Le Mouvement socialiste de Russie – un piège politique pour la classe ouvrière

Il y a vingt ans, l’Union soviétique s’effondrait en grande partie parce que la classe ouvrière, après s’être spontanément engagée à la fin des années 1980 et au début des années 1990 dans la lutte contre la bureaucratie stalinienne, fut incapable de présenter en temps utile sa propre direction et de créer un parti pour formuler clairement son propre programme internationaliste révolutionnaire indépendant, à l’image des Bolchéviques en 1917.

Au bout des deux décennies qu’a duré la restauration capitaliste dans l’ancienne Union soviétique, la tâche de créer une telle avant-garde politique orientée vers la perspective du socialisme révolutionnaire international, reste encore l’axe central sur lequel les efforts entrepris par chaque travailleur, intellectuel ou jeune à l’esprit socialiste doivent se concentrer.

Les conditions historiques qui déterminent la situation actuelle sont liées au fait que le stalinisme soviétique a consolidé sa mainmise sur le pouvoir en tant que fossoyeur de la révolution, voire son antipode contre-révolutionnaire. La Grande terreur de 1937-1938 a non seulement détruit plusieurs générations de travailleurs et d'intellectuels socialistes, mais a aussi arraché les racines de la culture marxiste et de la conscience socialiste qui se trouvaient dans la société soviétique.

La question qui se pose est celle de la tâche historique de restituer le marxisme dans l’ancienne URSS. Ceci signifie l'assimilation délibérée et consciente des leçons de la lutte pour une perspective socialiste au vingtième siècle – incarnée dans l’histoire et l’héritage politique de la Quatrième Internationale, fondée en 1938 par Léon Trotsky dans la lutte contre la dégénérescence stalinienne du Parti bolchévique, de l’Etat soviétique et de l’Internationale communiste.

Le Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI) est la seule tendance à avoir toujours lutté pour le maintien de la continuité historique de la perspective de Trotsky. Il a lutté pour la mobilisation de la classe ouvrière contre le capitalisme, indépendamment de toutes les formes d’adaptation radicales de gauche au capitalisme et à la social-démocratie, au syndicalisme et à la bureaucratie stalinienne.

Le retour du marxisme dans l’ancienne URSS signifie, au sens le plus large, la construction de sections du CIQI en Russie et dans les autres anciennes républiques soviétiques.

En revanche, le Mouvement socialiste de Russie (RSD) [Российское Социалистическое движение], créé au début du mois de mars dernier, tente d’établir en Russie une culture de l’opportunisme pseudo-gauche, totalement hostile à la classe ouvrière et visant à empêcher qu’elle ne développe sa propre conscience de classe.

En Europe, parmi les représentants de cette tendance on compte le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) en France et le parti La Gauche (Die Linke) en Allemagne avec lesquels le RSD entretient des liens étroits. En Russie, l’un des principaux « importateurs » de cette politique est le directeur de l’Institut de la mondialisation et des mouvements sociaux, Boris Kagarlitsky. Il a été, dès le début, un des mentors politiques du RSD.

Les déclarations du RSD, le caractère des tendances qui opèrent à l’intérieur de ce dernier et de leur politique actuelle, ainsi que le caractère des affiliations internationales du RSD, portent tous à croire que le RSD a été formé pour défendre le régime dirigeant formé d’oligarques et de bureaucrates. Ce régime est rapidement en train de perdre de l’autorité au sein de la population. Ce processus a notamment gagné en vitesse sous l’influence de la crise économique mondiale grandissante, des révolutions arabes et de la croissance des protestations de masse à l’Ouest, dont le mouvement « Occupy Wall Street ».

En dépit de son nom, le RSD n’a rien à voir avec une lutte pour le socialisme et le renversement du capitalisme russe illégitime et la mise en place d’un gouvernement ouvrier. Ce mouvement vise à donner une apparence quelque peu « démocratique » au régime existant en promouvant l’illusion qu’il est possible de le réformer. Le RSD affirme vouloir mobiliser les masses par le haut, sur la base de vagues slogans tout en promouvant parallèlement la perspective en faillite de la « modernisation » des institutions du Kremlin et de l’oligarchie capitaliste russe.

