Triplement des ventes d’armes américaines

Le triplement des ventes d’armes américaines à l’étranger enregistrant un montant record de 66,3 milliards de dollars est un baromètre très précis de l'accélération de la poussée vers une guerre dans le Golfe persique et à l’échelle mondiale. Ce secteur des exportations américaines à connaître une telle flambée témoigne de la maladie de l’économie et de la société capitalistes dont l’élite financière et patronale recourt au militarisme comme moyen de contrecarrer un déclin économique général aux Etats-Unis.

L’étude annuelle mondiale sur les ventes d’armes publiée cette semaine par le Congressional Research Service (CRS), service de recherche sur les politiques du congrès américain, a placé, par une majorité écrasante, les Etats-Unis en première position dans l'approvisionnement au monde d’armements perfectionnés.

« En 2011, les Etats-Unis occupaient la première place mondiale dans les accords de transfert en signant des accords totalisant 66,3 milliards de dollars (77,7 pour cent de tous ces types d’accord), soit une augmentation extraordinaire de 21,4 milliards de dollars en 2010. Le total des accords mondiaux conclus par les Etats-Unis en 2011 est le plus important en une année de l’histoire du programme d’exportation d’armes des Etats-Unis, » selon le rapport établi pour le Congrès.

Au cours d’une période antérieure, Washington justifiait de tels marchés d’armes comme faisant partie de sa stratégie de la Guerre froide pour faire échec à l’influence de l’Union soviétique et pour soutenir des régimes alignés sur l’Occident contre Moscou et ses alliés. Ceci se produisait dans un contexte où les ventes d’armes soviétiques au soi-disant Tiers monde rivalisaient avec celles des Etats-Unis, voire même les dépassaient.

De nos jours, toutefois, le rapport du CRS montre clairement, que les Etats-Unis comptent pour plus des trois quarts des ventes d’armes mondiales avec la part de son plus proche concurrent, la Russie, s’élevant à peine à 5,6 pour cent.

L’augmentation massive de la vente d’armes américaines est motivée par une rapide évolution vers une guerre agressive comme moyen de concrétiser des objectifs stratégiques de l’impérialisme américain, en plus de la course insatiable au profit et au pouvoir de la part du secteur militaro-industriel pléthorique.

La part du lion de l’augmentation des exportations d’armes est destinée à l’Arabie saoudite et aux Emirats arabes unis (EAU) qui représentent ensembles 38,2 milliards de dollars sur le total de 66,3 milliards de dollars. Les autres ventes importantes étaient celles d’un montant de 2 milliards de dollars de boucliers anti-missiles à Taiwan, une décision provocante visant la Chine, et celles de 6,9 milliards de dollars à l’Inde, qui exacerbent les tensions avec son rival régional, le Pakistan.

L’achat par la monarchie saoudienne de 84 avions de chasse F-15 en même temps que des dizaines d’hélicoptères militaires et d’autres armes rapporte des profits considérables à Boeing et à United Technologies. Le régime de l’EAU a obtenu un système de défense antimissile sophistiqué pour un montant de 3,5 milliards de dollars ce qui garantit des profits attractifs à Lockheed Martin.

Le rapport CRS comporte la remarque suivante: « Alors qu’auparavant le principal motif de ventes d’armes par des fournisseurs étrangers clé aurait pu être le soutien à un objectif de politique étrangère, aujourd'hui ce motif pourrait tout aussi bien, sinon plus, se fonder sur des considérations économiques que sur une politique de sécurité étrangère ou nationale. »

En réalité, ces objectifs de politique étrangère et d’intérêts économiques se nourrissent l'un l'autre. Le complexe militaro-industriel contre lequel l’ancien général Dwight D. Eisenhower avait mis en garde à la fin de son mandat présidentiel, il y a un demi-siècle, a pris des proportions gargantuesques, dominant le gouvernement américain et les deux principaux partis et jouant un rôle largement disproportionné dans l’économie américaine. Il fournit un puissant élan à la fois au militarisme à l’étranger et à l’assaut contre les droits démocratiques sur le plan national.

Les achats d'armes par les régimes monarchiques du monde arabe découle d’une part de leur réaction aux soulèvements populaires qui furent surnommés le « Printemps arabe » et, d’autre part, de l’intensification des préparatifs par les Etats-Unis et leurs alliés pour une nouvelle guerre, cette fois-ci contre l’Iran.

