Stop à la répression d'Etat de la grève des étudiants du Québec !

Faute d’avoir réussi à briser au moyen de leur loi 78 draconienne la grève de quatre mois des étudiants au Québec, le gouvernement provincial libéral et l’Etat ont intensifié leur campagne de répression en recourant à des mesures apparentées à celles d’un Etat policier.

Mardi dernier, les policiers de la ville de Québec ont interpellé 65 personnes, dont Amir Khadir, un législateur provincial connu pour être contre la loi 78, pour avoir commis le « crime » de manifester. Jeudi, la police montée a coordonné des rafles éclairs, y compris au domicile de Khadir et arrêté six personnes, dont la fille de Khadir âgée de 19 ans.

Le but apparent de ces rafles était d’appréhender des partisans de la grève suspectés d’avoir commis des actes de vandalisme et de nuisance publique. Le véritable but était de promouvoir la campagne du gouvernement qui dure depuis des mois pour discréditer la grève comme étant violente afin de justifier sa répression par l’Etat et de diffamer Amir Khadir, son parti Québec solidaire, et sa défiance vis-à-vis de la loi 78 antidémocratique.

De nombreux faits témoignent du caractère politique calculé de la descente de police au domicile de Khadir. La police avait informé à l’avance les médias d'une descente imminente au domicile de Khadir, pour permettre aux journalistes d’être sur place pour en rendre compte et la filmer. Ils ont créé un amalgame en rassemblant de nombreuses affaires, de façon à pouvoir mettre en scène de façon spectaculaire huit descentes de police à la fois, suggérant ainsi l’existence d’un vaste réseau d’étudiants activistes « violents ». Par la suite, toutefois, la police a dû admettre qu’il n’y avait pas de lien entre les nombreux délits présumés ; nombre de ceux qui avaient fait l’objet d’arrestation ne se connaissaient pas ; ils ne faisaient pas partie d’une même organisation. Un dernier point, mais non des moindres, la police a fait une descente au domicile de Khadir tout en sachant que cela n'était pas nécessaire pour arrêter la fille de Khadir. Celle-ci se présente déjà régulièrement au poste de police pour signer un registre conformément à une décision du tribunal relative à une accusation précédente en lien avec une autre grève et dont le dossier n’a pas encore été jugé.

Le week-end dernier, le Grand Prix de Montréal a été l’occasion d’une nouvelle provocation de l’Etat, destinée à inculquer la peur au sein de la population et à légitimer la répression policière. Non seulement la police a été déployée en grand nombre dans une grande partie de la ville de Montréal pour « protéger » le Grand Prix contre des perturbations, mais la police a aussi ciblé, fouillé et interrogé arbitrairement les passagers du métro de Montréal portant le « carré rouge », symbole de la grève des étudiants.

Arrestations de masse de manifestants pacifiques; Fouilles arbitraires d’opposants supposés du gouvernement ; Provocations policières tendant à présenter l’opposition comme étant violente, pour ne pas dire séditieuse ; Organisation de coups montés et de campagnes diffamatoires contre d’éminents adversaires du gouvernement – telles sont les méthodes d’un Etat policier.

Cette campagne de répression est orchestrée au plus haut niveau hiérarchique du gouvernement libéral du Québec. Avec la loi 78, le gouvernement criminalise la grève des étudiants et rend illégale toute manifestation au Québec, quelle qu'elle soit, sans l'autorisation de la police. C’est le premier ministre Jean Charest qui, déformant une remarque faite par un dirigeant étudiant, a affirmé qu’une menace pesait sur le Grand Prix et dit que ceux qui se cachaient derrière cette menace constituaient une « menace » pour le Québec et a promis que le gouvernement maintiendrait l’ordre. Et c’est le gouvernement, aidé et soutenu par les médias à la botte du patronat ainsi que par les provocations policières qui ont qualifié la grève étudiante de violente. « on sait ce que ça veut dire le carré rouge, » a dit la semaine dernière la ministre de la Culture, Christine St. Pierre, « ça veut dire l’intimidation, la violence, ça veut dire aussi le fait qu’on empêche des gens d’aller étudier. »

Les travailleurs du Québec et de tout le Canada doivent s’opposer à la répression d’Etat contre la grève étudiante au Québec et exiger l’abandon immédiat de toutes les accusations portées contre Khadir et sa famille.

Le Socialist Equality Party (Parti de l’Egalité socialiste, SEP) a dit clairement, à maintes reprises, avoir des divergences irréconciliables avec le parti Québec solidaire – parti nationaliste du Québec qui s’est autoproclamé de « gauche » et qui gravite autour du parti de la grande entreprise qu’est le Parti Québécois et de la bureaucratie syndicale, et avance un timide programme pour réformer le capitalisme.

