Perspectives

La décision de la Cour suprême sur la révision du système de santé d'Obama

Lorsque la loi Patient Protection and Affordable Care Act (loi de protection du patient et de soins abordables) avait été votée en mars 2010, le président Barack Obama avait salué la mesure comme étant la confirmation du « Rêve américain » et la preuve qu'« un gouvernement du peuple par le peuple est toujours d'actualité pour le peuple. »

La décision, jeudi, de la Cour suprême de confirmer les dispositions clé de la loi a provoqué une réaction similaire de la part du président, des sympathisants démocrates du projet de loi et de ceux qui passent pour être des médias politiquement libéraux aux États-Unis. Ce qui a fondamentalement provoqué leur approbation et célébration de la décision de la haute cour est que cette loi sur les soins de santé est une réforme véritable qui va élargir la couverture de santé des Américains ordinaires et appliquer des garde-fous pour garantir la qualité des soins. En fait, rien n'est plus éloigné de la réalité.

La loi représente une attaque d'envergure contre les soins de santé de dizaines de millions de travailleurs. Son objectif principal n'est pas de pourvoir une couverture de santé universelle (des millions de personnes resteront sans assurance selon les dispositions de la loi) mais plutôt de réduire les coûts pour les grandes entreprises et le gouvernement, en grande partie par le rationnement des soins pour tous hormis les riches. De plus, la décision de la Cour suprême de soutenir la loi est en soi une décision profondément réactionnaire ayant des implications de taille concernant les droits démocratiques et sociaux des Américains.

La législation sur la santé a été préparée pour servir les intérêts des assureurs privés, des compagnies pharmaceutiques et des grandes chaînes de soins de santé. Ils vont pouvoir faire de beaux profits grâce à ses dispositions.

L'élément essentiel de la loi, le soi-disant « mandat individuel », qui a été confirmé par un vote de 5 contre 4 à la Cour suprême, exigera de tous, hormis des personnes vraiment très pauvres, de souscrire à une assurance santé dans une compagnie privée ou de payer une amende. Ceci va diriger des dizaines de millions de nouveaux clients payants vers des compagnies d'assurance privées.

Parmi les autres dispositions de la loi on compte:

° Des baisses de 500 milliards de dollars du programme Medicare pour les personnes âgées

° Un Comité de conseil de financement indépendant ( Independent Payment Advisory Board) qui va rationner les soins de santé de Medicare

° Des organismes de soin devant rendre des comptes ( Accountable Care Organizations) qui feront dépendre le financement de Medicare de la rationalisation des coûts.

° Une taxe sur l'assurance maladie appelée « Cadillac », détenue par des employés syndiqués ou autres.

Alors que les personnes qui n'ont pas de couverture santé peuvent se voir infliger une amende allant jusque 2 pour cent de leur revenu, les amendes pour les employeurs qui ne proposent pas d'assurance à leurs employés sont si petites qu'elles encouragent les entreprises à abandonner leurs programmes d'assurance. Ceci va forcer les travailleurs à souscrire à des polices d'assurance individuelles proposant une couverture réduite. Une étude récente a montré que jusque 9 pour cent des entreprises ont l'intention de supprimer la couverture maladie de leurs employés d'ici 2014.

Le fait qu'une mesure aussi régressive puisse passer pour une réforme progressiste en dit long sur l'Amérique du 21e siècle, ainsi que sur la Cour suprême qui la soutient. La décision, rédigée par le juge droitier de la Cour suprême John Roberts, et appuyée par les quatre soi-disant libéraux de la Cour, reflète le fait que l'establishment patronal est lourdement investi dans cette législation.

Le juge Roberts s'est joint aux quatre autres juges droitiers pour rejeter l'argument du gouvernement Obama selon lequel la loi sur la santé, et la disposition requérant que toute personne ait une assurance santé, était constitutionnelle sur la base de l'autorité du gouvernement à réguler le commerce entre États (selon la Clause de commerce de la Constitution américaine.) Roberts a, au contraire, fondé sa décision confirmant le mandat individuel, sur les pouvoirs de taxation du gouvernement, ce qui revient à faire un impôt de l'amende, infligée à ceux qui ne souscrivent pas à une assurance.

