Le 4 juillet

La commémoration officielle du 4 juillet a été marquée, comme à l'habitude, par la célébration du militarisme et du chauvinisme, utilisée depuis longtemps pour nuire à toute compréhension de l'importance historique et contemporaine de la Déclaration d'indépendance des États-Unis, qui marqua le début de la Révolution américaine il y a maintenant 236 ans.

Le président Obama a soupé et regardé les feux d'artifice en compagnie de familles de soldats américains et il a animé un concert en l'honneur de l'armée à Washington DC. Parmi tout le patriotisme, le conformisme et la glorification de la guerre, il serait facile d'oublier que la fête du 4 juillet commémore l'un des événements les plus émancipateurs de l'histoire moderne.

Premier trotskyste américain, James Cannon avait dit: «Dès que je suis devenu assez vieux pour constater ce qui se passait réellement dans ce pays – toute l’inégalité et l’injustice qu’il y avait encore – ceux qui bénéficiaient des privilèges, s’attribuant l’héritage de notre première révolution, me sont apparus comme des imposteurs. Les faiseurs de discours officiels du 4 juillet étaient pour moi des charlatans, les profanateurs d’un noble rêve. Ils ne ressemblaient pas aux “Liberty Boys” de 76.»

La tentative d’Obama et du reste des politiciens soudoyés à Washington d’incarner l’héritage de 1776 est une comédie et une supercherie. Le président et ses opposants républicains ne sont pas les représentants du peuple américain, mais les serviteurs d’une aristocratie financière dont la richesse et la puissance dépassent largement celles des classes dirigeantes européennes si détestées par les Pères fondateurs.

Le 4 juillet s’est déroulé dans le contexte du plus grand effondrement du système capitaliste mondial depuis les années 1930 et de l’émergence de luttes sociales de masse qui posent la nécessité de la révolution sur une échelle internationale.

Les efforts des États-Unis visant à s’emparer des régions stratégiques clés du monde surpassent de loin dans leur criminalité les «tyrannies répétées du roi George» contre les Treize colonies que Thomas Jefferson, Benjamin Franklin et d’autres signataires de la Déclaration d’Indépendance condamnèrent.

Dans des mots qui n’ont rien perdu de leur validité aujourd’hui, le célèbre document condamna le roi George III «pour cantonner parmi nous de grands corps d’armée», «de les protéger par une procédure illusoire contre le châtiment pour les meurtres qu'ils auraient commis sur la personne des habitants de ces États».

Le document déclare aussi que le monarque britannique a «pillé nos mers, ravagé nos côtes, brûlé nos villes et massacré nos concitoyens. En ce moment même, il transporte de grandes armées de mercenaires étrangers pour accomplir l'œuvre de mort, de désolation et de tyrannie qui a été commencée dans des circonstances de cruauté et de perfidie dont on aurait peine à trouver des exemples dans les siècles les plus barbares, et qui sont tout à fait indignes du chef d'une nation civilisée.»

Ces accusations seraient tout aussi valides dans un procès pour crimes de guerre contre Obama et son prédécesseur républicain, George W. Bush. Des millions de personnes ont été tuées dans les occupations militaires de l’Irak, de l’Afghanistan, dans les attaques par drones au Pakistan et au Yémen ainsi que dans la conquête néocoloniale de la Libye. De nouvelles guerres sont en préparation contre la Syrie et l’Iran. Le but de ces pillages est l’établissement d’un contrôle incontesté par l’impérialisme américain sur les ressources de pétrole et de gaz, ainsi que sur leurs voies de transport, du Moyen-Orient et de l’Asie centrale.

Les centaines de prétendus combattants ennemis emprisonnés et torturés à Guantanamo et dans les prisons secrètes de la CIA à travers le monde pourraient très bien citer la déclaration, qui condamna le monarque britannique «de nous transporter au-delà des mers pour être jugés sur de fausses offenses» et «de nous priver à de nombreuses occasions du bénéfice d’un procès avec jury».

De plus, Barack Obama s’est réservé le «droit» de détenir indéfiniment, d’espionner et même d’assassiner des citoyens américains sans preuve, sans accusation ou sans procédure équitable. Cette défense d’un pouvoir royal sans contrainte aurait même fait rougir le vieux roi Georges.