Mais, si Khadir est politiquement persécuté, c’est à cause de ses dénonciations répétées de la violence policière contre les étudiants et parce que la classe dirigeante craint que son statut de législateur ne confère de la légitimité à la défiance de la loi 78 et des ordres de la police s'y rattachant qui proclament que les manifestations sont « illégales. »

Dans une situation où la loi 78 est déjà critiquée par de vastes sections de la classe ouvrière et en ayant été à maintes reprises défiée par les étudiants et leurs partisans, l’élite dirigeante est déterminée à ce que l’ensemble de l’establishment – y compris tous les partis politiques à l’Assemblée nationale et les syndicats – s’unissent pour exiger d’une seule voix que la loi soit respectée et appliquée.

Il ne faut pas sous-estimer ce qui est en jeu.

Le gouvernement libéral du Québec et l’élite dirigeante canadienne sont déterminés à mettre fin à la grève des étudiants parce qu’ils reconnaissent que l’opposition des étudiants contre la hausse drastique des frais de scolarité universitaires représente un défi implicite à leur détermination à faire payer à la classe ouvrière la crise capitaliste mondiale. En garantissant la défaite des étudiants, ils espèrent intimider tous les adversaires du démantèlement des services publics, de la privatisation et des réductions d'emplois et des salaires.

De plus, avec la loi 78 et les mesures policières de la semaine passée, la classe dirigeante canadienne est en train d’établir de nouveaux précédents antidémocratiques et de tester de nouvelles méthodes pour réprimer l’opposition de la classe ouvrière.

La criminalisation des luttes sociales est d’ores et déjà devenue chose courante. Au cours de l’année passée, le gouvernement fédéral conservateur a utilisé à plusieurs reprises les lois d’urgence pour priver les travailleurs de leurs droits de grève et de convention collective dans le but de soutenir les exigences de concessions des employeurs. Parmi les travailleurs ciblés par une telle législation on compte ceux de Air Canada, Canada Post et CP Rail Workers.

En décembre 2008, les sections les plus puissantes de la classe dirigeante avaient soutenu le gouvernement conservateur Harper lorsqu’il avait fermé le parlement pour empêcher que les députés n’exercent leur droit constitutionnel de renverser le gouvernement et de mettre en place une coalition libéraux-Nouveau Parti démocratique du Québec (NDP). A l’époque, le SEP avait prévenu que si la classe dirigeante était prête à violer des normes démocratiques fondamentales uniquement pour empêcher l’arrivée au pouvoir d’une alternative au gouvernement des grandes entreprises, elle serait à coup sûr prête à réprimer l'ensemble des droits démocratiques et à utiliser la violence de l’Etat si elle était défiée par la classe ouvrière.

La trajectoire des évolutions au Canada correspond à celle prise dans tous les pays capitalistes avancés et est enracinée dans les mêmes processus. Confrontées à une opposition grandissante à l’encontre de son programme d’austérité, de guerre et de la réaction sociale, les élites capitalistes rivales recourent de plus en plus à des mesures autoritaires en comptant sur les «détachements spéciaux d'hommes armés » qui constituent l’Etat qui font respecter la loi.

Les étudiants et les travailleurs doivent tirer des enseignements incisifs de l’affrontement entre les étudiants du Québec et le gouvernement provincial libéral.

Une lutte sur quelque question sociale ou démocratique brûlante conduira les jeunes et les travailleurs dans un conflit frontal non seulement avec leurs employeurs ou le gouvernement en place mais avec les tribunaux, la police et l’ensemble de l’appareil de l’Etat.

La défense des droits démocratiques fondamentaux et la lutte pour les droits sociaux des travailleurs à une éducation et à des services publics gratuits ainsi qu’à une retraite et à des emplois décents requiert la mobilisation politique indépendante de la classe ouvrière contre l’ensemble de l’ordre social capitaliste.

Un tel mouvement ne se développera qu’en opposition aux syndicats et au NDP et à travers une rupture organisationnelle et politique avec eux. Ces organisations pro-capitalistes oeuvrent pour la défaite de la grève des étudiants, tout comme elles ont systématiquement réprimé la résistance de la classe ouvrière durant des décennies. Les syndicats québécois ont à maintes reprises cherché à intimider les étudiants pour qu’ils acceptent un accord avec le gouvernement pour briser la grève et ils ont promis de respecter la loi 78, y compris les dispositions selon lesquelles ils doivent faire tout leur possible pour garantir que les enseignants aident le gouvernement à faire échouer la grève des étudiants. Le NDP, parti des syndicats du Canada anglophone, a déclaré sa « neutralité » dans la confrontation entre les étudiants et le gouvernement libéral Charest et, par leur silence, a signalé son consentement à la loi 78.

Les travailleurs doivent s’assurer qu'on ne laisse pas les étudiants lutter tout seuls contre le gouvernement et l’Etat. Leur lutte combative doit devenir le catalyseur d’une offensive de la classe ouvrière à travers tout le Canada contre toutes les coupes dans les emplois, les salaires et les dépenses sociales et pour remplacer les gouvernements, que ce soit celui libéral de Charest ou conservateur de Harper, par des gouvernements ouvriers, engagés à réorganiser la vie économique pour que les besoins humains et non les profits des grandes entreprises en deviennent le principe directeur.

Le SEP se consacre à la construction de ce parti révolutionnaire international nécessaire à la réalisation de ce programme.

(Paru en anglais le 11 juin 2012)

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