Le Parti Socialiste en tête aux élections législatives françaises

Après la défaite, le 6 mai du président sortant Nicolas Sarkozy, face au candidat du Parti Socialiste (PS), François Hollande, les élections législatives françaises auront lieu les 10 et 17 juin prochains. 6.603 candidats briguent les 577 sièges à l’Assemblée nationale.

L’élection de Hollande, par une majorité de 51,67 pour cent, bien moins que ce qui était attendu malgré le rejet de masse de Sarkozy, reflète les doutes existant au sein de la population quant à la révocation par Hollande des programmes d’austérité imposés par Sarkozy au nom des banques et de Bruxelles dans les pays de l’UE. La population est consciente des conséquences sociales et économiques catastrophiques existant déjà en Grèce, en Espagne, au Portugal et en Italie.

Hollande cherche à obtenir un parlement dominé par le PS de façon à rendre permanent l’actuel gouvernement de transition qu’il a nommé après son élection. Si le PS l’emporte, il se trouvera dans la situation sans précédent de disposer d'une majorité à l’Assemblée nationale ainsi qu'au Sénat, tout en contrôlant quasiment toutes les régions de France.

Le premier ministre de l'intérim, Jean-Marc Ayrault a déjà rencontré deux fois les organisations patronales et syndicales pour préparer la Conférence sociale du 14 juillet où la stratégie et les tactiques pour imposer les mesures d'austérité seront décidées entre le gouvernement et « les partenaires sociaux. »

Les sondages indiquent une courte avance pour le PS bourgeois de « gauche » au premier tour. Le PS en soi détient 31,5 pour cent des voix, en plus des scores combinés de ses alliés : les 7,5 pour cent du Front de Gauche (FG) qui est formé par le Parti de Gauche (PG) de Jean-Luc Mélenchon en alliance avec le Parti communiste stalinien (PCF) ; les Verts, avec 5 pour cent et les 1,5 pour cent des partis petits bourgeois pseudo-gauches.

Tout candidat obtenant plus de 12,5 pour cent des électeurs inscrits se maintiendra au deuxième tour le 17 juin. On s’attend à ce que l’UMP (Union pour un mouvement populaire), parti conservateur de Sarkozy, totalise 35,5 pour cent et le Front national néo-fasciste (FN), 15 pour cent – en baisse par rapport aux 17,9 pour cent obtenus par la candidate Marine Le Pen au premier tour des élections présidentielles.

Les prévisions actuelles, sujettes à une marge d’erreur élevée, donnent entre 13 et 18 sièges au Front de Gauche, alliance entre le Parti de Gauche et le PCF ; entre 218 et 310 sièges au PS et à ses collaborateurs ; entre 12 et 17 aux Verts, soit un total de 305 à 345 sièges pour la gauche. L’UMP obtiendrait entre 235 et 265 sièges et le FN jusqu'à 5 sièges.

Le quotidien La Dépêche écrit, « François Hollande attend une majorité claire pour pouvoir gouverner sans être à la merci de combinaisons parlementaires aléatoires. Surtout si les contraintes économiques le conduisaient à prendre quelques libertés avec son programme au grand dam des forces de gauche qui le soutiennent. »

De tels commentaires reflètent les attentes largement répandues au sein de la classe dirigeante que, après les élections législatives, Hollande commencera à appliquer des coupes claires à l’encontre de la classe ouvrière. Les alliés de « gauche » du PS ont toutefois signalé qu'ils ne soulèveront que des critiques de pure forme à l’égard des attaques perpétrées contre la classe ouvrière – Mélenchon a garanti au PS qu’il ne déposerait jamais aucune motion de censure contre le gouvernement.

Les espoirs de Hollande de pouvoir convaincre la chancelière allemande Angela Merkel d’adjoindre un « volet croissance » au pacte budgétaire semblent de plus en plus vains au milieu des conflits croissants au sein de l’Europe. (Voir : Tensions mount as European leaders scramble to avert Spanish banking collapse (en anglais uniquement)).