Le pessimisme à l’égard de la classe ouvrière

La ligne dominante systématiquement avancée dans les documents et les publications du RSD est l’affirmation qu’il n’y a pas de place indépendante pour la classe ouvrière dans la vie politique « actuelle. »

Le manifeste fondateur du mouvement, « Sur la construction d’une organisation de la gauche anticapitaliste, » stipule : « La confrontation entre le gouvernement et l’opposition libérale demeure l’axe fondamentale d’opposition de la politique intérieure actuelle… Par ailleurs… l’extrême droite et les nationalistes sont également en train de renforcer leur mobilisation de ressources… En fin de compte, les forces politiques (hélas, pas forcément de gauche) qui sont capables de faire de leur programme, le programme des grandes masses, et de leur organisation le centre de la mobilisation sociale, peuvent dicter l’évolution future de la situation. »

L’essence de cette déclaration est que l’élément décisif de la vie socio-politique russe n’est pas la lutte des classes mais les divergences d’opinion au sein de l’élite dirigeante. Dans le manifeste du RSD il y a, certes, une disposition disant « que du point de vue des intérêts de la majorité laborieuse, ce conflit [entre le gouvernement et l’opposition libérale] n’est pour l’essentiel, pas vraiment important. » Toutefois, cette disposition a un caractère purement ritualiste vu qu’elle ne change absolument rien à l’orientation de classe du RSD.

Le degré de maturité politique de la classe ouvrière, sa participation « effective » à la vie politique, est déterminé non seulement, ni même principalement, par l’ampleur des luttes spontanée, indépendamment de leur importance, mais par le degré d’influence qu’un parti révolutionnaire exerce sur ces luttes. Sans cela, la classe ouvrière est susceptible d’être politiquement désarmée pour devenir la cible de manipulation par des forces de classe hostiles. Mais, le RSD agit précisément contre la création d’une telle avant-garde révolutionnaire – en contribuant ainsi à assurer qu’une fraction de l’élite dirigeante fasse « de son programme le programme des grandes masses, » aux dires du RSD.

Un article, intitulé « Le Pablo Escobar de la politique russe, » publié le 3 juillet par le dirigeant du RSD, Ilya Budraitkskis, sur le site internet Rabkor-ru, exprime ce profond pessimisme à l’égard de la classe ouvrière. L’article est consacré au choix de Mikhaïl Prokhorov comme dirigeant du parti libéral Pravoe Delo (« Juste Cause »), cet article se lit comme un panégyrique politique du sens des affaires et du « populisme » de l’un des milliardaires les plus odieux de Russie.

Dans son article, Budraitskis prédit qu’« en décembre le parti de Prokhorov remportera une victoire sensationnelle aux élections de 2011, » allant jusqu’à parler de « victoire prévisible de Juste Cause » lors de cette élection. D’où vient cette confiance accordée à la victoire de Prokhorov ? Elle vient de ce que de l’avis de Budraitskis, les masses de travailleurs russes sont complètement sous l’emprise de l’illusion petite bourgeoise.

Budraitskis écrit: « La force de la régression sociale russe a forgé un nouvel individu : le pionnier sévère de la survie capitaliste dont les préférences politiques oscillent entre une incrédulité cynique dans toutes formes de lutte en faveur d’intérêts collectifs, la haine à l’égard de l’Etat parasitique et un engagement radical, à des degrés divers, pour la ‘question russe.’ Cet individu ne sera pas un militant politique parce qu’il a été accoutumé à ne travailler que pour lui-même et qu’il n’aime pas se remplir le crâne d’information superflue. Mais, il est disposé à voter pour toute personne en qui il se reconnaît ou tel qu’il aimerait devenir. Cet individu dur et morose du Tiers monde sera le futur électeur de masse de Mikhaïl Prokhorov. »

A peine trois mois plus tard, à la mi-septembre, n’étant plus considéré comme digne de confiance par le Kremlin, Prokhorov était exclu de Juste Cause. Depuis, Juste Cause est tombé dans un coma profond, obtenant un pourcentage insignifiant de voix aux élections parlementaires du 4 décembre.

