La crise des suicides s'aggrave chez les soldats et les vétérans américains

Les militaires en service et les vétérans de retour d'Irak et d'Afghanistan sont confrontés à des conditions sociales de plus en plus difficiles. D'après un rapport que l'Associated Press a pu obtenir du Pentagone, plus de membres des forces armées américaines se sont tués au cours des six premiers mois de 2012 qu'au cours des six premiers mois de n'importe quelle des 11 dernières années.

Ce rapport dévastateur révèle qu'un total de 154 soldats se sont tués durant les 155 premiers jours de 2012. Le nombre de morts par suicide est de 50 pour cent plus élevé que les morts au combat en Afghanistan durant la même période et représente une augmentation de 18 pour cent des suicides dans le service actif par rapport à 2011.

Depuis le début de la guerre d'Afghanistan en 2001, il y a eu en moyenne un suicide toutes les 36 heures dans les forces armées. En 2011, 19,5 pour cent de toutes les morts en service actif étaient des suicides – la deuxième cause de décès. Rien que de 2005 à 2009, plus de 1100 soldats se sont enlevé la vie.

Ces statistiques troublantes exposent l'hypocrisie inhumaine de la classe dirigeante américaine et de ses représentants politiques, qui ont attisé les conflits en Irak et en Afghanistan. Pour l'élite dirigeante, les soldats ne sont rien de plus que des outils jetables qui ne méritent aucune attention lorsqu'ils rentrent du champ de bataille complètement anéantis.

Le major général de l'armée américaine Dana Pittard a exprimé ce que pense toute une couche de la classe dirigeante lorsqu'il a déclaré en janvier 2012 : « J'en suis arrivé à la conclusion que le suicide est un acte absolument égoïste… Personnellement, j'en ai marre des soldats qui décident de s’enlever la vie pour que d'autres aient à régler leurs problèmes. Soyez des adultes, agissez en adultes, et réglez vos problèmes quotidiens comme le reste d'entre nous. »

Pittard est revenu sur sa déclaration par la suite, mais a refusé de présenter des excuses.

La profonde misère et les traumatismes auxquels les vétérans sont confrontés à leur retour ajoutent un aspect plus profond à cette crise. D'après le ministère des anciens Combattants, 18 vétérans se suicident chaque jour. Ce nombre ahurissant représente un suicide toutes les 80 minutes. Le Army Times a également relaté que pour l'exercice financier de 2009, 1868 vétérans ont tenté de se suicider.

Comme le faisait remarquer Nick Kristat du New York Times récemment, les statistiques de suicide chez les vétérans montrent que pour chaque soldat mort au combat, 25 se suicident. Le ministère des anciens Combattants (MAC), affirme que sa ligne de téléphone 24 heures pour les suicides a reçu plus de 400 000 appels depuis sa création en 2007.

Un rapport du Chronicle of Higher Education note que la moitié des vétérans qui ont repris les études ont envisagé le suicide, et 20 pour cent avaient préparé des plans pour le faire. Près de la moitié présentaient des symptômes de stress post-traumatique (SSPT), alors qu'un tiers souffrait d'anxiété sévère et un quart de dépression sévère.

De plus, 936 000 soldats ont été diagnostiqués avec au moins un problème mental depuis 2000, et les vétérans âgés de 17 à 24 ans ont près de quatre fois plus de probabilité que les non-vétérans du même âge de s’enlever la vie.

D'autres rapports ont tenté de faire la lumière sur les raisons de ces statistiques. Le Centre pour une nouvelle sécurité américaine a publié un document au début de l'année dans lequel il fait la liste des problèmes importants auxquels sont confrontés les militaires, comme le bizutage, la dépendance aux médicaments, la stigmatisation culturelle, et l'absence de prise en charge comme les principaux facteurs de suicide en service actif.

Le Dr. David Rudd, cofondateur du centre national des études sur les vétérans à l'université de l'Utah, explique que les SSPT, l’expérience de combat et la dépendance aux drogues sont les principaux facteurs de suicide chez les militaires.

Ces organisations et d'autres similaires – qui affirment que l'ajout de psychologues militaires ou l'augmentation des moyens pour les programmes de prévention des suicides régleront effectivement cette crise – sont au minimum myopes. Ils sont incapables de reconnaître les difficultés économiques qui se posent aux vétérans de retour au pays. Par exemple, le MAC indique que 76 000 vétérans sont sans domicile chaque nuit et que le taux de chômage des vétérans est significativement plus élevé que dans l'ensemble de la population.

Plus grave encore, ces groupes ne comprennent pas que le seul moyen réel d'empêcher les suicides de militaires est d'empêcher la guerre elle-même. Génération après génération, la classe ouvrière américaine a été soit enrôlée de force dans l'armée, soit incitée à y aller en raison des énormes pressions économiques et sociales sur les jeunes dans la société américaine.

Pendant que de nombreux soldats sont envoyés à la mort pour le compte de la classe capitaliste américaine, ceux qui ont la chance de pouvoir revenir du combat doivent continuer à lutter au pays pour leurs conditions physiques et mentales. Dans un nombre de cas de plus en plus grand, ce fardeau est trop lourd à porter.

(Article original paru le 16 juillet 2012)

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