France: le gouvernement PS cède aux exigences de coupes sociales du patronat

Lundi 29 octobre, dans un échange avec des lecteurs du Parisien, le premier ministre du Parti socialiste (PS) Jean-Marc Ayrault a affirmé que pour lui la semaine de 35 heures n'était pas « tabou ». Lorsqu'on lui a demandé s'il retournerait à la semaine de 39 heures, il a répondu: «Pourquoi pas? Je ne suis pas dogmatique. »

Des conseillers du gouvernement craignaient que ce «couac » lorsque le script a été publié mardi, aurait un effet négatif sur la cote de popularité du gouvernement, qui a, à présent, chuté à tout juste 40 pour cent. Néanmoins leurs commentaires cyniques ne font que souligner l'engagement du gouvernement à détruire les droits du travail de la classe ouvrière.

Le ministre du Travail Michel Sapin et le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius se sont exprimés à la radio et à la télévision pour nier tout projet d'abandon des 35 heures. Parlant de rumeurs d'abrogation de la loi des 35 heures, Sapin a déclaré, «Il faut couper la tête au canard qui est en train de vouloir s'envoler. »

Mais Sapin s'est empressé de dire que les entreprises devraient pouvoir réduire les heures de travail et les salaires en collaboration avec les syndicats pour répondre aux fluctuations du marché: «Mais il faut aussi dialoguer dans les entreprises, les 35 heures c'est la référence mais lorsque ça va très très bien on peut travailler plus en étant payé plus et là où ça va moins bien [...] on peut par exemplebaisser le temps de travail. »

Même François Chérèque du syndicat CFDT (Confédération française démocratique du travail) proche du PS est ostensiblement intervenu pour défendre la loi sur la semaine de travail de 35 heures. Il a dit, «Si c'est pour remettre en cause la durée légale du travail à 35 heures, il n'en est pas question. Il est temps que le premier ministre, très rapidement, arrête la polémique.»

 Mais on a déjà vu Chérèque demander que les entreprises travaillent de concert avec le gouvernement PS pour réduire drastiquement le coût du travail, c'est à dire les salaires et les prestations sociales, afin de rendre les entreprises françaises plus compétitives au niveau mondial. (Voir: Les syndicats français exigent une réduction des dépenses et une déréglementation du marché du travail.)

Le jour suivant, raillé par les députés de droite à l'Assemblée nationale, Ayrault a déclaré que les 35 heures seraient maintenues «tant que la gauche [c'est à dire le PS] sera au pouvoir. »

Les déclarations du PS et des représentants des syndicats montrent clairement l'objectif de la proposition de Ayrault d'allonger la semaine de travail en France: c'est sa réponse à la pression exercée par le patronat pour améliorer sa compétitivité et accélérer les mesures d'austérité contre les travailleurs.

Une lettre ouverte adressée la veille au président François Hollande de la part de l'Afep, association représentant les 98 plus importantes entreprises françaises, dit: «L'État doit réaliser 60 milliards d'euros d'économies (3 points de PIB) au cours des cinq prochaines années ...Pour les entreprises, il faut baisser le coût du travail d'au moins 30 milliards d'euros sur deux ans. » L'Afep propose de financer la réduction des contributions patronales aux dépenses sociales «pour moitié par un relèvement de la TVA de 19,6% à 21% (la moyenne européenne) et l'autre moitié par une baisse des dépenses publiques.»

Ces mesures qui appauvriraient davantage encore la classe ouvrière sont conformes aux fuites d'un rapport commandé par le gouvernement pour améliorer la compétitivité et la profitabilité du patronat et rédigé par Louis Gallois, ancien patron de la Société de chemins de fer SNCF et d'Airbus. Son rapport sera remis à Ayrault le 5 novembre.

Si Ayrault a pu soudain faire volte-face et promettre de conserver la loi sur les 35 heures, ce n'est que parce que cette loi elle-même est si complexe et remplie de lacunes qu'elle a été à maintes reprises amendée pour accroître l'exploitation des travailleurs.

Adoptée par le gouvernement PS de Lionel Jospin en 2000, elle avait pour objectif de dissimuler la régression des conditions de travail, permettant aux patrons d'annualiser les heures de travail et par là même d'intensifier l'exploitation du personnel. Cela avait aussi commencé le processus de démantèlement des protections légales des conditions des travailleurs, qui a été accéléré par les gouvernements UMP suivants.

Une de ces « réformes » de la loi sur les 35 heures en 2008, sous le président droitier Nicolas Sarkozy, avait été ouvertement saluée comme marquant son abolition. (Voir: Fin de la semaine de 35 heures en France.)

La crise du capitalisme mondial qui s'exprime dans la crise du capitalisme français est utilisée comme justification pour détruire les acquis sociaux de la classe ouvrière. Hollande a fait la liste des attaques récentes lorsqu'il a pris la parole devant des chefs d'entreprise le 25 octobre: 750 000 emplois supprimés dans l'industrie depuis 2008, des fermetures d'usines annoncées chaque jour, un déficit commercial annuel énorme de 70 milliards d'euros et qui ne cesse de s'accroître.

Le Nouvel Observateur cite Henri Sterdyniak, économiste et directeur du Département économie de la mondialisation de l'OFCE, qui propose une solution proche des projets du gouvernement Hollande: «En Allemagne, ces dernières ont trouvé un accord avec les syndicats pour freiner la progression des salaires. Puis, l'Etat leur a donné un coup de pouce supplémentaire en basculant certaines charges sur la TVA.»

En France les syndicats négocient des accords de réduction des coûts avec les patrons, des baisses de salaires et des licenciements afin de « sauver » les emplois en montant les travailleurs de France contre leurs collègues de classe à l'étranger. Ils oeuvrent à ces fins avec Hollande, comme ils l'avaient fait avant lui avec Sarkozy.

Les entreprises industrielles tel le constructeur automobile Renault réclament des mesures pour diminuer le coût du travail.

L'entreprise a investi un milliard d'euros pour construire une usine à Tanger au Maroc qui produira 340 000 véhicules d'ici 2013. Les salaires y seront pour un « travailleur de base » de 250 euros par mois contre 450 euros en Roumanie. Pendant 5 ans, l'usine profitera d'une suppression totale d'impôt et d'impôts réduits pendant 20 ans. Actuellement Renault ne produit que 25 pour cent de ses véhicules en France, soit une production qui est passée de un million de véhicules en 2007 à 634 000 en 2011.

Le directeur général de Renault Carlos Tavares a récemment fait remarquer qu'une Clio 4 coûte 1 300 euros de plus produite à Flins en France qu'à Bursa en Turquie, la moitié de la différence étant due à des coûts de salaire plus élevés et l'autre moitié aux coûts plus élevés des pièces fournies localement. Tavares a dit que Renault entamaient des discussions avec les syndicats pour réduire la différence de coûts entre les usines de Flins et de Bursa.

(Article original publié le 1 novembre 2012)

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