Une « révolution démocratique » et non une révolution socialiste

La perspective que suit le RSD est celle d’une révolution démocratique qui est censée être possible dans la Russie capitaliste dans la mesure où elle est fondée sur une vaste coalition de « forces d’opposition » comprenant tout le monde, allant des libéraux jusqu'aux nationalistes. Au sein d’une telle coalition objectivement de droite, la classe ouvrière est dans l’impossibilité de présenter son propre programme révolutionnaire et internationaliste. Elle ne peut que jouer le rôle de partenaire mineur, et que les autres contrôlent.

Cette orientation est diamétralement opposée à la théorie de la révolution permanente de Trotsky selon laquelle la classe capitaliste moderne, qui est représentée par toutes sortes de tendances politiques et leurs factions respectives, est incapable de lutter pour la démocratie car ses intérêts de classe sont incompatibles avec les intérêts des masses. La tâche de la lutte pour la démocratie incombe uniquement à la classe ouvrière, prenant la tête des autres classes opprimées dans une révolution internationale et socialiste.

Comme exemple de révolution démocratique telle celle promue par le RSD, on peut citer les « révolutions de couleur » survenues dans l’ancienne Union soviétique en 2003-2004. Celles-ci ont conduit au pouvoir des régimes pro-américains en Géorgie et en Ukraine et qui ont immédiatement lancé des attaques féroces contre les droits et le niveau de vie de la classe ouvrière.

Un bon nombre de groupes politiques qui ont rejoint le RSD, et en particulier le groupe de Budraitskis, ont activement participé à la Révolution orange en Ukraine, servant d’instrument à l’impérialisme et aux cliques corrompues de la bourgeoisie nationale.

La perspective d’une révolution démocratique vers laquelle le RSD est orienté a été théoriquement expliquée dans l’article « Lorsque Poutine démissionnera » et qui fut publié le 1er juillet sur Anticapitalist.ru, le site Internet du RSD. L’article déclare que, « Malgré sa spécificité apparente par rapport à la soi-disant ‘ démocratie occidentale,' malgré la dérive autoritaire qui a commencé dans les années 2000, l’Etat de Poutine s’est révélé être bien plus proche d’une démocratie bourgeoise réelle que ne l’avait été l’Etat d’Eltsine. Quoiqu’il en soit, la libéralisation politique qui n’a pas eu lien dans les années 1990 est devenue à présent techniquement possible. »

Cette conclusion étonnante – selon laquelle l’autoritarisme est la voie vers la démocratie ! – pourrait facilement être considérée comme une nouvelle découverte faite par le RSD dans le domaine de la science politique si elle n’était pas directement empruntée à l’arsenal des anti-communistes les plus agressifs et qui, du moins depuis le régime de Pinochet, affirment que l’autoritarisme peut contribuer à construire une démocratie prospère.

Selon le RSD, bien que Poutine se soit lui-même chargé durant une décennie de démanteler la fiction du parlementarisme bourgeois érigé par Eltsine après l’effondrement de l’Union soviétique, il a en fait ouvert la voie à l’épanouissement d’une « véritable démocratie bourgeoise ! » En substance, la position du RSD n’est rien moins qu’une excuse pour la « mission historique » de Poutine, un élément clé de l’idéologie officielle du Kremlin telle qu’elle est défendue par des figures comme Vyacheslav Surkov.

Le Kremlin tente de justifier son autoritarisme en suggérant qu’il représente un stade plus progressiste du capitalisme que la prétendue « accumulation initiale » des « folles années 1990 », et promet une démocratisation « d’en haut » dans un avenir proche. C’est Medvedev en particulier qui a été promu porte-parole officiel pour ces tendances « de modernisation » au sein de l’élite du pouvoir dans le but de faire accepter cette duperie.