Les crimes de guerre et le piétinement des droits démocratiques prennent leur source dans l’échec du capitalisme américain et international ainsi que dans la croissance énorme des inégalités sociales. Pour pouvoir implanter son programme profondément réactionnaire d’austérité et d’expansion impérialiste, la classe dirigeante américaine a recours à des formes de gouvernance de plus en plus dictatoriales.

En tant que marxistes, nous sommes bien conscients des limites historiques de la Révolution américaine, une révolution démocratique bourgeoise. Ses grands idéaux ne pouvaient être pleinement réalisés dans le cadre socioéconomique des États-Unis du 18e siècle, dominé par les relations de propriétés capitalistes et la possession d’esclaves. Cependant, les socialistes ont toujours rejeté les balivernes postmodernes et les attaques anti-historiques des partisans des politiques identitaires de la classe moyenne qui nient la signification historique de la Révolution américaine.

Par leur déclaration des «droits inaliénables» de l’homme, leur insistance sur le fait que les pouvoirs du gouvernement devaient être basés sur «l’accord des gouvernés » et leur défense des conceptions égalitaires du Siècle des Lumières, les révolutionnaires américains ont rendu possible une nouvelle ère pour l’humanité. Après un peu plus d’une décennie, le soulèvement dans le Nouveau Monde a été suivi par la Révolution française, avec une portée encore plus considérable, et 1776 a eu des répercussions internationales pendant des générations.

Au début du texte, la Déclaration d’indépendance affirme : «Nous tenons ces vérités comme allant d'elles-mêmes : tous les hommes sont créés égaux; ils sont dotés par le Créateur de certains droits inaliénables; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur.»

De telles conceptions sont rejetées d’emblée par les tories modernes des deux partis de la grande entreprise qui privent, sur une base quotidienne, la majorité de la population de leur vie, de leurs libertés et de la recherche du bonheur.

L’historien américain Gordon Wood a parlé ainsi de la Révolution américaine : «Rien n’a autant contribué à cette explosion d’énergie que l’idée d’égalité. L’égalité a été en fait la force idéologique la plus radicale et la plus puissante à avoir été déchaînée durant la révolution… Sitôt invoquée, l’idée d’égalité ne pouvait être arrêtée et elle s’est répandue à travers la société et la culture américaines avec une puissance inouïe. C’est devenu ce qu’Herman Melville a appelé “Le grand Dieu absolu! Le centre et la circonférence de toute démocratie ! ”»

Le principe dominant de la société américaine contemporaine est l’inégalité. Il s’agit d’un pays où les milliardaires achètent des îles hawaïennes tandis que la moitié de la population américaine est catégorisée comme pauvre où quasi pauvre. Que ce soit Obama ou Romney qui est élu en novembre, le gagnant dirigera, non avec le consentement du peuple, mais sous les ordres de Wall Street qui, avec le reste de la grande entreprise américaine, financent leurs campagnes présidentielles de 3 milliards de dollars.

La Déclaration d'indépendance a soutenu que le peuple américain, ainsi que les peuples du monde, avaient le droit de renverser tout gouvernement qui devenait l’outil des riches et des puissants et qui violait ces principes inaliénables. Partout où un gouvernement prendrait ce caractère, ont écrit les Fondateurs, « le peuple a le droit de la changer ou de l'abolir et d'établir un nouveau gouvernement, en le fondant sur ces principes et en l'organisant en la forme qui lui paraîtront la plus à même de lui procurer la sûreté et le bonheur ».

Les véritables héritiers de ces traditions révolutionnaires ne sont pas les représentants de la classe dirigeante américaine, mais les travailleurs et les jeunes des États-Unis et de partout dans le monde qui entrent dans la lutte contre les inégalités, la guerre et l'attaque contre les droits démocratiques. Un nouveau mouvement révolutionnaire doit être basé sur la lutte pour l'égalité sociale, un principe qui est incompatible avec le maintien du système capitaliste.

Le capitalisme a échoué et les classes dirigeantes, par vertu de leur avarice, de leur criminalité et de leur insouciance ont perdu toute justification morale ou politique pour continuer à diriger. La seule force sociale dont les intérêts historiques sont liés à la lutte pour une véritable égalité et démocratie est la classe ouvrière internationale.

Ma collègue Phyllis Sherrer et moi faisons campagne pour amener cette perspective aux travailleurs et aux jeunes, ainsi que pour bâtir la direction révolutionnaire afin de la réaliser.

Pour plus d’information concernant la campagne du PES, visitez socialequality.com

(Paru en anglais le 4 juillet 2012)

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