Manifestations à Clermont-Ferrand après la mort d'un homme sous les coups de la police

Wissam el-Yamni est mort lundi des suites de son arrestation brutale, la nuit de la Saint Sylvestre dans le quartier de La Gauthière à Clermont-Ferrand, ville industrielle du centre de la France. Lorsqu'il est arrivé à l'hôpital, cet homme de trente ans était dans le coma suite à un arrêt cardiaque et présentait des fractures et des lésions au cou.

600 à 700 personnes ont manifesté mardi à La Gauthière, derrière des banderoles sur lesquelles on pouvait lire « Pour Wissam, respect et justice » ou « Repose en paix. » Une banderole s'adressait au ministre de l'Intérieur Claude Guéant: « Guéant, reconnais que la police a tué. »

L'arrestation de El-Yamni, puis son hospitalisation dans un état critique, ont aussitôt provoqué la colère et la consternation dans le quartier et dans toute la ville. Selon Jean-Louis Borie, avocat de la Ligue des droits de l'homme(LDH) à Clermont-Ferrand, les jeunes habitants des quartiers sensibles «rencontrent des problèmes récurrents de contrôles d'identité au faciès répétitifs» et «les rapports sont malsains entre la police et les jeunes. »

Le Parisien rapporte que depuis l'arrestation de el-Yamni, « La tension est palpable à Clermont-Ferrand, avec plusieurs dizaines de voitures brûlées ce week-end et une marche silencieuse de plus de 500 personnes samedi. Les participants, des jeunes gens issus des quartiers populaires de la ville pour l'essentiel, se sont rendus devant le commissariat derrière une banderole sur laquelle était inscrit : 'Personne au-dessus des lois, stop bavure, on est tous avec toi Wissam". »

La police dit que el-Yamni était «sous l'emprise de l'alcool, du cannabis et de la cocaïne » et qu'au moment de son interpellation il était «très excité. » Il a été arrêté après une course poursuite, jeté à terre et menotté car il aurait attaqué la police et lancé des projectiles sur leur véhicule. La police prétend aussi qu'ils étaient venus sur les lieux suite à un appel à l'aide, reçu du téléphone de el-Yamni ayant pour but de les attirer dans une embuscade.

Lorsque l'on a appris, lundi après-midi, la nouvelle de la mort de el-Yamni, vers 21h un hélicoptère de la police muni d'un projecteur s'est mis à survoler La Gauthière. Une demie-heure plus tard, quatre cars de CRS se positionnaient sur les avenues qui bordent le quartier. 

Laure Marchand qui vit dans le quartier a dit à la presse lundi soir: « Au supermarchpé en fin d'après-midi, les jeunes ont dit 'Il est mort'. Ils ont tous de la colère. » Elle a dit qu'elle avait assisté de sa fenêtre à la violence policière contre le jeune homme la nuit de la Saint-Sylvestre. Elle a déclaré que «deux personnes l'ont plaqué au sol et lui ont donné des coups au torse et à la tête. »

Une information judiciaire pour « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner par personne dépositaire de l'autorité publique » a été ouverte pour enquêter sur le comportement des deux policiers qui avaient arrêté el-Yamni. »

La préfecture du Puy-de-Dôme a annoncé lundi le maintien du dispositif de sécurité, qui avait été renforcé durant le week-end, avec quelque 420 policiers et gendarmes déjà déployés à Clermont-Ferrand la nuit précédente. Deux hélicoptères seraient utilisés, l'un équipé d'une caméra thermique et l'autre d'un projecteur. Ce dispositif pourrait être renforcé en cas de besoin. 

M. Borie a dit mardi: «Le préfet de région a mis en place un dispositif de guerre, avec notamment un hélicoptère qui a balayé la ville toute la nuit avec sa torche éclairante. »

La nuit de lundi à mardi a été moins agitée que les nuits précédentes, avec 5 voitures incendiées et 17 arrestations. La préfecture a néanmoins souligné que les policiers ont été pris à partie par « de très petits groupes isolés, » ce qui justifiait «le maintien d'un dispositif important » la nuit prochaine.

Lundi après-midi, trois jeunes de 18 à 20 ans ont été jugés en comparution immédiate pour des jets de pierre durant la nuit de la Saint-Sylvestre, ce que tous trois nient. Le premier a été condamné à quatre mois de prison dont deux ferme, le deuxième a été condamné à un an de prison ferme. Le dernier a été relaxé.

Conscients du profond mécontentement social qui règne en France au sujet des mesures d'austérité, notamment dans les ghettos urbains qui abritent 17 pour cent de la population française, et ayant à l'esprit les révoltes des jeunes de l'année dernière en Grande-Bretagne et de 2005 en France, les autorités cherchent à tout prix à éviter que les manifestations se propagent.

Le responsable régional de la LDH a mis en garde que si les deux policiers visés après l'interpellation étaient « suspendus », cela permettrait de ramener le calme dans les quartiers. Borie, s'exprimant au nom de la LDH a dit: « Les jeunes peuvent avoir l'impression qu'il y a deux poids deux mesures » avec d'un côté des personnes jugées en comparution immédiate et de l'autre des policiers toujours en fonction.

Le ministre de l'Intérieur Claude Guéant a indiqué que les deux policiers impliqués sont en congé, mais ils n'ont cependant pas été suspendus.

Dans la nuit de mardi, dans la banlieue parisienne d'Aulnay-sous-Bois, un autre jeune homme âgé de 25 ans, souffrant d'un problème au coeur, est décédé d'une crise cardiaque au moment de son arrestation lors d'un contrôle de police durant une opération antidrogue.

(Article original publié le 12 janvier 2012)

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