Le RSD a pris l’ensemble de cette escroquerie pour argent comptant en promouvant la perspective de réformes d’en haut et en s’arrangeant pleinement avec le « programme » du régime tel qu’il avait été appliqué jusqu’au 24 septembre dernier – date où Poutine, et non Medvedev, fut désigné candidat présidentiel du Kremlin pour les prochaines élections.

Dans un autre article du RSD, le « Manifeste de l’équipe des analystes » qui fut repris du site Internet Sensus Novus, il est dit que « certaines personnes au pouvoir viennent à comprendre de plus en plus clairement qu’une modernisation ‘d’en haut’ est nécessaire afin d’éviter une rupture qui finirait tôt ou tard par avoir lieu ‘d’en bas.’ Puis, le document signale que son objectif principal « est un programme de changement positif capable enfin de transformer la Russie, de dinosaure bureaucratique qu'elle est, en un Etat démocratique moderne. »

Cette construction d’un Etat capitaliste « démocratique moderne » constitue le véritable programme du RSD.

Cette perspective est d’autant plus en faillite que, dans les pays occidentaux où le régime parlementaire avait d’abord fait son apparition, la démocratie n’est pas en train de fleurir mais de dépérir profondément. La période contemporaine a connu des attaques incessantes contre les droits démocratiques et le niveau de vie de la classe ouvrière. Dans tous ces pays, les réductions des salaires et des dépenses sociales sont allées de pair avec un élargissement des pouvoirs policiers dans le cadre de la « guerre contre le terrorisme » – qui a motivé ces régimes à envahir l’Afghanistan, l’Irak et la Libye en déclenchant des guerres impérialistes brutales.

La perspective socio-économique et politique du RSD a trouvé son expression la plus flagrante dans la conférence « La crise sociale et l’avenir des forces de gauche », qui a été organisée les 9 et 10 juillet par l’Institut de la mondialisation et des mouvements sociaux de Kagarlitsky (IGSO), organisation affilée au RSD, et soutenue par la Fondation Rosa Luxembourg (affiliée en Allemagne au parti pro-gouvernemental Die Linke, successeur du parti stalinien de l’Allemagne de l’Est, le SED (Parti socialiste unifié d’Allemagne).

Le représentant de l’IGSO, Vasily Koltashov, a présenté l’un des rapports de la conférence. Il a souligné que le programme qu’il proposait ne pouvait pas être qualifié de « socialiste, » et qu’il ne le considérait pas comme tel.

Koltashov a ajouté qu’en « toute probabilité, les pays qui ont été les victimes de la catastrophe économique mondiale pouvaient s’attendre à des révolutions démocratique bourgeoises, plutôt que socialistes. »

Un autre intervenant était le philosophe libéral et journaliste bien connu Boris Mezhuyev. Il a parlé du besoin d’une coalition démocratique tout en faisant remarquer à juste titre que la bourgeoisie russe « ne peut pas accomplir et formuler les revendications de la démocratie. »

Il a souligné, «Dans une situation où la bourgeoisie russe est incapable de devenir la force démocratique dirigeante et de fournir à la population un minimum indispensable de droits démocratiques et de liberté, c’est la gauche qui devra devenir la force démocratique dirigeante. » Aucun des participants présents à la conférence n’a contredit Mezhuyev à ce sujet.

