Annonce par la France d'un budget d'urgence

Le budget d'urgence annoncé le 24 août par le premier ministre François Fillon fait réponse aux menaces des agences de notation de retirer à la France son triple A si le gouvernement ne prenait pas des mesures plus fortes pour réduire son déficit budgétaire. Un telle mesure augmenterait les coûts d'emprunt de la France et menacerait la viabilité de la monnaie européenne unique. La France est la deuxième plus grande économie, après l'Allemagne, de la zone euro qui compte 17 pays.

Alain Minc, conseiller économique chevronné du président Nicolas Sarkozy a dit dans le Figaro que « Le AAA de la France est un trésor national. »

Prétendant promouvoir la santé publique, le nouveau budget propose d'augmenter les taxes sur le tabac, les alcools et les sodas entre autres mesures du projet de réduction de 12 milliards d'euros du déficit budgétaire national d'ici 2012. Des hausses d'impôt, calculées pour accroître de 1,3 milliards d'euros les recettes de l'Etat vont toucher le plus durement les moins riches. Alors même que le gouvernement Sarkozy parle d'améliorer la santé publique, il continue de fermer des hôpitaux, de réduire le personnel et d'imposer des dépenses de santé plus importantes à la population.

Une augmentation d'impôt ponctuelle de 3 pour cent sur les revenus annuels supérieurs à 500 000 euros, qui sera supprimée aussitôt que le déficit reviendra à moins de 3 pour cent du produit intérieur brut (PIB), ne fera que reprendre partiellement le 1,8 milliard d'euros de cadeaux fiscaux accordé aux riches depuis que Sarkozy est devenu président en 2007. La date butoir pour atteindre le plateau de 3 pour cent de déficit autorisé par l'Union européenne est 2013.

Néanmoins le plus gros des 12 milliards d'euros de réduction du déficit sera à la charge des grandes entreprises et des riches, ainsi que des propriétaires de résidences secondaires.

Le premier ministre Fillon a dit que ces nouvelles mesures garantiront que la France tiendra sa promesse de réduire son déficit budgétaire de 5,7 à 4,5 pour cent du PIB l'année prochaine et à 3 pour cent en 2013. Le niveau des coupes requises pour atteindre ce but a dû être revu à la hausse étant donné que le gouvernement réduit ses prévisions de croissance du PIB. Au cours du dernier trimestre l'économie française a enregistré une croissance zéro.

Ce nouveau projet de budget représente une recul partiel de la part de Sarkozy qui avait promis de ne pas augmenter les impôts. Il évite aussi les attaques massives contre les emplois, les salaires et les prestations sociales des travailleurs, annoncées par les gouvernements grec, portugais et espagnol à la demande de l'Union européenne, du Fond monétaire international et des banques.

Un facteur a particulièrement compté dans la formulation de ce budget: la peur d'explosions sociales en France suite aux émeutes des jeunes le mois dernier en Grande-Bretagne. La France avait été touchée par une vague d'émeutes en 2005 dans les quartiers immigrés des banlieues parisiennes et d'autres villes.

Sarkozy cherche aussi à se faire réélire pour un nouveau mandat présidentiel l'année prochaine et sa cote de popularité est tombée entre 24 et 35 pour cent le mois dernier.

L'analyste chevronné du Financial Times Wolfgang Münchau a écrit le 29 août: « Que ce soit Nicolas Sarkozy, président sortant de centre-droit ou l'un de ses opposants socialistes, celui qui remportera l'élection présidentielle l'année prochaine sera confronté à des choix difficiles concernant les dépenses publiques et l'avenir de l'Etat providence. Tel est le message central des mesures d'austérité limitées annoncées mercredi dernier par le gouvernement de M. Sarkozy... Elles démontrent la capacité du gouvernement à réagir rapidement face aux signes inquiétants sur les marchés financiers que la dette souveraine de la zone euro et le tourbillon bancaire menaçaient d'engloutir la France. »

Münchau a fait remarquer qu'en France « la dette publique avait quadruplé ces quarante dernière années pour atteindre plus de 80 pour cent du PIB, » et il a conclu que cela « passe mal dans l'environnement punitif des marchés. » Il laisse entendre que l'époque où l'élite politique française empruntait afin de retarder l'épreuve de force avec la classe ouvrière est révolue.

Les nouvelles propositions de budget ont été annoncées après des consultations téléphonique avec les dirigeants des principaux syndicats, notamment Bernard Thibault de la CGT (Confédération générale du travail), proche du Parti communiste et de François Chérèque de la CFDT (Confédération française démocratique du travail), proche du Parti socialiste. Ces pourparlers se poursuivront pour garantir l'application pacifique de ces mesures.

Les syndicats ont publié une déclaration commune le 18 août, promettant de jouer leur rôle auprès du gouvernement et des patrons pour «soutenir la croissance, soutenir l'emploi et réduire la dette tout en garantissant la cohésion sociale. » Ces augmentations d'impôt mineures pour les riches sont une manière d'aider les syndicats à se donner un alibi politique pour bloquer toute opposition de masse de la classe ouvrière.

La CGT a pris l'initiative d'appeler à une journée d'action au début du mois d'octobre. Cela fait suite à la série de protestations d'une journée contre les mesures d'austérité l'année dernière, soutenues par le Parti socialiste, le Parti communiste, le Parti de Gauche de Jean-Luc Mélenchon et le Nouveau Parti anticapitaliste. Elles avaient servi à désamorcer et dissiper l'opposition des travailleurs aux attaques contre les retraites et les fermetures d'usines et les licenciements, notamment dans l'industrie automobile. Les syndicats et leurs alliés avaient rejeté toute lutte visant à renverser le gouvernement de Sarkozy et avaient délibérément isolé les grèves de différentes sections de travailleurs.

Entre temps les syndicats conduits par la CGT et la CFDT n'avaient cessé de poursuivre leurs pourparlers avec le gouvernement sur l'application des mesures d'austérité.

Tous les candidats à la primaire du Parti socialiste pour l'élection présidentielle soutiennent la date butoir de 2013 pour le retour à un déficit de 3 pour cent du PIB et déclarent que cela est possible sans trop attaquer le niveau de vie de la classe ouvrière. Certains critiquent Sarkozy pour n'avoir pas mis en vigueur une politique « du tout sécuritaire » et en font une question majeure de la campagne présidentielle.

La première secrétaire du Parti socialiste Martine Aubry, candidate bien placée dans la course aux primaires du PS pour la présidentielle, a promis d'augmenter de 10 000 l'effectif de la police. Ségolène Royal, candidate malheureuse du PS à l'élection présidentielle de 2007 et candidate à la primaire du parti pour l'élection de 2012 réitère sa politique de faire encadrer les jeunes délinquants par des militaires.

Les syndicats et la soi-disant « extrême-gauche » promeuvent l'illusion qu'il est possible de faire pression sur le gouvernement pour qu'il fasse des concessions allant dans le sens des besoins de la classe ouvrière.

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