Le rejet de la Clause de commerce comme fondement de la législation sociale fédérale est le point culminant d'une attaque droitière croissante contre ce qui était considéré, depuis le New Deal des années 1930, comme une affaire réglée de jurisprudence constitutionnelle. Le Congrès avait cité la Clause de commerce comme fondement constitutionnel de réformes telles les lois sur le salaire minimum, le travail des enfants, la sécurité sociale, Medicare, Medicaid et la législation sur les droits civils ainsi que la réglementation sur les activités des entreprises. L'objectif des cinq juges droitiers de la Cour suprême, y compris Roberts, était de créer un précédent juridique affaiblissant le pouvoir du Congrès de légiférer toute réforme sociale ou contrainte concernant la capacité des grandes entreprises à faire des profits.

La juge Ruth Bader Ginsburg a qualifié la « lecture rigide » par Roberts de la Clause de commerce d'« incroyablement rétrograde. » Elle a fait remarquer que cela nous renvoyait au début du siècle dernier où la Cour suprême rejetait régulièrement la législation concernant les réformes sociales et les lois réglementant les activités des grandes entreprises.

L'unique disposition de la loi sur la santé à être rejetée par la Cour est une mesure relative à l'élargissement de Medicaid, programme de santé pour les pauvres administré conjointement par les États et le gouvernement fédéral. La loi cherchait à couvrir quelque 11 millions de personnes en étendant la couverture Medicaid à toutes les personnes au-dessus de 65 ans ayant des revenus à 133 pour cent, ou moins, de l'indice de pauvreté.

Cette mesure donnait le pouvoir au gouvernement fédéral de retirer à la source le financement de Medicaid à tout État refusant d'appliquer son élargissement. La décision de la Cour suprême, jeudi, a ôté ce pouvoir au gouvernement fédéral et rendu l'élargissement de Medicaid par les États individuels, d'un point de vue pratique, optionnel.

Ce que la Cour suprême et l'élite dirigeante dans son ensemble ont dans leur viseur n'est pas seulement Medicaid mais l'ensemble du cadre des réformes sociales telle la Sécurité sociale, Medicare et les bons donnant droit à la nourriture, ainsi que les lois soutenant les droits démocratiques comme la loi sur les droits civils et la loi sur le droit de vote.

Le vote en 2010 de la législation d'Obama sur les soins de santé a ouvert la voie à une nouvelle étape dans les attaques contre la classe ouvrière. Des mesures d'austérité ont été mises en place dans le pays, et les États appliquent des coupes sévères dans Medicaid et d'autres programmes sociaux. Dans le contexte de la pire crise de l'emploi depuis la Grande Dépression, la Maison-Blanche et le Congrès ont passé un accord visant à réduire la durée des allocations de chômage.

La Affordable Care Act (loi sur les soins de santé abordables) et la décision de la Cour suprême la soutenant soulignent l'incompatibilité de la propriété privée des moyens de production et la production pour le profit avec les besoins sociaux fondamentaux tels les soins de santé. Il n'existe aucune possibilité d'accomplir un changement social réellement progressiste dans le cadre du système politique et économique capitaliste.

Des soins de santé de qualité et universels requièrent que l'on retire le profit de tout ce qui concerne la santé et que l'on place le système de santé sur des fondations socialistes. Les compagnies d'assurance, les compagnies pharmaceutiques et les chaînes de soins de santé doivent être nationalisées et transformées en entreprises d'utilité publique sous le contrôle démocratique des travailleurs.

Le Socialist Equality Party (Parti de l'égalité socialiste) et ses candidats à l'élection présidentielle de 2012, Jerry White pour la présidence et Phyllis Scherrer pour la vice-présidence, sont engagés dans la lutte pour un système de santé universel, de qualité en tant que droit social fondamental de la classe ouvrière. Visitez Visit the Socialist Equality Party campaign website.

(Article original paru le 30 juin 2012)

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