Le NPA participe à l’hystérie anti-démocratique des médias dans l’affaire Strauss-Kahn

Depuis le retour de Dominique Strauss-Kahn en France le 4 septembre, le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) s’est aligné sur l’hystérie féministe et anti-démocratique des médias contre Strauss-Kahn. Ce haut financier et dirigeant du Parti socialiste (PS) a été accusé de viol suite à une relation avec Nafissatou Diallo, une femme de chambre de l’hôtel Sofitel de New York,le 16 mai .

Dans l’article d’Ingrid Hayes intitulé L’arrêt des poursuites contre DSK : une mauvaise nouvelle pour les femmes, l’auteur écrit :« Durant plusieurs semaines, on a assisté à un procès en suspicion mené, de différents côtés, contre Nafissatou Diallo en s’appuyant sur son passé. C’est cette entreprise de décrédibilisation sur laquelle s’appuie la décision du juge » d’abandonner les chefs d’accusation contre Strauss-Kahn.

En fait, si le juge a mis fin au procès contre Strauss-Kahn, c’est que le procureur new-yorkais Cyrus Vance a dû avouer que les témoignages de Diallo, sur lesquels il comptait fonder ses arguments, étaient faux. Elle avait menti sur ses agissements le jour où elle a accusé DSK de viol, ainsi que sur un viol qu’elle avait dit avoir subi en Guinée. Elle a également reçu d’importantes sommes d’argent envoyées par un petit ami actuellement en prison pour trafic de drogue.

C’est ainsi sur des bases complètement fausses que Strauss-Kahn a été publiquement humilié, et sa carrière politique détruite. Après la plainte déposée contre lui le jour même, Strauss-Kahn a été débarqué de son avion et paradé en menottes—ce qui l'a contraint à abandonner la présidence du Fonds Monétaire International (FMI) et sa candidature éventuelle à l’élection présidentielle française de 2012.

Il ne s’agit pas ici d’avoir une quelconque sympathie politique pour Strauss-Kahn, qui a mené en tant que chef du FMI une politique réactionnaire d’austérité sociale, soutenue par le PS et la bourgeoisie internationale. Mais il faut être aveugle pour ne pas reconnaître le danger posé par le comportement anti-démocratique des médias et de l’Etat, qui s’arrogent le droit de détruire publiquement et sans preuves une personnalité politique sur une question de mœurs.

Hayes continue : « Mais l’essentiel est ailleurs. Toute l’affaire est une leçon de choses, du point de vue du rapport de domination exercé par les hommes sur les femmes ».

Le NPA ne s’inquiète pas que les médias et le système judiciaire ont démontré dans l’affaire Strauss-Kahn leur capacité de détruire la réputation d’une personnalité publique sans preuves crédibles--même quand l’accusé a, comme Strauss-Kahn, d’énormes ressources financières pour se défendre. La question est présentée d’une manière fausse et réactionnaire, comme faisant partie d’un affrontement généralisé entre les hommes dominants et les femmes victimes. Cette manière petite-bourgeoise et réductrice de voir les questions complexes soulevées par l’affaire Strauss-Kahn n’a rien à voir avec le marxisme.

Le fait non négligeable que Strauss-Kahn n’ait pas été déclaré coupable de viol n’entre même pas dans les calculs du NPA.

La presse américaine a publié des tracts hystériques pour salir Strauss-Kahn, auxquels les milieux féministes français ont fait écho. Ainsi dans le New York Times, MaureenDowd écrivait : «C’est ce que désire toute jeune veuve, pieuse, travailleuse qui s'échine à faire des petits boulots dans un hôtel de Times Square afin d’élever seule sa fille adolescente, justifier de son statut d’immigrée et profiter des opportunités offertes par l’Amérique – un vieux satyre ridé, en rut et pris de folie, qui se précipite nu de sa salle de bains, fonce sur elle et la traîne dans la chambre, à la manière d’un homme des cavernes ».Cet article se fondait uniquement sur l’imagination sombre du journaliste.

Ainsi la relaxe de DSK a mis en colère certains milieux féministes dans le NPA, convaincus par la propagande anti-DSK dans la presse bourgeoise américaine et française. Cette indifférence aux questions de droits démocratiques et ce manque d’indépendance vis-à-vis de la presse bourgeoise est caractéristique de la politique du NPA, et plus largement de toutes les sections de la petite-bourgeoisie ex-radicale en France.

Ceux-ci ne s’intéressent même pas aux enjeux politiques et financiers considérables liés au torpillage de Strauss-Kahn. Son remplacement à la tête du FMI par Christine Lagarde, personnalité plus marquée à droite dans les milieux bourgeois français, a aidé les banques à imposer encore un « plan de sauvetage » pour piller la Grèce sans réduire sa dette—une mesure à laquelle Strauss-Kahn s’était opposé. Le président sortant Nicolas Sarkozy voyait aussi dans Strauss-Kahn son rival le plus menaçant pour les élections de 2012.

Aucune de ces questions n’est abordée, ni même sérieusement envisagée, par Hayes dans son analyse de l’affaire Strauss-Kahn.

Au-delà de l’affaire DSK, le NPA adopte sur toutes les questions sérieuses un point de vue borné, répondant aux besoins politiques de la bourgeoisie et aux humeurs d’une couche droitière de la petite bourgeoisie.

Ainsi le NPA a avalé sans broncher le mensonge que la guerre de l’OTAN en Libye est une guerre « humanitaire » ou même « révolutionnaire ». De même, lors des grèves pétrolières de 2010 en France, il a fait écho à l’ordre de Bernard Thibault et de la CGT qu’il ne devait y avoir au plus qu’une opposition « ludique » ou « symbolique » à la décision de Sarkozy de briser les occupations des raffineries.

Selon les arguments anti-démocratiques du NPA sur l’affaire Strauss-Kahn, une analyse sérieuse des faits constitue même un obstacle à une bonne procédure, qui doit surtout servir à empêcher l’accusé de se défendre en discréditant les témoignages contre lui.

Ce qu’Ingrid Hayes confirme dans l’article « Affaire DSK : aux côtés de toutes les femmes victimes de violence » paru le 21 septembre dans l’Hebdo Tout est à nous. L’article explique : « En effet, ce qui a été établi de la vie de Nafissatou Diallo avant les faits, les contradictions de ses témoignages, constituent un opportun paravent derrière lequel s’abriter. ».

Cette position signifie que les mensonges de Diallo, révélés en détail par le procureur de New York (« Faux témoignage de viol, » « Faux témoignage sous serment, » « Nombreuses fausses déclarations complémentaires »)ne doivent pas être pris en compte. Par contre, des accusations sans crédibilité contre Strauss-Kahn doivent faire en sorte qu’il passe en justice.

Le NPA n’a pas l’air de connaître le sens de l’expression « présomption d’innocence ».

La logique d’une pareille argumentation est profondément réactionnaire : Toute personne accusée de viol doit faire l’objet d’un procès, quelle que soit la crédibilité des preuves contre elle. Ainsi la réputation de n’importe quelle personne doit obligatoirement être à la merci de la bonne foi de n’importe quelle accusatrice. C’est non seulement une profonde attaque contre les droits démocratiques, mais un procédé qui touchera principalement ceux qui, à la différence de Strauss-Kahn, n’ont pas les moyens financiers de se défendre.

Loading