L’économie chinoise à son plus bas niveau depuis trois ans

Les conflits continuent de sévir au sein du régime du Parti communiste chinois (PCC) quant aux décisions à prendre pour stimuler l’économie qui connaît un fort ralentissement. Le dernier chiffre de la croissance – 7,6 pour cent en rythme annuel au deuxième trimestre fin juin – est le plus bas depuis trois ans, contre 8,1 pour cent pour le trimestre fin mars.

Les données publiées vendredi dernier montrent que les moteurs clés de l’économie sont en train de se contracter de façon spectaculaire. Les constructions de nouvelles propriétés ont chuté de 7,1 pour cent durant la première moitié de l’année. La valeur des ventes de nouveaux immeubles résidentiels a dégringolé de 6,5 pour cent durant la même période.

La production industrielle a augmenté d’un taux annuel de 10,5 pour cent sur le trimestre, comparé à 10,7 pour cent du trimestre précédent. La croissance des exportations a diminué pour atteindre 9,2 pour cent à la première moitié de l’année, un retournement brutal par rapport aux 24 pour cent pour la période correspondante de l’année dernière. Ceci reflète le fait que les mesures d’austérité en Europe ont réduit la demande sur le plus grand marché extérieur de la Chine.

Avant même que ces chiffres soient publiés, les analystes étaient en train de discuter de ce qu’il fallait faire, parce que l’économie était sur le point de passer sous la barre des 8 pour cent requis pour éviter que le chômage et les troubles sociaux ne s’accentuent. Sept millions de diplômés universitaires cherchent un emploi tous les ans, sans mentionner les millions d’autres travailleurs.

Pendant des années, la Chine a été en mesure de réaliser 10 pour cent de croissance en raison d’une croissance massive de 25 pour cent en investissement de capitaux qui représentent la moitié du produit intérieur brut (PIB). Le marché de consommation intérieur relativement réduit signifie que l’aggravation de la tourmente financière en Europe et aux États-Unis commence à créer une crise de surproduction en Chine.

Avec 60 pour cent de la main d’oeuvre urbaine chinoise qui est composée d’ouvriers ruraux migrants employés dans des emplois peu qualifiés, toute baisse importante des exportations et de l’activité dans le bâtiment peut rapidement entraîner une énorme perte des emplois. Dans les premières phases de la crise financière de 2008-09, plus de 20 millions de travailleurs perdirent leur emploi.

Certains économistes ont exhorté le régime du PCC de réitérer son plan de relance de 2008 qui s’était traduit pas une expansion du crédit de plusieurs milliers de milliards de dollars en prêts bancaires pour financer l’infrastructure et, de plus en plus, la spéculation immobilière.

L’ancien responsable du Fonds monétaire International, Shen Jianguang, qui est actuellement chef économiste pour l’Asie chez Mizuho Securities Asia basé à Hong Kong, a prévenu que le gouvernement doit agir « résolument » pour endiguer le ralentissement. « Il y a une urgente grandissante pour davantage d’assouplissement politique, » a-t-il dit. Il a prédit que Beijing allait réduire une fois de plus cette année les taux d’intérêt de référence et de deux fois le ratio de réserves obligatoires des banques, pour stimuler l’octroi de prêts.

Le régime chinois a provisoirement pris des mesures restreintes dans ce sens. Le mois dernier elle a opéré la première de deux baisses de taux d’intérêt depuis l’effondrement financier mondial de 2008. Les tout récents chiffres bancaires publiés la semaine passée ont montré que les nouveaux prêts ont atteint en juin 920 milliards de yuans (144,3 milliards de dollars), une hausse par rapport aux 793 milliards de yuans en mai.

Toutefois, toute mesure prise par les autorités de Beijing pour adopter un plan de relance de l’envergure de celui de 2008 empirerait les problèmes de surcapacité existant en ajoutant davantage de mauvaises dettes au système bancaire de l’État.

