Le Parti socialiste nomme un gouvernement intérimaire anti-ouvrier en France

Jean-Marc Ayraul, nommé premier ministre intérimaire par le président nouvellement élu du Parti Socialiste (PS), François Hollande, a annoncé le 17 mai la composition du nouveau gouvernement intérimaire de la France. Celui-ci restera en place jusqu’aux résultats des élections législatives du 17 juin.

Si le PS et ses alliés obtiennent une majorité dans ces élections, il est probable qu’un grand nombre des 34 ministres pourrait rester en poste. Les nominations dépendront de l’importance et de l’influence de la représentation au parlement des partis bourgeois de « gauche » comme le Front de Gauche et Europe Ecologie-Les Verts (EELV) ainsi que des accords qu’ils auront conclus quant à qui se présentera dans les différentes circonscriptions.

La première mesure du conseil des ministres réuni hier a porté sur une série d’actes symboliques – réduction de 30 pour cent du salaire du président et des ministres par l’adoption d’une « Charte de déontologie » afin de se prémunir contre la corruption des responsables. Ceci se voulait apparemment être une pique contre le prédécesseur conservateur de Hollande, le président Nicolas Sarkozy, qui avait suscité beaucoup de colère en augmentant son propre salaire. De telles décisions ne changent en rien le caractère fondamentalement anti-ouvrier du nouveau gouvernement.

Issus de couches plus droitières au sein du PS, il continuera à imposer des mesures d’austérité en réponse à la crise économique en Europe et des guerres impérialistes à l’étranger. Il s’agit d’une nouvelle indication de la faillite politique des forces petites bourgeoises de « gauche », telles le Front de Gauche et le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) qui avaient tous inconditionnellement appelé à voter Hollande le 6 mai lors des élections présidentielles.

La vétérane du PS, Martine Aubry, première secrétaire du parti, n’a pas été choisie pour le poste de premier ministre ni pour aucune autre fonction ministérielle. Cette décision, prise dans le cadre restreint de la politique pro patronale du PS, est un signal politique. Aubry, la fille de l’ancien président de la Commission européenne, Jacques Delors, qui s’est construit une base de pouvoir bureaucratique dans les régions industrielles dévastées du Nord de la France, est néanmoins considérée comme étant à la « gauche » du PS.

L’auteur d’une loi par la suite révoquée sur la semaine de 35 heures, elle avait critiqué Hollande durant la primaire pour la présidentielle du PS parce qu’il représentait « la gauche molle. » Alors qu’Aubry se base elle-même sur les intérêts du capital financier, du moins autant que Hollande, son commentaire visait à en appeler à l’intuition populaire comme quoi le gouvernement de Hollande serait un gouvernement entièrement dévoué aux intérêts du patronat.

Comme le montre clairement l’identité des ministres du gouvernement intérimaire, c’est précisément ce qui est advenu.

Le choix de Laurent Fabius comme ministre des Affaires étrangères – officiellement le numéro deux du gouvernement – est hautement symbolique. Fabius fut le premier ministre du président PS François Mitterrand de 1984 à 1986, il devint profondément impopulaire au sein de la classe ouvrière pour avoir entrepris de profondes restructurations sociales et des mesures de rigueur. Il échappa à toute responsabilité pénale pour le rôle joué par son gouvernement en bloquant l’utilisation d’une technologie américaine de dépistage du virus du sida/VIH dans les banques de sang, décision qui entraîna la contamination par le virus du sida et la mort de littéralement tous les hémophiles de France.

En tant que ministre de l’Industrie puis en tant que premier ministre, il a rigoureusement appliqué la « modernisation » de l’industrie nationale comme celle du charbon et de l’acier en commençant la désindustrialisation des régions ouvrières à présent dévastées du Nord et de l’Est de la France. Ce fut pendant son mandat qu’en 1985 le navire de Greenpeace le Rainbow Warrior fut coulé par des membres des services secrets français alors qu’il manifestait contre les essais nucléaires français ; une personne fut tuée.

Fabius, qui entretient des rapports étroits avec le monde des affaires, est une figure sur qui il pourra être compté pour appliquer n’importe quelle politique requise par l’impérialisme français. Conformément à la déclaration de Hollande qu’il n’avait aucune critique à formuler contre la politique étrangère de l’ancien président Nicolas Sarkozy, Fabius n’a aucune objection à émettre contre l’explosion du militarisme français représenté par les interventions en Côte d’Ivoire, en Libye et en Syrie.

Manuel Valls a pris le portefeuille de l’Intérieur. Une figure de droite, il avait demandé à ce que le PS abandonne le mot « socialiste » pour changer le nom du parti. Il a aussi prôné l’hystérie sécuritaire et des appels racistes en faveur de sentiments anti-immigration.

En 2002, en tant que maire d’Evry, il avait fermé un supermarché vendant de la viande halal dans une cité ouvrière – un sujet repris à la fois par la néo-fasciste Marine Le Pen et Hollande durant leur campagne électorale dans une tentative de dépasser Sarkozy sur la droite. Valls a doublé les effectifs de la police à Evry en propageant aussi le recours à la vidéosurveillance, aux Tasers et aux armes à feu.

Le site Internet Médiapart cite le livre de Valls « Sécurité : la gauche peut tout changer » où il prône « la création de zones de sécurité prioritaires en fidélisant des policiers expérimentés grâce à des avantages financiers, l’utilisation des caméras de surveillance, la création de nouvelles places de prison, et des sanctions plus immédiates en direction des mineurs délinquants. »

Les questions financières ont été confiées à deux partisans de l’ancien président du Fonds monétaire International, Dominique Strauss-Kahn – le ministre de l’Economie, des Finances et du Commerce extérieur, Pierre Moscovici, et le ministre délégué chargé du Budget, Jérôme Cahuzac. Ceci indique les intentions résolument anti-classe ouvrière du gouvernement.

Arnaud Montebourg a été nommé ministre du Redressement productif. Médiapart a précisé que sa nomination visait à « faire entendre une petite musique de gauche » au gouvernement – un commentaire qui montre surtout le caractère chauvin de ce qui est censé être de « gauche » en France.

Présenté comme étant de « gauche » par les médias et les partis petits-bourgeois de « gauche », Montebourg s’était rendu, durant la campagne des primaires, dans des usines en passe d’être fermées en prêchant le nationalisme économique et en dénonçant l’Allemagne. Le programme de son ministère est de collaborer avec les syndicats dans le but de stimuler la compétitivité et la production du capitalisme français en réduisant les coûts de main-d’œuvre et en attaquant les travailleurs.

(Article original paru le 18 mai 2012)

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