L’ONU planifie une intervention au Mali avec le soutien de la France

La Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) et le gouvernement malien se sont accordés sur les conditions pour une opération militaire au Nord du Mali. Le 23 septembre, les ministres de la Défense du Mali et de la Côte d’Ivoire ont annoncé qu’une délégation de la Cédéao officialiserait l’accord dans les prochains jours à Bamako, la capitale du Mali.

Le ministre ivoirien de la Défense Paul Koffi a dit qu’une force de 3.000 soldats de la Cédéao « n’incluant pas d’étrangers » serait déployée. La France, l’ancienne puissance coloniale du Mali, a toutefois déjà annoncé que son aide à une intervention au Mali sera d’ordre logistique « du matériel mais pas d’hommes ».

A Washington, le secrétaire d’Etat adjoint aux Affaires africaines, Johnnie Carson, a dit que la communauté internationale oeuvrait avec les voisins du Mali tant au dehors qu’à l’intérieur de l’alliance régionale de la Cédéao pour combattre les groupes terroristes. Ceci ne laisse aucun doute quant aux implications internationales du conflit.

L’on s’attend à ce que le feu vert pour le déploiement des troupes de la Cédéao soit donné le 26 septembre lors d’une réunion présidée par le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, en marge de l’Assemblée générale des Nations unies. Celle-ci avait été préparée par la haute-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Navi Pillay. Dans des commentaires largement diffusés, elle a dit que les islamistes dans le Nord-Mali commettaient de graves violations des droits de l’homme voire des crimes de guerre – dont des amputations, des exécutions sommaires et une lapidation à mort d’un couple non marié.

Depuis le début de l’année, le Mali a rapidement plongé dans la guerre civile. Le président de longue date, Amadou Toumani Touré, a été renversé le 22 mars par un groupe de soldats dirigé par le capitaine Amadou Sanago, formé aux Etats-Unis. Ce fait est venu s’ajouter aux retombées de l’intervention impérialiste de l’OTAN en Libye pour l’éviction du colonel Mouammar Kadhafi et la mise en place d’un régime fantoche dans le pays nord-africain riche en pétrole.

Les rebelles touaregs du Mouvement national pour la Libération de l’Azawad (MNLA), dont un grand nombre étaient revenus lourdement armés de la Libye après avoir servi Kadhafi, se sont associés aux forces des groupes islamistes. Ils réussirent à prendre le contrôle du Nord du pays en déclarant l’Azawad Etat indépendant.

Les forces islamistes ont toutefois finalement chassé les Touaregs des villes de Tombouctou, Gao et Kidal. Ils ont instauré la loi de la charia et détruit un nombre de mausolées de saints musulmans.

Le 6 avril, sous forte pression de la Cédéao, l’ancien ministre du Travail Diouncounda Traoré, qui a été formé en France, a été nommé président par intérim par les militaires. Le 21 mai, des manifestants ont envahi le palais présidentiel et ont gravement blessé Traoré. Après deux mois passés à Paris pour des soins médicaux, il est rentré en juin à Bamako et a formé un gouvernement d’unité nationale avec le soutien des syndicats.

Ce gouvernement ne contrôle toutefois que Bamako et le Sud du Mali. Le Nord-Mali, qui couvre une région de la superficie du Texas, est contrôlé par trois différents groupes radicaux islamiques : l’Ansar Dine (Défenseur de l’islam), le « Mouvement pour l’unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest » (Mujao) et al-Qaïda au Maghreb islamique (AQIM). L’AQIM se finance au moyen de prise d’otages occidentaux et est soupçonné de recevoir un appui financier du Koweït.

Les dirigeants de l’armée malienne semblent aussi avoir perdu le contrôle de leurs forces armées. L’assassinat par balle par des soldats insurgés de seize prédicateurs islamistes à 15 kilomètres de Diaboli, en défiant l’ordre donné, indique que les structures de commandement sont en train de se désagréger.

Le gouvernement malien s’était déjà adressé début septembre à la Cédéao pour obtenir de l’aide militaire en demandant « cinq bataillons postés le long de la ligne de front pour sécuriser et reconquérir les villes ». L’armée malienne – craignant toutefois que des troupes extérieures ne puissent affaiblir leur position au Mali – a rejeté toute implication venant de l’extérieur jusqu’à la date des pourparlers le 30 septembre.

L’attitude des syndicats sur ces questions a clairement été montrée lors d’une réunion du 19 septembre lorsque le syndicat l’Union nationale des Travailleurs du Mali (UNTM), le Syndicat autonome de la Magistrature (SAM) et le Syndicat autonome des administrateurs civils (SYNAC) se sont rencontrés à Bamako.

Le secrétaire général de l’UNTM, Siaka Diakité, a déclaré avec l’appui de ses collègues que « les syndicats ne cherchent pas à jouer un rôle politique particulier dans ce contexte chaotique ». Il a poursuivi en expliquant qu’il était nécessaire « de sauvegarder la démocratie et de renforcer notre République dont la laïcité et l’intégrité territoriale sont aujourd’hui menacées ».

Dans des conditions où le gouvernement central de Bamako ne contrôle pas une grande part du Mali, ni n’est en mesure de le faire, de tels commentaires correspondent à une approbation à peine voilée en faveur d’une intervention impérialiste qui sera présentée à la population comme étant une opération organisée par les puissances régionales en vue de réunifier le Mali. Toutefois, l’équipement clé, le soutien en matière de renseignement et l’appui logistique seront fournis par les puissances impérialistes. Le gouvernement ivoirien, mis en place par une intervention de la France et de l’ONU l’année dernière pour évincer le président Laurent Gbagbo, est étroitement lié aux puissances impérialistes occidentales.

Actuellement au Mali, le revenu par habitant est de moins d’un dollar par jour et l’espérance de vie est de 48 ans. Le pays connaît un taux d’analphabétisme de 81 pour cent et un tiers de la population n’a pas accès à l’eau potable.

La pauvreté de l’écrasante majorité de la population est en contradiction flagrante avec ses richesses en ressources naturelles, dont l’or et le coton. D’autres ressources comprennent le phosphate, la chaux, le sel gemme, le minerai de fer, le manganèse, la bauxite, l’uranium et des gisements pétroliers non identifiés.

Les ressources de la région jouent un rôle majeur dans l’économie mondiale – y compris la dépendance de l’industrie nucléaire de la France pour l’uranium d’Afrique occidentale. La région est devenue le centre d’une mêlée entre les Etats-Unis, la France et d’autres Etats européens, ainsi que la Chine pour gagner une influence économique et géopolitique. Ce sont ces intérêts qui se trouvent derrière les projets de planification d’une nouvelle intervention en Afrique occidentale de la part des Etats-Unis et de la France.

(Article original paru le 25 septembre 2012)

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