La maison des Saoud, qui dirige l’Arabie saoudienne comme un fief familial, a perçu dans les événements survenus en Tunisie, en Egypte et surtout au Bahreïn, où ses troupes ont servi à réprimer les protestations de masse, une menace mortelle à son règne absolutiste. Une partie essentielle de sa réponse est l’expansion spectaculaire de son appareil militaire.

Les préparatifs de guerre contre l’Iran, tout comme ceux qui avaient précédé la guerre d’agression contre l’Irak il y a dix ans, ont été publiquement justifiés en tant que réaction à une présumée menace posée par « des armes de destruction massive. » Les Etats-Unis et leurs alliés ont affirmé que le programme nucléaire de l’Iran avait comme but la production d’armes nucléaires, accusation à maintes reprises rejetée par le gouvernement d’Iran qui insiste pour dire que le programme est de nature pacifique.

L’hypocrisie de cette accusation portée contre l’Iran et qui a fourni le prétexte à des sanctions paralysantes, au déploiement d’une vaste flotte aérienne et navale dans le Golfe persique et à des menaces de la part d’Israël et des Etats-Unis d’attaque militaire non provoquée, est évidente sur la base des chiffres avancés par le rapport relatif au commerce des armes américain. La quantité d’armement vendue par Washington aux régimes saoudiens et des émirats se chiffrait, rien que l’année dernière, à près de six fois l’ensemble du budget militaire de l’Iran.

L’objectif géostratégique américain du parrainage de ces ventes d’armes est de créer de puissants mandataires régionaux armés pour une guerre en faveur d’un changement de régime en Iran. Ce processus est déjà appliqué en Syrie où les principaux clients du marché des armes de Washington – l’Arabie saoudite et l’EAU – soutiennent ouvertement les soi-disant rebelles en quête du renversement du principal allié arabe de l’Iran, le gouvernement de Bachar al-Assad. Ce parrainage a occasionné la mise en place d’un fonds de 100 millions de dollars pour payer les salaires des milices qui s’opposent au gouvernement syrien ainsi que la fourniture d’armes qui est coordonnée par la CIA à partir de la Turquie et très certainement du territoire syrien même.

Les préparatifs de guerre contre l’Iran visent à renforcer l’hégémonie américaine sur les régions riches en pétrole du Golfe persique et de la Mer caspienne, et que couvre le territoire iranien. Dans ce sens, l’agression qui est en train de se préparer sous Obama contre l’Iran et sa population se fait dans la poursuite des mêmes objectifs que ceux qui avaient sous-tendu les guerres lancée sous Bush en Afghanistan et en Irak.

L’industrie de l’armement est massivement subventionnée par les contribuables américains. Alors que l’establishment politique et les médias insistent pour dire qu’« il n’y a pas d’argent », quand il est question d’emplois, de salaires décents, d’éducation et de services publics essentiels, des milliards de dollars sont prodigués aux marchands de mort de l’Amérique.

Les travailleurs américains n’ont ni une part dans les profits subventionnés par l’Etat de cette industrie ni leur mot à dire sur la vente de puissants systèmes d’armement à des régimes réactionnaires. Tout comme il y a eu une opposition de masse envers les guerres en Afghanistan et en Irak, il existe une hostilité similaire à armer jusqu’aux dents les monarchies saoudiennes et de l’EAU, sans mentionner le fait d’être entraîné dans une nouvelle guerre, cette fois contre l’Iran.

La disparition de toute protestation de masse contre la guerre reflète non pas un sentiment populaire mais plutôt la politique réactionnaire d’une couche privilégiée de pseudo-gauche de la classe moyenne qui a délibérément œuvré pour canaliser le sentiment anti-guerre derrière Obama et le Parti démocrate.

On ne peut construire un nouveau mouvement de masse contre la guerre que par une rupture irréconciliable avec le Parti démocrate et le système bipartite américain. Ce qui est requis c’est une mobilisation politique indépendante de la classe ouvrière sur la base d’un programme socialiste, y compris la conversion de l’industrie d’armement en installations publiques consacrées à la production pour les besoins humains et non pour des massacres de masse.

(Article original paru le 30 août 2012)

Loading