Perspectives

La grève chez Caterpillar et l’appauvrissement de la classe ouvrière américaine

Près de quatre ans après le début de la crise économique en automne 2008, le monde des affaires aux États-Unis intensifie son offensive contre la classe ouvrière. Avec l’appui du gouvernement fédéral, il poursuit sa stratégie délibérée d’instaurer à titre de norme nationale des salaires de misère et peu ou pas d’avantages sociaux.

Les travailleurs de l’usine de Joliet, en Illinois, du fabricant d’équipement lourd Caterpillar, sont en grève contre la détermination impitoyable de la direction de Caterpillar à poursuivre cette stratégie.

Caterpillar – le plus grand producteur d’équipement de construction du monde avec plus de 150.000 salariés – demande que les 700 travailleurs à Joliet, qui sont en grève depuis trois mois, acceptent un gel des salaires et une hausse considérable des cotisations aux coûts de l’assurance santé. Dans une initiative qui vise à écarter les travailleurs plus âgés et mieux rémunérés, l’entreprise demande aussi aux travailleurs en droit de prendre leur retraite de partir d’ici un an ou de perdre leurs prestations.

Les travailleurs les moins bien rémunérés chez Caterpillar, l’une des premières entreprises à imposer un système de salaires minimums à deux niveaux, sont déjà mal payés avec 13 dollars l’heure. L’entreprise veut que ceci devienne la norme – pour servir ensuite de base à des salaires encore plus bas.

Caterpillar est un groupe mondial – réalisant des opérations en Chine, en Inde, au Brésil, en Europe, en Australie et en Amérique du Nord – qui poursuit une stratégie internationale. L’année dernière, après que des travailleurs de l’usine de London, en Ontario, ont refusé une réduction de salaire de 50 pour cent (avec passage de 28 dollars l’heure à 14 dollars), la compagnie a tout simplement fermé l’usine en transférant la production dans l’État de l’Indiana – où les travailleurs sont payés 12,50 dollars l’heure.

L’attaque contre la classe ouvrière a rendu possible une hausse substantielle des bénéfices de la société dont un résultat record s’élevant à 1,7 milliard de dollars au second trimestre annoncé cette semaine. La hausse des bénéfices n’a pas diminué la volonté de réduire les salaires, au contraire elle n’a fait que stimuler l’appétit de la direction de l’entreprise qui cherche à accroître nettement la rentabilité de l’industrie manufacturière américaine en appauvrissant la classe ouvrière.

En commentant ce phénomène, le New York Times a souligné dernièrement : « Caterpillar tente d’être le pionnier d’un nouveau terrain à explorer, en cherchant à obtenir des concessions excessives de ses salariés alors que les affaires prospèrent. »

Ce qui est en jeu pour l’élite patronale et financière, ce n’est pas simplement une entreprise, mais une restructuration permanente des relations de classe. Ce processus, qui a déjà atteint un stade très avancé en 2008, a été fortement intensifié dès l’éclatement de la plus grande crise économique depuis la Grande Dépression. Le chômage de masse est considéré être une grande « force motrice » en obligeant les travailleurs à accepter des salaires qui permettent tout juste de survivre – la « nouvelle norme ».

Après l’expiration des contrats existants fin août, les entreprises sidérurgiques américaines cherchent à réduire jusqu’à 36 pour cent leur salaire horaire et leur taux de prestation. Selon le Wall Street Journal, Arcelor Mittal, l’un des plus grands producteurs d’acier du monde, réclame également, « le “droit unilatéral” de réduire les salaires durant les périodes d’activités réduites en prévoyant une semaine de 32 heures ».

Le but recherché est une situation dans laquelle les travailleurs industriels gagnent à peine plus que les travailleurs dans le secteur des services. C’est déjà le cas dans de nombreuses entreprises. À l’usine Three Rivers (au Michigan) – gérée par American Axle, l’entreprise de fourniture de pièces détachées automobiles – qui a été le théâtre d’une dure grève en 2008 et qui a été isolée par le syndicat des travailleurs unis de l’automobile (United Automobile Workers, UAW) en se terminant en défaite, les travailleurs nouvellement embauchés débutent à 10 dollars l’heure. Ceci correspond à un salaire annuel d’environ 21.000 dollars – plus de 2.000 dollars sous le seuil de pauvreté officiel pour une famille de quatre personnes.

Les coûts de la main-d’oeuvre manufacturière sont en train de s’effondrer alors même que la rentabilité grimpe en flèche et que le coût de la vie des travailleurs augmente fortement.