Le document final de la conférence a parlé de la nécessité de « s’orienter vers un nouvel Etat providence… Ceci nécessitera non seulement un arrêt des mesures destructives dans le domaine de l’éducation et de la santé publique mais aussi un accroissement de l’implication de l’Etat dans l’économie, probablement en prévoyant la nationalisation du secteur de l’énergie et de monopoles des ressources naturelles. »

Une fois de plus, le programme du Mouvement socialiste de Russie tel qu’il avait été présenté jusqu’à l’automne dernier, pourrait être résumé comme suit : la « gauche » doit aider le capitalisme russe à se sauver lui-même, y compris si besoin, par le biais d’une politique de nationalisation. Ceci laisse de côté l’essentiel : en raison de leur subordination aux « libéraux » et aux oligarques du Kremlin, les forces entourant le RSD ne pourraient faire pression pour une telle politique que dans la mesure où l’oligarchie elle-même déciderait qu’il est de son intérêt d’appliquer une telle politique. Alors, dans ce cas il ne s’agirait pas d’une nationalisation progressiste mais simplement d’une redistribution des ressources parmi les oligarques dirigeant l’appareil d’Etat.

Le RSD cherche à organiser les masses, mais de telle manière que les masses n’expriment en aucun cas clairement leurs intérêts de classe mais se limitent volontairement aux « questions de terrain », c’est-à-dire à une organisation apolitique. Ainsi mobilisées, les masses devraient soutenir certaines couches de l’élite dirigeante – permettant ainsi à celles-ci d’obliger le restant de l’establishment à entreprendre des réformes de nature purement cosmétique. Le but de ce projet est de prévenir le développement d’une lutte indépendante de la classe ouvrière et d’éviter le risque d’une révolution socialiste.

La dégénérescence historique de la « gauche » sur le plan international

Le RSD fut créé en tant que coalition à partir de groupes pseudo-gauches, staliniens, libéraux et anarchistes, d’organisations syndicales et de mouvements sociaux. Son nom est né suite à de longues discussions et choisi pour éviter toute identification claire et nette avec le marxisme. Le RSD parle en apparence du socialisme mais, dans les faits, il laisse la porte grande ouverte non seulement aux libéraux, pour qui toute intervention de l’Etat dans l’économie constitue déjà le socialisme, et aux anarchiste, pour qui une organisation ouvrière du prolétariat est inacceptable, mais aussi à bien d’autres forces qui n’ont rien en commun ni avec le marxisme ni avec la politique ouvrière.

Le RSD veut manoeuvrer entre les forces libérales, staliniennes et nationalistes sans miner leur domination de la vie politique. Tout en s’adaptant à ce mouvement, il est en quête de « points de contact » avec des politiciens bourgeois au lieu de se démarquer d’eux sur la base de principes. Il condamne les socialistes révolutionnaires pour « sectarisme » et il étouffe les questions de classes sous le prétexte d’une unité « urgente » concernant des objectifs [unification des objectifs poursuivies]. En dernière analyse, il veut devenir une arme entre les mains des forces réactionnaires, y compris des oligarques russes et de l’impérialisme occidental, qui soit hostile à la classe ouvrière.

Le flirt du RSD avec les libéraux s’exprime par exemple dans son attitude à l’égard de l’académicien A. Sakharov. Au lieu d’une évaluation honnête des implications droitières de la politique libérale anti-communiste des années 1970 et 1980 de ce dernier, les représentants du RSD rabâchent des phrases toutes faites sur « l’autorité morale de Sakharov. »

Son flirt avec les staliniens apparaît dans son refus de condamner inconditionnellement la répression stalinienne, la liquidation stalinienne de l’URSS et le refus de mener une lutte impitoyable contre l’héritage du stalinisme. Le manifeste de fondation du RSD, dans la partie consacrée à l’histoire politique de la Russie durant la période post-soviétique, fait remarquer avec approbation qu’en ce qui concerne la première moitié des années 1990, le « stalinisme et le revanchisme étaient… la force dominante, » puis dit que « la gauche radicale, d’une manière ou d’une autre, agissant dans le cadre de ce vaste mouvement, cherchait à lutter de l’intérieur pour sa composante internationaliste et démocratique. »

Le RSD déclare que son partenaire politique le plus étroit est un mouvement appelé « Front de Gauche », qui a été formé à partir du RKRP stalinien [Parti communiste ouvrier de Russie]. Le porte-parole du « Front de Gauche », Sergei Udaltsov, fut pendant un temps l’un des organisateurs des protestations des libéraux nationalistes « contre le système ». Le principal apparatchik (« membre de l’appareil ») du « Front de Gauche », Anatoly Baranov, a pendant très longtemps joué le rôle d’idéologue principal et de spécialiste des médias dans la direction du KPRF de Gennadi Ziuganov [le Parti communiste de la Fédération de Russie].

