Clinton fait pression sur l’Inde pour qu'elle soutienne les sanctions contre l’Iran

La secrétaire d’Etat américaine, Hillary Clinton, a profité de sa visite de trois jours en Inde la semaine dernière pour faire pression sur l’Inde pour qu’elle se range derrière les sanctions américaines contre l’Iran. Elle a rencontré le premier ministre indien, Manmohna Singh, la dirigeante du parti du Congrès au pouvoir, Sonia Gandhi, et le ministre des Affaires étrangères, S.M. Krishna. Elle s’est également rendue au Bengale occidental pour y rencontrer la ministre en chef de l’Etat, Mamata Banerjee.

Clinton a reconnu que les importations de pétrole iranien de l’Inde avaient baissé. « Nous savons que les raffineries ont réduit leurs commandes et que les achats ont effectivement diminué, et donc nous sommes encouragés par ce que fait l’Inde, » a-t-elle dit. Dans le même temps, elle a réclamé davantage de réductions en disant : « Si la communauté internationale relâche la pression ou hésite dans notre détermination, l’Iran sera moins poussée à négocier en toute bonne foi l’abandon de ses ambitions nucléaires. »

Tout comme leurs homologues internationaux, les entreprises et les banques indiennes sont confrontées à la perspective de se voir infliger de lourdes peines dès fin juin si elles continuent à traiter avec des banques iraniennes. Conjointement à un embargo européen, la législation américaine vise à faire tarir les exportations pétrolières et à paralyser l’économie iranienne.

En plus de sanctions économiques dures, les Etats-Unis, aux côtés de leur allié Israël, font peser la menace d’une action militaire. Les mesures agressives de Washington ne visent pas en premier le programme nucléaire de l’Iran, mais visent plutôt à mettre en place à Téhéran un régime plus favorable aux ambitions économiques et stratégiques américaines au Moyen-Orient et en Asie centrale.

L’Inde est de plus en plus engagée dans un difficile numéro d’équilibriste. D’un côté, New Delhi cherche à éviter les pénalités américaines et à renforcer son partenariat stratégique avec Washington et, de l’autre, elle veut éviter une rupture complète avec l’Iran qui est une importante source de pétrole et aussi un fournisseur potentiel de gaz ainsi qu’un important partenaire régional.

L’Inde a déjà réduit sa part des importations pétrolières de l’Iran qui est passée de 12 pour cent l’année dernière à environ 9 pour cent. Le gouvernement indien est aussi en train d’adapter sa politique étrangère à celle des Etats-Unis. En février, après des mois d’hésitation, l’Inde a voté, au Conseil de Sécurité de l’ONU, la résolution soutenue par l’Occident contre le régime syrien du président Bachar al Assad, un allié régional de l’Iran.

L’Inde maintient néanmoins des relations avec Téhéran. Une délégation commerciale iranienne a visité l’Inde alors que Clinton se trouvait dans le pays. Elle a signé des accords relatifs à l’achat de riz, de sucre et de soja de l’Inde. L’Iran avait précédemment accepté le paiement en roupies indiennes pour 45 pour cent de ses ventes pétrolières à l’Inde, comme moyen de contourner les sanctions américaines.

Lors d’une conférence de presse commune avec Clinton, le ministre des Affaires étrangères Krishna, a déclaré que l’Iran était « un pays clé » pour les besoins énergétiques de l’Inde. Washington a suggéré que New Delhi cherche des sources d’approvisionnement alternatives en Arabie saoudite et en Irak, mais ces pays comptent déjà pour près de la moitié des importations pétrolières de l’Inde. New Delhi est soucieux d’éviter une trop forte dépendance de l’Arabie saoudite étant donné que ce pays soutient le rival régional de l’Inde, le Pakistan.