Le fait que Hollande ait accepté ce cadre témoigne de sa politique anti-classe ouvrière. Le pacte contraint les pays de la zone euro à imposer des mesures d’austérité massives à la classe ouvrière pour réduire les déficits budgétaires et rembourser les dettes aux banques. Ses propositions, tout en maintenant l’austérité et l’impératif de réduire à zéro les déficits budgétaires d’ici 2017, impliquent d’énormes injections d’argent dans des fonds de sauvetage et de développement pour des projets industriels choisis.

Alors que s’intensifie la crise économique, de nouvelles luttes de classe sont à l’ordre du jour. La France a enregistré un déficit commercial record de plus de 70 milliards d’euros en 2011. Hollande et la classe dirigeante cherchent à encourager la compétitivité de la France sur le marché mondial en s’attaquant aux salaires et aux conditions de travail, en diminuant les emplois et le niveau de vie, conformément au niveau de référence établi pour l’industrie automobile américaine par les mesures du président Obama. Le sauvetage de l’automobile a représenté la fermeture de vastes pans de l’industrie et une réduction des salaires de 50 pour cent pour la classe ouvrière.

Hollande a essayé d’assurer la réussite du PS aux élections législatives par une série de mesures visant à donner l'impression que son régime est une rupture par rapport à celui de Sarkozy : il a réduit de 30 pour cent les salaires du président et des ministres, il y a eu une augmentation de 25 pour cent (environ 70 euros) de l’allocation de rentrée scolaire dès la prochaine rentrée scolaire ; il y a eu une augmentation du salaire minimum (SMIC) de moins de 5 pour cent.

Il a aussi partiellement abrogé la réforme des retraites, profondément impopulaire, de Sarkozy en permettant aux travailleurs qui ont 41 annuités de cotisation au système national des retraites de partir à la retraite à 60 ans. Sarkozy avait relevé l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans. Toutefois, pour que cette mesure puisse être appliquée, les travailleurs doivent avoir commencé à travailler à 19 ans et n'avoir quasiment pas eu de période de chômage ; en conséquence, la mesure ne concerne que 110.000 retraités, soit 20 pour cent du total annuel.

Médiapart fait remarquer: « C’est donc loin d’être le retour de la retraite à 60 ans pour tous. Partisan d’une stricte maîtrise des dépenses publiques, François Hollande ne l’a d’ailleurs jamais promis. C’était néanmoins ce que prévoyait le projet présidentiel du PS de mai 2011, et c’est ce que proposaient Ségolène Royal [la candidate présidentielle de 2007 du PS] et Arnaud Montebourg [l’actuel ministre du Redressement productif] pendant la primaire socialiste. »

Les 5 milliards d’euros affectés au financement de la mesure ont à présent été réduits à 1,1 milliard d’euros en 2013 et à 3 milliards d’euros en 2017. Selon Médiapart, le Conseil d’Orientation des Retraites (COR) « doit proposer d'ici la fin de l'année de nouvelles projections financières qui s'annoncent pessimistes en raison de la situation économique. »

L’aliénation d’une grande partie de la population par rapport aux élections législatives s'exprime dans l'estimation d'un taux d’abstention record de 40 pour cent des 46 millions d’électeurs inscrits en France. Un sondage du 5 mai réalisé par Le Figaro montre que 51 pour cent de la population étaient beaucoup ou assez intéressés par les élections. Le 6 juin, ce pourcentage était tombé à 42 pour cent.

Pour exemple, des forums présentant aux électeurs les candidats, dans les quartiers ouvriers de la Seine-Saint Denis, en région parisienne, n’auraient attiré aucun participant.

La position du FN en tant que troisième parti en France est renforcée par la politique anti-classe ouvrière du PS. Selon des estimations, les candidats FN seraient en mesure d’arriver au second tour dans une centaine de circonscriptions, créant ainsi une situation où de nombreux candidats de l’UMP cherchent à passer des accords électoraux avec eux, soi-disant contre les instructions de la direction de l’UMP.

Jérôme Sainte-Marie, directeur du département opinion de l’institut de sondage CSA, a déclaré : « L’objectif est de préparer les élections de 2014 où la pression du FN sur l’UMP sera très forte pour obtenir des listes communes, et d’ici là de provoquer un débat stratégique au sein de l’UMP entre ceux qui voudront s’ouvrir au FN et ceux qui s’y refuseront. »

(Paru en anglais le 8 juin 2012)

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