Le prétexte officiel qui a servi à la formation du RSD fut l’unification de deux anciens groupes pseudo-trotskystes – le mouvement socialiste « En avant », dirigé par Budraitskis, et le groupe Résistance socialiste d’Ovsiannikov. Les deux groupes firent jadis partie du Comité pour une Internationale ouvrière – une tendance pabliste dirigée par le groupe « Militant » britannique.

Le pablisme est une tendance du révisionnisme anti-trotskyste qui avait émergé au sein du mouvement trotskyste à la fin des années 1940 et qui visait à liquider la Quatrième Internationale en tant que force politique indépendante. Nommée d’après Michel Pablo, cette tendance rejette la mobilisation indépendante de la classe ouvrière tout en considérant la bureaucratie soviétique – au même titre que les mouvements bourgeois nationaux et divers syndicats réformiste et bureaucraties sociales démocrates – comme étant capables d’agir comme un substitut pour la Quatrième Internationale en dirigeant la classe ouvrière dans la lutte pour le socialisme. Très vite, le pablisme chercha à liquider les sections de la Quatrième Internationale dans divers mouvements staliniens ou nationaux bourgeois.

La trahison du pablisme fut condamnée par l’aile révolutionnaire du mouvement trotskyste mondial qui s’unifia en 1953 en créant le CIQI qui représente depuis lors l'unique tendance internationale à mener une lutte conséquente pour la perspective du socialisme révolutionnaire.

La capitulation de la bureaucratie soviétique devant l’impérialisme mondial durant les années perestroïka de Gorbatchev et la liquidation de l’Union soviétique qui s’ensuivit a conduit les organisations pablistes partout dans le monde à opérer un tournant de plus en plus prononcé vers la droite. Durant ces deux dernières décennies, elles ont graduellement abandonné toutes leurs prétentions révolutionnaires. Entre-temps, elles sont devenues des instruments directs au service des élites dirigeantes pour influencer la classe ouvrière.

C'est précisément l’évolution du groupe pabliste français qui agit désormais sous le nom de Nouveau Parti anticapitaliste et qui est étroitement lié au parti pro-patronal français, le Parti socialiste. Il a soutenu la guerre contre la Libye. L’un de ses représentants a participé à la conférence de fondation du RSD en tant qu’invité d’honneur et y a transmis un message de salutation.

Le RSD a ouvertement exprimé sa solidarité avec ce parti bourgeois de droite ainsi qu’avec son homologue en Allemagne – Die Linke, qui participe depuis de nombreuses années à des gouvernements de coalition au niveau des Länder fédéraux en Allemagne et qui a une responsabilité directe dans la destruction sociale entreprise par la bourgeoisie allemande.

Cette totale dégénérescence des pablistes et d’autres radicaux petits-bourgeois de gauche n’est pas due au hasard. Les racines objectives de ce processus sont liées à la crise historique du système capitaliste mondial et à l’épuisement de toute possibilité de réforme dans le cadre de la société existante.

Partout dans le monde, les travailleurs sont confrontés à la nécessité de développer un programme international unifié de lutte révolutionnaire pour le socialisme. De nos jours, sans un tel programme, on ne peut mener même la lutte pour la garantie minimale du droit au travail, des droits sociaux et démocratique. En Russie, ceci signifie que tout espoir de démocratisation et d’auto-réforme du régime des oligarques et des bureaucrates est vain. La tâche urgente est de préparer la classe ouvrière à la lutte révolutionnaire contre le système capitaliste tant sur le plan national que de par le monde. Le RSD est un obstacle sur cette voie.

(Article original paru le 23 décembre 2011)

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