Le sommet de l’UE évite une division au sujet du plan de sauvetage des banques espagnoles et italiennes

Le sommet de deux jours de l’Union européenne s’est achevé jeudi par un accord, conclu après 14 heures d’amères négociations, pour fournir un répit à court terme aux banques espagnoles et italiennes assiégées en permettant au fonds de secours européen d’aider directement les banques de la zone euro. Précédemment, les règles relatives au Mécanisme européen de stabilité (MES), fixé à 500 milliards d’euros et devant entrer en vigueur le mois prochain, restreignaient les prêts de l’UE aux gouvernements nationaux.

Eu égard au fait que les systèmes bancaires en Espagne et en Italie, les quatrième et troisième plus grandes économies utilisant la monnaie communautaire, subissent de plus en plus de pression de la part des marchés financiers et des agences de notation de crédit, et que les taux d’intérêt des obligations de ces deux pays grimpent à des niveaux insoutenables, les chefs des gouvernements de l’Espagne, de l’Italie et de la France, soutenus par Washington et le Fonds monétaire international, ont insisté sur le besoin de mesures immédiates pour renforcer les banques. Ils ont affirmé qu’il n’y avait pas de temps pour de longues négociations et des délais bureaucratiques impliqués dans les sauvetages officiels des États comme ce fut le cas en Grèce, en Irlande et au Portugal.

Avant de se rendre au sommet, l’Allemagne avait réitéré son opposition à de telles mesures à court terme tant qu’un accord n’aurait pas été conclu en ce qui concerne une nouvelle structure politique pour la zone euro dans laquelle les gouvernements nationaux subordonnent leurs pouvoirs budgétaire et fiscal à une super-autorité à Bruxelles, chargée de veiller à ce que les États membres de la zone euro respectent à la lettre les limites fixées pour les déficits budgétaires et les dettes nationales.

En pratique, l’Allemagne, en tant qu’économie la plus forte et la plus importante donatrice aux fonds de sauvetage régionaux, dominerait cette nouvelle « union fiscale et politique » et, derrière l’Allemagne, les principales banques internationales exerceraient leur influence plus directement que jamais.

La chancelière allemande Angela Merkel avait également répété son opposition aux appels lancés par le président français, François Hollande, et par les alliés d’Europe méridionale de ce dernier en faveur d’obligations euros ou en faveur d’autres mesures élargissant l’engagement de régler l’endettement à travers la zone euro et elle avait catégoriquement dénoncé devant le parlement allemand une proposition préparée pour le sommet par le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, afin de s’orienter vers des eurobonds parallèlement à une union bancaire et une autorité fiscale centralisée.

Selon certains rapports, le premier ministre espagnol, Mariano Rajoy, et le premier ministre italien, Mario Monti, ont toutefois menacé de bloquer un « pacte de croissance » précédemment accepté de 120 milliards d’euros et de provoquer une scission ouverte au sommet à moins que Merkel ne fasse marche arrière et n'autorise le MES à renflouer directement les banques de la zone euro. Tous les intéressés étaient parfaitement conscients qu’une telle issue risquait de déclencher une panique financière qui aurait des conséquences non seulement pour l’Espagne et l’Italie, mais pour l’ensemble de l’Europe et le reste du monde. L’existence même de l’euro serait sans doute devenue incertaine.

Dans cette éventualité, le projet annoncé par le sommet a lié le déclenchement de renflouements directs des banques par le MES à un accord pour qu’une supervision commune de la zone euro remplace l’actuel réseau de régulateurs nationaux. Les chefs de gouvernement ont promis de conclure un tel accord d’ici la fin de l’année.

Dans une autre initiative destinée à apaiser les marchés financiers, les dirigeants de l’UE ont abandonné une disposition qui favorisait le fonds de sauvetage européen par rapport aux détenteurs privés d’obligations espagnoles en cas de défaillance.

Après la réunion, Merkel a insisté sur le fait que son accord sur les renflouements bancaires de l’UE prévoyait des conditions. Tous deux, elles et le président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, ont précisé vendredi que la nouvelle flexibilité du fonds de sauvetage de l’UE ne devrait pas être perçue comme un blanc-seing. Draghi a dit qu’un accès au fonds continuerait à se faire sous une « stricte conditionnalité. »

Ce sont là des termes codés signifiant davantage de mesures d’austérité – des coupes budgétaires, des licenciements, des réductions des salaires et des retraites – à l’encontre de la classe ouvrière et allant de pair avec de soi-disant « réformes structurelles, » signifiant la dégradation des protections à l’emploi et de la réglementation relative aux entreprises ainsi que la privatisation massive des organismes contrôlés par l’État.

L’accord annoncé au sommet a exclu toute politique à long terme traitant de la crise profonde de l'euro et de l’UE. Le projet soumis par Van Rompuy n'a manifestement pas même été discuté. Il a été annoncé que cette proposition serait soulevée au prochain sommet de l’UE prévu en octobre.

La déclaration du sommet était dénuée de détails spécifiques. Aucune explication n'a été donnée quant à la manière dont le fonds de sauvetage de 500 milliards d’euros pourrait financer les banques en difficulté en Europe disposant d’actifs combinés de l’ordre de plusieurs milliers de milliards, et servir aussi de pare-feu contre la propagation aux économies centrales de l’Europe des risques de contagion de la faillite d’État de la Grèce.

Les marchés boursiers et obligataires en Europe et partout dans le monde ont réagi avec soulagement à l’annonce du sommet, enregistrant une forte hausse vendredi. Les taux d’intérêt sur les titres de dette ont baissé en Espagne et en Italie et l’euro s’est apprécié sur les marchés des devises. Toutefois, il n’y a aucune raison de croire que ce rebond durera plus longtemps que ceux qui avaient suivi l’accord il y a trois semaines d’injecter 100 milliards d’euros dans les banques espagnoles et la victoire du parti conservateur Nouvelle Démocratie aux élections grecques une semaine plus tard.

L’aspect politique le plus significatif des tensions croissant au sein de l’UE est la scission ouverte entre l’Allemagne et la France. Les commentateurs politiques ont été unanimes pour dire que le sommet, la dix-neuvième réunion du genre depuis 2010, a été le plus âpre de ces derniers temps

Le quotidien The Guardian a conclu son article en précisant, « … à en juger par les observations des responsables allemands [il est clair] qu’il n’y a eu aucun rapprochement des positions ; Paris et Berlin étaient pour la première fois depuis la crise sérieusement divisés lors du sommet. »

Le jour même où Merkel a été obligée de faire des concessions à Bruxelles, son ministre des Finances, Wolfgang Schäuble, a dit au Wall Street Journal que l’Allemagne était fermement opposée à toute augmentation de son financement du MES.

(Article original paru le 30 juin 2012)

Loading