors d'une conférence de presse en Libye dimanche, Dumas a dit au sujet des bombardements de l'OTAN, «Cette mission qui vise à protéger les civils est en train de les tuer. » Il a dit que la guerre en Libye était «Une agression brutale contre un pays souverain. »

Qualifiant les pays de l'alliance de l'OTAN d'«assassins », Vergès a dénoncé un «Etat français conduit par des voyous et des assassins. » Il a dit avoir vu plusieurs victimes civiles dans un hôpital et qu'un des médecins lui avait dit qu'il y avait jusque 20 000 victimes.

Dumas s'est également dit prêt à prendre la défense de Kadhafi lui-même si ce dernier devait comparaître devant la Cour pénale internationale (CPI) de la Haye. Le 16 mai, au nom des principales puissances occidentales, le procureur de la CPI a requis un mandat d'arrêt contre Kadhafi pour crimes contre l'humanité.

Dumas a remis en question l'autorité de Sarkozy et de l'OTAN à procéder à ces bombardements fondés sur la Résolution 1973 du Conseil de résolution de l'ONU, qu'il qualifie de justification « artificielle, très artificielle de l'ONU. »

Ce procès arrive au moment où les alliés de l'OTAN viennent de déclarer que la guerre sera prolongée d'au moins 90 jours, jusqu'en septembre, et où la Grande-Bretagne et la France ont annoncé l'intensification des bombardements militaires qui ont déjà impliqué plusieurs tentatives d'assassinat politique ciblé, notamment par le bombardement des appartements de la famille du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi.

Les anciennes troupes d'élite britanniques SAS et d'autres mercenaires employés par l'OTAN aident à identifier les cibles dans la ville portuaire libyenne de Misrata. Ils sont sur place avec le plein accord de la Grande-Bretagne, de la France et d'autres pays de l'OTAN qui leur ont fourni l'équipement de communication. Il est fort probable qu'ils fournissent des informations aux pilotes des hélicoptères d'attaque français et britanniques nouvellement déployés.

Le gouvernement français est le principal instigateur de la Résolution 1973 du Conseil de sécurité de l'ONU, une justification légale bien légère pour une intervention ouvertement impérialiste et néo-coloniale visant soi-disant à protéger les civils du danger des forces armées libyennes. En réalité, cela fait partie de la ruée sur les ressources en gaz et en pétrole de la Libye et de la mise en place d'un gouvernement pro-impérialiste, docile en train d'être rassemblé et façonné à Benghazi.

D'autres avocats travaillant pour Aïcha Kadhafi, fille du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi auraient porté plainte contre l'OTAN devant la justice belge. Ils ont déclaré, «La décision de l'Otan de prendre pour cible une habitation civile à Tripoli constitue un crime de guerre. »

La plainte concerne le raid aérien de l'OTAN du 30 avril qui a tué le plus jeune fils de Kadhafi et trois de ses petit-enfants en bas âge. Les deux avocats ont aussi été mandatés pour « introduire un recours en annulation » devant la Cour de justice européenne à Luxembourg afin de faire casser la décision des ministres européens de geler les avoirs du régime libyen.

On ne sait pas vraiment si les deux octogénaires, Vergès et Dumas, qui entretiennent des liens étroits de longue date avec l'Etat français travaillent directement avec certaines sections de l'Etat français mais ce qui est sûr, c'est que de sérieux doutes ont émergé parmi les cercles dirigeants français sur la décision de Sarkozy d'entreprendre une intervention militaire en Libye.

Le site web d'information sur la Défense, le TTU, a commenté un rapport inédit de 50 pages paru après la visite de trois semaines en Libye d'experts du renseignement dirigés par Yves Bonnet, ancien chef de l'agence nationale du renseignement français, la DST. Selon le site TTU, cette intervention outrepasse la résolution 1973 et «Le contrôle des ressources énergétiques est au cœur des stratégies à l’œuvre. Les Etats-Unis voudraient ainsi renverser Kadhafi pour bouter la Chine hors du pays. L’Egypte ne verrait que des avantages à une partition du pays, qui n’a jamais accepté le rattachement de la Cyrénaïque et des réserves pétrolières à Tripoli. »

Le site ajoute: « Le rapport s’alarme de cet engagement 'irréfléchi' de Paris, qui fait le jeu de l’administration américaine, laquelle s’est bien gardée d’afficher ses objectifs et a laissé la France prendre tous les risques. » Il exprime des doutes sérieux quant à savoir si le Conseil de transition de Benghazi est en mesure de « préserver les intérêts des puissances engagées, » à savoir tout particulièrement ceux de l'impérialisme français.

Le journaliste spécialiste des questions militaires et géopolitiques Jacques Borde a aussi suggéré que tandis que la France dépasse inutilement ses capacités militaires, ses alliés occidentaux et arabes vont récolter les fruits en terme de partage du butin. Il y a aussi le danger d'une « Somalisation » de la Libye, à savoir de sa désintégration en tribus et seigneurs de guerre en conflit les uns avec les autres.

Les deux avocats vieillissants ont une longue histoire en politique et dans le droit. Dumas, né en 1922 était un proche collaborateur de François Mitterrand, président PS (Parti socialiste) de France de 1981 à 1995 et a été ministre dans plusieurs gouvernements PS. Il n'a jamais été un décideur politique mais plutôt un garçon de courses fiable pour l'exécutif.

Il a joué un rôle dans les relations corrompues de l'impérialisme français avec les gouvernements africains, connues sous le nom de Françafrique. En 1983, il avait été l'envoyé spécial de Mitterrand auprès de Kadhafi. Il avait pour mission de persuader la Libye de ne pas envahir le Tchad en soutien à une rébellion dans le nord du pays contre le gouvernement pro français. Finalement avec la complicité de Kadhafi, le gouvernement s'était maintenu au pouvoir grâce à l'intervention française.

En 1995, Dumas avait été nommé président du Conseil constitutionnel par Mitterrand. Il avait démissionné en janvier 1999 à cause de l'affaire de corruption Elf.

Vergès est né en 1925 d'une mère vietnamienne et d'un père réunionnais. Il a défendu, entre autres affaires connues, le terroriste Carlos « le chacal » et le criminel nazi Klaus Barbie, « le boucher de Lyon » de la France occupée. Il a accusé l'impérialisme français de commettre en Algérie des crimes similaires à ceux commis par les nazis.

Dumas a reconnu que lui-même et Vergès avaient été approchés par le régime de Kadhafi dans cette affaire. Mais quelles que soient leurs motivations, il ne fait pas de doute que l'accusation qu'ils profèrent quant à l'action criminelle de l'impérialisme occidental et français contre le peuple libyen est une source d'embarras pour le gouvernement Sarkozy et ses alliés impérialistes. Il en est de même pour le PS, le PCF et les soi-disant gauchistes du NPA en France, qui ont colporté le mensonge que l'intervention est « humanitaire » et a pour but de protéger le peuple libyen.

 

(Article original paru le 17 juin 2011)

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