France : Le Front de Gauche fait campagne à Hénin-Beaumont

Le Front de gauche a annoncé le 15 mai que son candidat à la récente élection présidentielle, Jean Luc Mélenchon, allait briguer le siège de député de la 11e circonscription du Nord Pas-de-Calais aux prochaines élections législatives, les 10 et 17 juin. Son principal adversaire y sera Marine Le Pen, candidate du Front National néo-fasciste à l'élection présidentielle.

Dans cette circonscription se trouve Hénin-Beaumont, une ville de 25.000 habitants fortement touchée par la fermeture des industries, minière et autre, au cours des dernières décennies. La ville avait attiré l’attention l’année dernière parce que le Front national (FN) néo-fasciste y avait fait un score élevé lors d’élections locales, contre des élus du Parti socialiste (PS).

Faisant campagne contre la corruption du maire PS de Hénin-Beaumont, Gérard Dalongeville, et citant la destruction des emplois et de la misère sociale sous la houlette du PS, le FN a pu y développer son influence. (Voir France : Défaite de justesse pour les néo-fascistes aux élections anticipées à Hénin-Beaumont)

Marine Le Pen y a obtenu 31,4 pour cent des voix au premier tour de l’élection présidentielle le 22 avril, arrivant en tête. Le candidat du PS, François Hollande, a obtenu plus de 60 pour cent des voix contre le président sortant Nicolas Sarkozy au second tour.

Dans une interview publiée le 15 mai par le quotidien Libération, Mélenchon présente ainsi les motivations de sa candidature à Hénin-Beaumont: « Pour le choix de la circonscription, il y avait trois paramètres : un contenu social et ouvrier fort ; une bataille avec le FN ; incarner la relève à gauche là où le PS est à bout de souffle, aux prises avec les affaires et les querelles de personnes ».

Mélenchon explique sa décision d’être candidat à Hénin Beaumont par la volonté de maintenir le programme des partis bourgeois « de gauche » là où le PS n’est plus capable de le faire : « Si le plus grand parti de gauche avait fait son travail à Hénin-Beaumont, on n’en serait pas là. Le Front de gauche peut être la relève. »

Cette phrase résume assez bien les aspirations de Mélenchon : servir de « relève » à un PS, miné électoralement par l’hostilité des travailleurs envers sa politique pro-capitaliste, pour maintenir l’influence de la « gauche » bourgeoise. Une pareille politique n’offre rien aux travailleurs et ne fera rien pour enrayer l’avancée politique du FN, quelle que soit l’issue de l’élection à Hénin-Beaumont.

Le PS est, de son côté, tout à fait conscient du rôle joué par le Front de Gauche—une alliance électorale constituée du PCF stalinien, du Parti de Gauche, issu d’une scission du PS et dirigé par Mélenchon, et de la Gauche unitaire (issue d’une scission d’avec le NPA). Mélenchon a appelé à voter sans conditions pour le candidat présidentiel du PS, François Hollande, au deuxième tour de la présidentielle.

Le PS, qui maintient son propre candidat au premier tour dans la circonscription de Hénin-Beaumont, n’exclut pas une candidature derrière Mélenchon au second tour. Il existe déjà des voix au sein du PS souhaitant soutenir Mélenchon au premier tour.

Le Front de Gauche ne se cache pas de faire dans cette élection ce qu’il a fait à la présidentielle, c'est à dire apporter des voix au PS. Dans une interview à France Inter, Mélenchon dit : «Compte tenu de la magnifique bravoure du Front de gauche pour le deuxième tour qui a quand même fait la décision - parce que sans les 4 millions de voix du FG, quel qu’ait été le brillant niveau de François Hollande, il ne serait pas parvenu à la majorité - nous avons droit à du respect. »

Le programme défendu par Mélenchon est hostile à tout mouvement de la classe ouvrière. Préconisant une unité « citoyenne » entre exploités et exploiteurs, il n’avait obtenu que 11 pour cent des voix le 22 avril, alors que Le Pen en obtenait près de 18 pour cent—n’attirant que ceux votant déjà pour les partis se présentant comme « à gauche » du PS. (Voir : France: Quelle était la nature de la campagne de Jean-Luc Mélenchon, candidat du Front de Gauche?)

Mélenchon lui-même porte une part de responsabilité dans la misère du Nord Pas-de-Calais, ayant été dirigeant du PS dans les années 1980, alors que le gouvernement Mitterrand désindustrialisait la région, puis membre du gouvernement de la Gauche plurielle de 1997-2002.

Ceci souligne le caractère fondamentalement malhonnête des prétentions de Mélenchon à incarner une alternative « socialiste » à Marine Le Pen. Il pose la question ainsi : « Est-ce qu’au début du 21e siècle, l’ancien bassin minier, berceau du mouvement ouvrier, se choisit un député d’extrême droite ou du socialisme historique » ?

En fait, Mélenchon n’a rien à voir avec le socialisme historique. D’un côté, il est l’allié de la carcasse bureaucratique du PCF stalinien, qui a trahi d’abord la grève générale de 1936 par son soutien au gouvernement social-démocrate de Léon Blum et au pacte germano-soviétique de 1939, et puis la grève générale de 1968 en soutenant de Gaulle. Lui-même est issu des milieux estudiantins ex-soixante-huitards, ayant passé quelques années dans l’Organisation communiste internationaliste (OCI) petite-bourgeoise avant d’intégrer les rangs du PS.

Mélenchon place sa candidature non pas dans une tradition socialiste, mais dans le sillage des gouvernements bourgeois d’Amérique latine et des partis petit-bourgeois européens, prenant pour modèle le parti grec Syriza, dont il est l’allié politique.

Il déclare que le vote élevé de Syriza constitue « un triomphe pour nos camarades de Syriza, la confirmation que les révolutions citoyennes connues en Amérique du Sud arrivent en Europe. En Grèce, nous sommes désormais le premier parti de gauche. En France ce sera dans moins de dix ans ».

Ces derniers jours, Syriza a signalé qu’elle était prête à participer à un gouvernement imposant les diktats de l’Union européenne. Pendant la campagne électorale, Syriza avait déclaré que la Grèce ne devrait quitter l’UE sous aucun prétexte.

En France, La perspective du Front de gauche est de « conseiller » Hollande. Mélenchon dit: « S’il [Hollande] résiste, ce sera avec nos solutions. Parce que les sociaux-démocrates européens n’ont fait la démonstration dans aucun pays d’Europe qu’ils savent comment faire ».

Les phrases creuses de Mélenchon, dont l’ambition principale est précisément de tenter de souffler des « solutions » aux sociaux-démocrates européens, sont à mettre en relation avec la politique de ses alliés italiens, Rifondazione Comunista. Participant au gouvernement Prodi de 2006-2008, ceux-ci ont mené une politique réactionnaire, réduisant les retraites des Italiens et octroyant des crédits aux guerres de l’impérialisme italien en Afghanistan et au Liban. Après cette expérience, Rifondazione a perdu tous ses représentants parlementaires.

Le rôle de Mélenchon et du Front de Gauche en France est semblable : il prépare non pas une contre-attaque de la « gauche » bourgeoise, mais d’amères désillusions qui favoriseraient précisément la montée politique de Marine Le Pen.

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