France: les sociaux démocrates imposent de nouvelles coupes après avoir accepté le rapport Gallois pro-austérité

Par Antoine Lerougetel
8 novembre 2012

Le gouvernement PS (Parti socialiste) du président François Hollande a annoncé mardi 6 novembre des dizaines de milliards de coupes budgétaires supplémentaires après la publication, la veille, du rapport pro-austérité préparé à la demande du PS par Louis Gallois, ancien PDG de la SNCF et d'Airbus.

Le premier ministre Jean-Marc Ayrault a pris la parole de sa résidence officielle, l'hôtel Matignon, pour donner les grandes lignes de certains points clé de sa nouvelle politique visant à promouvoir la compétitivité des entreprises françaises. Au centre de ce plan on trouve une réduction de 20 milliards d'euros (25,6 milliards de dollars US) des taxes patronales, pour moitié sous forme de coupes dans les dépenses, et pour l'autre moitié par des augmentations de la TVA (Taxe à la valeur ajoutée) et des taxes « écologiques » qui seront payées par les travailleurs.

Ayrault a dit que les « partenaires sociaux », c'est à dire les associations patronales et la bureaucratie syndicale, vont à présent préparer une « réforme » du financement de la sécurité sociale.

Ayrault a pratiquement reconnu que sa politique visait à restaurer la compétitivité des entreprises françaises en réduisant drastiquement le salaire et les conditions de vie des travailleurs pour les mettre au niveau des bas salaires dans d'autres pays, dont l'Allemagne. Il a appelé à agir « sur le coût du travail, par rapport à nos principaux concurrents européens, car les coûts salariaux entre la France et l'Allemagne ont divergé. »

Il a aussi appelé à davantage d'investissement dans les entreprises françaises, disant que 500 millions d'euros seront débloqués pour contribuer à financer les moyennes entreprises. Ayrault a provoqué l'éclat de rire de son auditoire lorsqu'il a fait un lapsus et dit que ce financement favoriserait la « spéculation » au lieu de « spécialisation » de ces entreprises sur les marchés internationaux.

Ayrault a aussi fièrement annoncé qu'il adoptait « la quasi-totalité des préconisations de M. Gallois. »

Ces plans sont une confirmation de plus du caractère anti-ouvrier du gouvernement Hollande, qui a imposé des dizaines de milliards d'euros de coupes sociales durant les six mois qui ont suivi sa prise de fonction et n'a rien fait devant les licenciements de masse qui ont dévasté les industries automobile, du transport et d'autres encore.

Hollande fait une volte-face cynique, en décidant de financer les dépenses de l'Etat par une augmentation de 10 milliards d'euros de la TVA (aussi appelée « TVA sociale ».) Lorsque cette mesure avait été proposée par son prédécesseur, le président Nicolas Sarkozy, Hollande l'avait qualifiée d' « injuste, infondée et improvisée ». Il reprend à présent cette mesure anti-ouvrière qu'il reconnaît être « injuste. »

Laurence Parisot, dirigeante du Medef (Mouvement des entreprises de France) a réagi de façon positive: « Oui, nous avons été entendus...Il est clair que la question de la compétitivité a été mise au centre de la table et que des mesures sérieuses ont été prises. »

Le Parti communiste français, stalinien, (PCF), partenaire de coalition de longue date du PS et qui a appelé inconditionnellement à voter Hollande lors de la présidentielle de mai dernier, a cyniquement qualifié la mesure de «coup de massue contre le pouvoir d'achat. » Ceci ne va empêcher le PCF les autres sections de la « gauche » petite-bourgeoise, tel le Nouveau Parti anticapitaliste, à travailler en étroite collaboration avec le PS et la bureaucratie syndicale pour organiser les coupes sociales.

Le gouvernement Hollande a publié son rapport un jour après avoir accepté le rapport Gallois, et appelle à des coupes massives similaires des dépenses sociales pour stimuler la compétitivité des entreprises.

Gallois proposait de réduire le coût du travail de 30 milliards d'euros, dont 20 milliards par des réductions des cotisations patronales et 10 milliards par des réduction des cotisations des employés (cette dernière mesure a été abandonnée par le PS) et d'introduire une « nouvelle souplesse » au travail. C'est là un euphémisme pour désigner la capacité de la direction à réduire les protections du travail, à changer les horaires de travail et les emplois du temps à volonté et de réduire les salaires en conséquence.

Gallois a aussi fait un geste en faveur de la bureaucratie syndicale. Il a proposé qu'au moins quatre « représentants des travailleurs », à savoir des bureaucrates syndicaux, siègent au conseil d'administration des entreprises. Il s'agit là d'une demande majeure de tous les syndicats, pour se garantir des postes lucratifs qui leur permettront de collaborer à imposer aux travailleurs des baisses des coûts du travail et des suppressions de postes

Le rôle de Gallois dans la préparation de ce rapport était d'identifier les causes de l'effondrement industriel de la France et de proposer des remèdes au déficit commercial croissant de la France, qui a atteint 70 milliards d'euros. Quelque 700 000 emplois industriels ont été supprimés durant la dernière décennie. Cette hémorragie s'est accélérée depuis le début de la crise de 2008: Rien qu'au cours de l'année dernière, la part de la France dans les exportations de la zone euro est passée de 17 à 13 pour cent et le taux de chômage de la France se situe à 10,2 pour cent, alors qu'il est de 6,9 pour cent en Allemagne.

Les solutions proposées par Gallois sont conformes aux mesures adoptées par tous les principaux pays capitalistes sous la pression de la récession européenne et mondiale et de la compétition mondiale du fait de l'émergence de plateformes de travail à bas coût en Asie et en Afrique du nord. Toutes les concessions précédemment accordées seront balayées et l'Etat providence détruit pour rivaliser sur le marché mondial dans une course vers le bas du niveau de vie. Ces mesures qui ont produit 25 pour cent de chômage en Grèce et en Espagne frappent aussi à présent les pays d'Europe du nord. (voir : Pays-Bas : le nouveau gouvernement de coalition approuve un sévère programme d’austérité)

Selon le site d'information Médiapart, le rapport a été rédigé après de longues consultations avec les patrons. Une des personnes ayant aidé Gallois à préparer ce rapport était Pierre-Emmanuel Thiard, membre de l'UMP (Union pour un mouvement populaire) et conseiller de Sarkozy en matière de politique économique.

Après avoir initialement cherché à se distancer quelque peu du rapport Gallois du fait de ses mesures impopulaires, le gouvernement l'a maintenant adopté.

Les éloges les plus pressants pour ce rapport sont venus du ministre PS du Redressement productif Arnaud Montebourg, souvent décrit comme à la « gauche » du PS. Il a fait l'éloge du rapport parce qu'il est « mobilisateur pour tous les citoyens....... Louis Gallois appelle à un réflexe patriotique. Cela veut dire qu'en effet tous les Français peuvent prendre leur part dans la renaissance de notre industrie...Je crois que tous les Français devraient lire le rapport Gallois tellement il est édifiant. »

Les syndicats aussi soutiennent la démarche de rendre les entreprises françaises compétitives aux dépens des travailleurs. François Chérèque, dirigeant du syndicat aligné au PS, la CFDT (Confédération française démocratique du travail) a dit: « la CFDT est favorable au transfert d'une partie du financement de la protection sociale qui pèse sur le travail, et de le faire sur la CSG. » Il a ajouté que Gallois allait «dans le bon sens. »

(Article original publié le 7 novembre 2012)
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