Echec du référendum sur la destitution du président roumain

Plus de 7 millions de personnes, représentant 87,5 pour cent des suffrages exprimés, ont voté lors du référendum du 29 juillet en faveur de la destitution du président conservateur sortant, Traian Basescu, qui avait appelé à boycotter le scrutin.

Toutefois, le nombre d’électeurs qui ont participé au référendum n’a pas atteint les 50 pour cent plus un, des électeurs requis pour valider le référendum. Selon le Bureau central électoral, 46 pour cent seulement des électeurs inscrits sont allés voter.

La Cour constitutionnelle roumaine, l’organe responsable en dernière analyse de la validation des résultats, a reporté sa décision finale au 31 août, suite à une plainte déposée par l’Union sociale libérale (USL) au sujet du nombre d’électeurs inscrits en Roumanie. La cour a affirmé avoir reçu des différentes institutions gouvernementales des données contradictoires. Basescu ne reprendra donc pas ses fonctions avant cette date ; Crin Antonescu qui est soutenu par l’USL servira de président intérimaire.

Le référendum a été réclamé dans un contexte d’opposition populaire grandissante à l’encontre des coupes sociales dictées par le Fonds monétaire international (FMI) et l’Union européenne (UE) auxquels Basescu est fortement associé. Ces coupes sociales figurent parmi les plus dures d'Europe.

Elles prévoient une réduction de 25 pour cent de tous les salaires dans la fonction publique, une diminution des retraites, une augmentation de la TVA de 19 à 24 pour cent, une réduction des prestations sociales et le licenciement de centaines de milliers de fonctionnaires. L’implication politique étroite de Basescu dans les mesures gouvernementales a même été reconnue par la Cour constitutionnelle. En citant la motivation pour la tenue du référendum, elle a déclaré qu’il empiétait sur les prérogatives du premier ministre.

Le gouvernement conservateur précédent du premier ministre Emil Boc avait été obligé de démissionner au milieu de protestations de masse à Bucarest contre les coupes sociales, notamment en janvier contre la décision de privatiser les soins de santé.

La faible participation à l’actuel référendum témoigne du rejet populaire de la politique du nouveau premier ministre social-démocrate, Victor Ponta de l’USL. Depuis son arrivée au pouvoir, il a poursuivi la politique de Basescu et des conservateurs. Ponta a déclaré avoir l’intention de satisfaire les exigences du programme du FMI, y compris l’objectif budgétaire.

Le gouvernement de Ponta a fait tout ce qui était en son pouvoir pour rassurer les marchés financiers qu’il continuera d’imposer les dictats du FMI et de l’UE. Ceci comprend des appels répétés en faveur d’une stabilité politique, la nomination de ministres proches de Basescu et des conservateurs, et le limogeage des ministres critiqués dans les médias conservateurs.

Le 25 juillet, il a déclaré qu’il souhaitait prolonger de deux ans l’accord du FMI. Quelques jours avant l’arrivée d’une délégation du FMI, de la Commission européenne et de la Banque mondiale en Roumanie, le ministre des Finances, Florin Georgescu, avait dit qu’un nouvel accord était une « décision stratégique » qui fournira une « attestation, une garantie de la part des marchés financiers internationaux. »

Georgescu a annoncé, lors d’une conférence de presse tenue le 31 juillet, que la privatisation des entreprises publiques se poursuivait, avec la vente d’actions de la société nationale d’énergie. Lors de la même conférence de presse, il a dit que l’USL ne pensait même pas à introduire l’impôt progressif.

Après avoir critiqué la politique éducative du gouvernement conservateur, notamment l’introduction de la surveillance vidéo et policière lors de l’examen national du baccalauréat, l’USL a toutefois gardé cette mesure. En conséquence, 44 pour cent seulement des étudiants ont été diplômés, soit le taux le plus faible de l’histoire de l’examen. Ces résultats ne sont comparables qu’à ceux de l’année dernière où le gouvernement conservateur avait introduit cette surveillance pour la première fois.

Dans une interview diffusée en mai sur Radio France international, Ecaterina Andronescu, avait dit que « la vidéo surveillance est destinée à humilier les enseignants. »

Après avoir été ministre de l’Education dans le gouvernement de Ponta, elle a décidé de garder les caméras vidéo en affirmant qu’elles n’« étaient qu’une mesure pour combattre la fraude. »

Les plus durement touchés ont été les lycées techniques dans les régions pauvres où la majorité des élèves n’ont pas obtenu leurs diplômes. Des milliers d’étudiants sont restés sans perspective d’accéder à un enseignement supérieur et sans pouvoir trouver un emploi, obligés de dépendre de maigres allocations chômage ou d’accepter des petits boulots d'un jour. Selon la nouvelle règlementation pour l’augmentation de la compétitivité dans le système éducatif qui a été mis en vigueur par les conservateurs et poursuivi par Andronescu et l’USL, ce sont aussi ces lycées-là qui reçoivent le moins de subventions de l’Etat.

La brouille de l’USL avec Basescu est survenue après une querelle amère pour savoir qui devrait représenter la Roumanie au sommet de l’UE qui s’est tenu à Bruxelles du 27 au 28 juin.

La campagne de Basescu défendait avec acharnement les coupes sociales et a laissé entendre à maintes reprises que la Roumanie serait marginalisée au sein de l’Union européenne s’il était révoqué. Il a été farouchement soutenu par les dirigeants de l’UE, et la chancelière allemande, Angela Merkel, est intervenue pour qualifier sa suspension d’« atteinte à l’Etat de droit, ce qui est inacceptable dans un Etat membre de l’UE. »

Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a dit que les « événements en Roumanie minaient la confiance de l’UE dans le système judiciaire de ce pays. »

Les résultats du vote de dimanche reflètent un rejet tant de la politique du gouvernement Ponta qu’un profond ressentiment envers Traian Basescu et les conservateurs. Basescu a dit lui-même, « Je n’ai pas gagné. Ils n’ont pas gagné. »

Il a appelé à l’unité des principaux partis bourgeois en promettant « de consacrer le reste de son mandat présidentiel à combler les fissures existant dans la société roumaine. »

Indépendamment de l’issue de cette crise politique, les attaques contre les conditions de vie des travailleurs continueront et les travailleurs entreront en conflit avec le gouvernement USL.

Crin Antonescu, président intérimaire soutenu par l’USL, a reconnu que le référendum a été un moyen de relâcher la pression. Il a dit, « Si ce référendum n’avait pas eu lieu, si cette suspension ne s'était pas produite, nous aurions risqué la violence sociale cet automne, avec un tout autre degré d’intensité et de violence qu'en janvier. »

(Article original paru le 7 août 2012)

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