L’économiste Andy Xie en écrivant le 11 juillet dans le South China Morning Post a critiqué la réduction des taux d’intérêt comme étant « un doublement d’une mauvaise posture ». Il a dit « la politique d’imprimer de l’argent [crédit bancaire bon marché] pour attiser des bulles était mauvais en premier lieu. » Xie avait prévenu au début de l’année que la Chine avait la plus grosse bulle immobilière du monde avec des valeurs estimées des immeubles vides et spéculatifs dépassant en Chine 100 pour cent de son PIB.

L’article de Xie dit : « La bulle a frappé depuis toutes les activités financières et pas seulement le système bancaire. Les fournisseurs d’équipement et de matériaux et les entrepreneurs en construction sont devenus des canaux de financement pour les gouvernements locaux et les promoteurs immobiliers. Les sociétés d’investissement prêtent davantage de milliers de milliards qui sont utilisés par des promoteurs immobiliers ou de gouvernements locaux. »

L’article a souligné une détérioration économique continue. « Il y a une importante industrie souterraine de prêts usuraires pour les risques importants et qui maintenant en train d’exploser partout. C’est maintenant au tour des fonds privés à devenir une énorme bulle. Alors que la surcapacité et l’explosion du prix des intrants se conjuguent pour miner le rendement du capital dans l’économie réelle, les fonds privés s’orientent désormais vers la spéculation sur les actifs directement ou indirectement pour rester à flots. » 

Rien dans l’économie réelle, a prévenu Xie, ne peut soutenir une telle croissance de la spéculation immobilière. Le marché des terrains constructibles est déjà en train de s’effondrer. Au cours de la première moitié de cette année, les revenus des ventes de terrain ont chuté de 60 pour cent à Beijing et à Shanghai, avec les villes plus petites comme Hangzhou et Wenzhou connaissant une baisse de 72 et de 84 pour cent respectivement. Il a dit que redonner vie à la bulle nécessiterait une augmentation de la masse monétaire d’au moins 40 pour cent par an, ce qui déclencherait une énorme dévaluation, ce qui ferait éclater la bulle.

La solution de Xie pour la crise est une nouvelle vague de restructuration en « libre marché » conformément aux exigences de certaines sections du capital financier international. Beijing « doit réduire les taxes, dégraisser le gouvernement, abandonner les entreprises publiques, renforcer l’État de droit » et promouvoir les entreprises privées.

Les sections dominantes de la direction du PCC, avec à leur tête le président Hu Jintao, ont adopté ce genre de solution comme l’a indiqué un rapport de la Banque mondiale paru en février. Ces politiques mineront inévitablement les sections des affaires qui sont tributaires de la protection de l’État, notamment les entreprises publiques. Pour la classe ouvrière, ceci intensifiera la pression en faveur d’une productivité plus grande et de salaires plus bas.

Les tensions croissantes au sein de l’élite dirigeante et entre le régime et la classe ouvrière ont trouvé leur expression au début de l’année dans la chute de Bo Xilai, le secrétaire du parti de Chongqing, un représentant des factions prônant un plus grand développement capitaliste « étatique. » 

Le limogeage de Bo n’a pas mis fin à cette tendance. La semaine dernière il y a eu la publication d’un livre de l’ancien premier ministre Li Peng qui avait pris sa retraite il y a dix ans. Li Peng on Macroeconomics est une compilation de discours et d’articles, surtout de l’époque où il était en poste durant les années 1980 et 1990.

Li, qui avait présidé le massacre de la place Tiananmen en 1989, est aussi connu pour sa volonté de vouloir maintenir un vaste secteur d’État. Zhang Lifan, qui avait auparavant travaillé pour l’Académie chinoise des Sciences sociales, a dit que le livre de Li représentait un point de vue répandu parmi certains dirigeants du PCC : « Les récents échecs de certaines économies de libre marché à l’Occident ont ravivé les appels de certains conservateurs de renforcer l’intervention de l’État sur le marché. »

Le rôle de Li dans la répression de la classe ouvrière dans le but de garantir l’expansion de la Chine en tant que plateforme de main-d’oeuvre bon marché pour le capitalisme mondial, souligne le fait qu’en dépit de leurs divergences, toutes les factions de l’élite dirigeante sont unies pour intensifier l’exploitation de la classe ouvrière et traiter sans pitié toute opposition des travailleurs.

(Article original paru le 16 juillet 2012)

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