Syriza appuie le gouvernement de la Grèce pendant qu’il négocie de nouvelles mesures d’austérité

Quatre mois après son entrée en fonction, le gouvernement de coalition conservateur et social-démocrate grec est dans une crise profonde. Tandis qu’il est aux prises avec des grèves et des manifestations contre les mesures d’austérité brutales et une cote d’approbation en chute, les tensions entre les partenaires de la coalition s’accentuent.

Mardi, le premier ministre conservateur Antonis Samaras (ND) a annoncé que son gouvernement avait terminé ses pourparlers avec les créanciers internationaux de la Grèce. Il va soumettre la cinquième série de mesures d’austérité au parlement la semaine prochaine. La série de mesures contient 13,5 milliards d’euros de coupes ainsi que des réformes des lois du travail. Si la loi ne passe pas, a affirmé Samaras, la Grèce sera plongée dans le « chaos ».

Une lutte a émergé dans le gouvernement sur la meilleure façon d’effectuer les coupes. Le parti conservateur Nea Dimokratia (ND) soutient que les exigences de la troïka, c’est-à-dire l’UE, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international, doivent être respectées à la lettre. Pour leur part, la Gauche démocratique (DIMAR) et le parti social-démocrate PASOK ont proposé quelques changements cosmétiques et une plus grande implication des syndicats, et ont menacé de ne pas voter pour certains volets de la série de mesures si leurs demandes n’étaient pas entendues.

Dans ce contexte, le plus grand parti de l’opposition, la Coalition de la gauche alternative (Syriza), s’est rallié derrière le gouvernement, donnant presque ouvertement son appui de sorte que le gouvernement puisse tenir bon et passer les coupes. Vendredi dernier, dans une entrevue avec l’agence de nouvelles Reuters, le leader de Syriza, Alexis Tsipras, a dit que son parti ne souhaitait pas faire tomber le gouvernement. « Notre priorité est de renverser cette politique », a-t-il dit. « Ce n’est pas le temps de faire des manigances et ce n’est pas le temps de provoquer la chute du gouvernement. »

Tsipras faisait référence à la possibilité que son parti puisse freiner la série de mesures d’austérité en provoquant la dissolution du parlement. La loi électorale grecque stipule que de nouvelles élections doivent être tenues si 60 des 300 députés parlementaires démissionnent. Depuis 1974, seulement le parti social-démocrate PASOK et le parti conservateur Nouvelle Démocratie (ND) ont eu suffisamment de sièges pour provoquer une telle situation. Maintenant, Syriza, avec ses 71 députés, est aussi dans cette position. Ensemble, tous les autres partis de l’opposition n’ont pas suffisamment de sièges.

Selon les derniers sondages, les partis au pouvoir encaisseraient de lourdes pertes dans de nouvelles élections si elles devaient avoir lieu en raison des nouvelles mesures d’austérité. Quant à Syriza, elle remporterait la majorité. Cependant, Tsipras rejette maintenant cette possibilité.

Plutôt, au cours de l’entrevue, il encourage l’illusion que les membres du gouvernement de coalition de ND, PASOK et de Gauche démocratique (DIMAR) voteront contre le nouveau plan d’austérité et pourrait ainsi l’empêcher.

Tsipras adopte une attitude lâche et soumise envers le gouvernement parce qu’il est fondamentalement en accord avec son programme. Le dirigeant de Syriza a une fois de plus souligné à Reuters qu’il voulait, comme le premier ministre Antonis Samaras (ND), assurer que la Grèce demeure dans l’UE. Il a dit à Reuters qu’il voulait renégocier les ententes de crédit – desquelles font partie les dernières mesures d’austérité – avec les représentants de l’UE, pour faire en sorte que la Grèce soit en meilleure position pour rembourser ses dettes.

Tsipras a répété sa demande que les banques grecques soient nationalisées. Considérant la faillite de ces institutions financières, cela ne signifie rien de plus que de socialiser leurs pertes. De l’actuelle tranche d’aide financière, quelque 85 pour cent ira directement aux banques. À cette fin, la population sera forcée à se soumettre à un plan de coupes sociales après l’autre.

À la lumière de ces déclarations, l’opposition verbale cynique de Syriza aux politiques d’austérité n’est rien de plus qu’une tentative de détourner la colère et la résistance des travailleurs dans des voies inoffensives, c’est-à-dire en soutien à l’UE et au gouvernement. La tâche principale de Tsipras est d’encourager les illusions que les attaques sociales peuvent être freinées ou réduites à l’intérieur de l’UE, et même sous le gouvernement actuel.

Cette stratégie prend de l’importance alors que les contradictions sociales s’intensifient. Il est de plus en plus difficile pour l’élite dirigeante à Athènes d’imposer les coupes dictées par l’UE. Les mesures d’austérité introduites jusqu’à présent ont déjà mené à une profonde récession, à un taux de chômage de plus de 24 pour cent, et à une baisse massive des salaires. Depuis le début de la crise, 70 000 entreprises ont dû fermer leurs portes.

Le gouvernement se prépare maintenant à imposer d’autres coupes, jusqu’à 30 pour cent, dans les salaires et les retraites, à réduire l’assurance-emploi dans certaines régions et à effectuer des licenciements de masse. De 13 000 à 15 000 postes de chargés de cours vont être abolis dans les universités, et les hôpitaux, qui sont déjà cruellement sous-financés, doivent réduire leurs effectifs de 10 pour cent.

La colère de la population devant ces politiques de dévastation sociale est immense. Le mois dernier, trois manifestations de près de 100 000 personnes ont pris place. Chaque jour, de nouvelles grèves éclatent et le gouvernement ne peut plus compter sur les travailleurs dans les ministères et les services pour mettre en oeuvre ses décisions.

Dans cette situation, le rôle central de Syriza est de paralyser politiquement les travailleurs et d’empêcher que des manifestations de masse se développent contre le gouvernement et les institutions de l’UE et deviennent le point de départ d’une offensive européenne de la classe ouvrière. Pour cette raison, Tsipras critique les coupes, mais tente d’empêcher toute mobilisation politique sérieuse des travailleurs.

Si Syriza parvient à maintenir son influence paralysante sur les travailleurs, et à bloquer ainsi la seule issue progressiste hors de la crise, le danger venant de l’extrême droite va s’accroître.

Le parti fasciste Chrysi Avgi (Aube dorée) a déjà réussi à attirer certains éléments désespérés et arriérés de la petite bourgeoisie et à les mobiliser contre les immigrants, les travailleurs et des opposants politiques. Le fait que ses campagnes racistes soient appuyées par des sections considérables de la police montre le caractère réactionnaire du gouvernement actuel, un gouvernement qui reçoit l’appui de Syriza.

(Article original paru le 31 octobre 2012)

Loading