Etant donné les relations hostiles avec le Pakistan, l’Inde considère l’Iran comme un lien crucial vers l’Afghanistan et l’Asie centrale. L’Inde a commencé à utiliser le port de Chabahar au Sud-Est de l’Iran et les entreprises indiennes ont proposé d’aider à la construction d’une ligne ferroviaire reliant le port à l’Afghanistan occidental. Sous l’occupation américaine, l’Inde a étendu sa présence en Afghanistan en tant que principal donateur d’aide. En conséquence, l’Inde espère avoir un plus grand accès à l’Asie centrale et aussi à restreindre l’influence pakistanaise après le retrait des troupes de combat des Etats-Unis en 2014.

Durant sa visite dans la capitale de Kolkata au Bengale occidental, Clinton a cherché le soutien de la ministre Banerjee en faveur de la proposition d'un accord de partage des eaux entre l’Inde et le Bangladesh concernant la rivière Teesta. Le gouvernement du Bangladesh a insisté sur un accord de partage des eaux avant d'accorder à l’Inde une voie terrestre sur son territoire, fournissant ainsi aux exportateurs indiens un itinéraire plus direct et moins cher vers la Birmanie et l’Asie du Sud-Est. Banerjee a toutefois rejeté l’accord de partage des eaux au motif que le gouvernement Singh a accepté de donner trop d'eau au Bangladesh.

Les Etats-Unis sont en train de favoriser des liens plus étroits entre le Bangladesh et l’Inde comme moyen de contrer l’influence chinoise dans la région. Clinton a promu les avantages d’un accroissement du négoce indien avec l’Asie du Sud-Est en déclarant que Kolkata deviendrait une plaque tournante pour lune nouvelle stratégie de la Route de la Soie reliant les pays de l’Asie de l’Est, du Sud et du centre.

Clinton a cherché à surmonter l’opposition de Banerjee à l’ouverture du secteur du détail de l’Inde à l’investissement étranger direct. Les détaillants basés aux Etats-Unis, tels Wal-Mart, sont enclins à investir dans le marché qui est prévu de passer de 26 milliards de dollars US à 314 milliards au cours des 25 prochaines années. L’année dernière, les efforts du gouvernement Singh d’autoriser des investissements étrangers ont été bloqués par le parti Trinamool Congress (TMC) de Banerjee et d’autres partis de la coalition au pouvoir.

Globalement, la visite de Clinton n’a fait qu’exacerber les tensions au sein de l’élite dirigeante indienne concernant la valeur du partenariat stratégique américain et ses dangers potentiels.

Le soutien de Washington intensifie l’influence indienne dans la région par rapport à ses rivaux – la Chine et le Pakistan. Durant sa conférence de presse avec Krishna, Clinton a proposé un certain soutien à l’Inde, profitant plus précisément de l’occasion pour demander au gouvernement pakistanais de faire davantage pour « enrayer le terrorisme », y compris celui des séparatistes du Cachemire basés au Pakistan et qui combattent l’armée indienne.

Parallèlement, des inquiétudes ont été exprimées sur le fait que les intérêts de l'Inde étaient mis à mal par son ralliement à la confrontation du gouvernement américain avec l’Iran. Un éditorial paru dans le quotidien The Hindu, a carrément déclaré : « Pour le dire simplement, on demande à New Delhi de saper ses propres intérêts économiques et stratégiques en diminuant les importations pétrolières et autres transactions commerciales avec Téhéran dans le but de se plier aux sanctions extra-territoriales qui n’ont aucun fondement dans le droit international. » Le journal déclare que le gouvernement indien « ne doit pas se coucher devant la pression américaine. »

Le gouvernement Obama est en train d’accroître sur tous les fronts la pression exercée sur l’Iran, exigeant que l'Iran fasse d’importantes concessions lors des pourparlers la semaine prochaine à Bagdad, tout en menaçant ce pays de sanctions et d’une action militaire. Comme le montre clairement la visite de Clinton en Inde, l’agression américaine accentue considérablement les tensions, non seulement au Moyen-Orient mais aussi en Asie du Sud.

(Article original paru le 15 mai 2012)

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