Cette tendance ne se limite pas qu’aux travailleurs de l’industrie manufacturière. Chez le géant de l’électricité de New York, Con Edison, la direction de l’entreprise a imposé à partir du 1er juillet un lock-out à 8.500 travailleurs dans le but de les obliger à accepter une hausse des coûts de soins de santé, un allongement de l’âge de départ à la retraite, et un nouveau plan d’épargne retraite 401(k) pour les salariés nouvellement embauchés. Hier, la conclusion d’un accord, négocié par le gouverneur du Parti démocrate, a été annoncée entre le syndicat et la direction et suivant les dictats de l’entreprise. 

L’opposition à l’encontre de cette attaque ne fait pas défaut au sein des travailleurs. Les travailleurs en grève chez Joliet et les travailleurs faisant l’objet d’un lock-out chez Con Ed font preuve d’une grande détermination. Il existe beaucoup de sympathie et de soutien au sein la classe ouvrière pour leurs luttes.

Les travailleurs doivent toutefois répliquer au moyen de leur propre stratégie à la stratégie parfaitement élaborée de la classe dirigeante.

Quels sont les principes élémentaires d’une telle stratégie ?

Premièrement, une lutte n’est possible qu’après une rupture organisationnelle avec les syndicats et par la formation de comités indépendants des travailleurs. Par rapport à ces organisations, le mot « syndicat » est totalement injustifié dans la mesure où il fait référence au besoin des travailleurs de s’unir contre le patronat. En réalité, ces organisations – dont l’Association internationale des machinistes (International Association of Machinists) à l’usine Joliet de Caterpillar – ont pour but d’isoler toute lutte qui éclaterait. Elles ne représentent pas les intérêts des travailleurs, mais une couche privilégiée de cadres de la classe moyenne supérieure qui opèrent comme branche de la direction patronale.

Deuxièmement, la stratégie internationale des entreprises doit être contrée par une stratégie internationale de la classe ouvrière. Avec l’appui des syndicats, les sociétés cherchent à dresser les travailleurs les uns contre les autres dans les différents pays en les entraînant dans une spirale infernale des salaires vers le bas. Toute lutte victorieuse contre les entreprises doit se libérer des contraintes nationales imposées par les syndicats. 

Troisièmement, la lutte des travailleurs doit être une lutte politique. Derrière les entreprises et les banques se trouvent le pouvoir de l’État tout comme les démocrates et les républicains. En effet, le signal de l’attaque contre les travailleurs de l’industrie manufacturière en particulier a été donné par le gouvernement Obama par le biais de la restructuration forcée de l’industrie automobile en 2009. La faillite de General Motors et de Chrysler a été utilisée pour imposer des réductions draconiennes dans les soins de santé et les retraites tout en instaurant un salaire horaire de 14 dollars pour les travailleurs nouvellement embauchés.

Finalement, les travailleurs doivent faire face au fait que la défense de leurs droits et de leurs intérêts n’est pas compatible avec le capitalisme existant – la propriété privée des moyens de production basée sur le profit. Dans la recherche impitoyable de leur propre enrichissement, la classe dirigeante ne fait qu’opérer en fonction des principes fondamentaux du système économique qu’elle défend.

L’alternative au capitalisme est le socialisme – la propriété publique et le contrôle démocratique de l’économie par la classe ouvrière dans le but de satisfaire les besoins sociaux.

Il n’existe pas de solution facile ou simple à la situation à laquelle les travailleurs se trouvent confrontés. La mise en place d’une base nouvelle et égalitaire de la vie sociale est impossible en dehors du contexte d’une lutte de masse – de l’ensemble de la classe ouvrière internationalement. Les événements survenus depuis un an et demi ont montré que le système capitaliste en soi génère de telles luttes et les luttes initiales ne sont qu’un faible avant-goût de celles à venir. Les États-Unis, situés au centre du capitalisme mondial, sont mûrs pour un soulèvement social qui adoptera un caractère de plus en plus distinctement ouvrier.

Ce qu’il faut avant tout c’est la construction systématique d’une nouvelle direction politique dans chaque section de la classe ouvrière. Tel est le but stratégique central du Socialist Equality Party (Parti de l’égalité socialiste, SEP).

Le SEP a lancé sa campagne électorale avec Jerry White comme candidat à la présidence et Phyllis Scherrer, candidate à la vice-présidence. L’objectif central de cette campagne est la construction d’une nouvelle direction socialiste au sein des travailleurs et des jeunes gens partout dans le pays. Nous en appelons à tous les travailleurs et aux jeunes qui partagent cette perspective de s’impliquer dans la campagne en adhérant au SEP et en engageant la lutte pour le socialisme. Pour plus de renseignements, visitez : www.socialequality.com.

(Article original paru le 27 juillet 2012)

Loading