Comment la « gauche » bourgeoise française manipule la lutte contre la fermeture de Fralib

Depuis plus d’un an, les travailleurs de Fralib ont participé à une succession de procédures judiciaires dirigées par les syndicats CGT et CFE/CGC contre la direction du groupe Unilever, qui n’a fait que repousser la fermeture du site.

L’usine de Fralib, filiale du groupe Unilever située à Gémenos (environ 30km de Marseille), est la seule usine en France à produire les thés Lipton et les infusions L’Elephant.

Après l’élection de François Hollande du Parti socialiste (PS) au poste de président de la République, on prépare la fermeture du site pour délocaliser la production en Pologne, alors même que l’usine est rentable.

Le 20 avril, le tribunal de grande instance de Marseille a considéré le « troisième plan de sauvegarde de l’emploi » proposé par la direction de Fralib comme répondant « aux conditions légales ». Pourtant, comme l’ont révélé Le Monde et Médiapart, une lettre d’observation préparée par les fonctionnaires de la Direccte (ancienne direction du travail) relevait les irrégularités du troisième plan social qui auraient pu jouer en faveur des salariés lors de l’audience du 20 avril.

Le 14 mai, le juge des référés du tribunal de grande instance a ordonné l’expulsion des salariés de Fralib qui occupaient à nouveau l’usine depuis le 11 mai pour protester contre la décision de justice. L’expulsion est programmée pour le 1er juin.

Les syndicats ont réagi en indiquant qu’ils feraient appel de cette « décision de justice politique ». Les bureaucrates syndicaux continuent de faire croire aux travailleurs que la défense des emplois devant les tribunaux ou par une intervention de l’Etat est possible. Ceci est une fausse perspective, qui vise à bloquer le développement d’une lutte politique plus large de toute la classe ouvrière contre les licenciements à travers l’Europe en forçant les travailleurs à se fier aux décisions de la justice.

En fait, les décisions de la justice sont de plus en plus défavorables aux travailleurs—dans l’affaire Fralib comme plus largement sur les licenciements. (Voir France : Une décision de la Cour de cassation donne aux partons carte blanche pour licencier massivement).

Concernant le délai d’expulsion, Olivier Leberquier, délégué syndical CGT juge « que ce délai de quinze jours est lié à l’élection de François Hollande ». La CGT veut faire croire aux travailleurs que l’arrivée de François Hollande laissera un espoir pour la non-fermeture du site de Gémenos. François Hollande avait promis en août 2011 « une table ronde avec l’Etat, les salariés et les collectivités locales pour faire pression sur Unilever ».

Après avoir soutenu Hollande, la CGT tente maintenant d’utiliser les salariés de Fralib pour soutenir le PS aux législatives. (Voir : La CGT épaule la « gauche » bourgeoise dans les élections présidentielles françaises)

La perspective des bureaucraties syndicales et des partis de « gauche » comme le NPA fait croire qu’il est possible de faire pression sur le gouvernement, de préférence de « gauche » pour préserver les emplois et les acquis sociaux. Cette perspective s’est soldée chaque fois par une amère désillusion de la classe ouvrière.

Dans l’article du Monde intitulé "A Gémenos, les salariés Fralib veulent croire à 'l’effet Hollande'" il est dit : « Dès février, François Chérèque, secrétaire de la CFDT, évoquait des interventions du gouvernement auprès d’entreprises pour qu’elles repoussent leurs plans de licenciement après les élections ». La justice a donc repoussé la fermeture de Fralib, évitant une médiatisation des licenciements de masse qui auraient pu déstabiliser les partis traditionnels pendant la campagne présidentielle—comme l’auraient souhaité les représentants de la bourgeoisie.

Maintenant que François Hollande est élu, la justice se retourne contre les travailleurs. Les syndicats et les partis de gauche étaient conscients de ce mécanisme politique avant les élections présidentielles. Ils ont canalisé le mécontentement des travailleurs pour faire passer François Hollande et son programme, qui est de rendre l’industrie française compétitive aux dépens des travailleurs, se servant cyniquement de la lutte à l’usine Fralib.

Le conflit entre Unilever et les travailleurs de Fralib a été médiatisé et récupéré par les partis soit disant « d’extrême gauche » et le PS, en vue des élections présidentielles. Jean-Luc Mélenchon avait commencé sa campagne pour l’élection présidentielle de 2012 en rendant visite aux travailleurs du thé Lipton. Depuis les primaires socialistes, Hollande s’est rendu cinq fois à Gémenos ainsi que Poutou et Besancenot pour le compte du NPA.

Les interventions de ces personnalités politiques ont consisté à appeler les travailleurs à se ranger derrière la CGT et son slogan nationaliste, « L’Eléphant est Français, en Provence il doit rester ».

En septembre, Le NPA dans l’article « Fralib : bienvenue chez nous » s’était félicité à propos d’une décision de justice, par la suite annulée, qui rendait légitime un projet de reprise de l’usine par les salariés eux même : « Cette première victoire nous donne d’autant plus d’espoir. Pour continuer la lutte et se réapproprier leur outil de travail, les salariés ont décidé d’accepter le plan de reclassement. Contrairement à ce que la direction prétend, il ne s’agit pas d’une défaite mais de la stratégie des travailleurs pour gagner».

Ce commentaire est profondément malhonnête. Le NPA savait que le gouvernement voulait repousser la fermeture de l’usine après les élections, et que la politique démobilisatrice de la CGT laisserait à la justice le loisir d’ordonner les licenciements après l’élection. Ceci reflète l’hostilité des syndicats et du NPA à toute unification de la classe ouvrière pour défendre ses acquis par une lutte politique contre la bourgeoisie.

Le gouvernement de Hollande se prépare à imposer la rigueur après les élections législatives, projetant des licenciements de masse. Les ouvriers, à Fralib comme ailleurs, ne peuvent rien attendre de la justice ni des partis de la « gauche » petite-bourgeoise, et ne peuvent compter que sur une lutte politique plus large pour mobiliser toute la classe ouvrière contre l’austérité en France et en Europe.

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