La France accentue la pression pour une intervention militaire au Mali

La France et les Etats-Unis exhortent le Conseil de sécurité de l’ONU d’approuver une intervention militaire composée de troupes d’Afrique occidentale au Nord Mali afin de mener une « guerre contre le terrorisme » contre les forces islamistes qui occupent la région depuis mars.

Mercredi dernier, 26 septembre, lors de l’Assemblée générale de l’ONU, le président français François Hollande a demandé l’approbation d’une intervention militaire le plus rapidement possible. Il a dit, « Il faut que le Mali retrouve l’intégrité de son territoire et que le terrorisme soit écarté de cette zone du Sahel. »

Hollande a exhorté d’autres Etats à approuver une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU pour que le Mali « retrouve l’intégrité de son territoire, » en ajoutant que la situation dans le Nord du pays était « insupportable, inadmissible, inacceptable. »

La secrétaire d’Etat américaine, Hillary Clinton, s’est associée à l’appel de Hollande : « Les forces de sécurité du Mali ont besoin d’aide, et les interventions menées par des Africains en Somalie et en Côte d’Ivoire ont été fructueuses… Nous savons tous très bien ce qui se passe au Mali et le danger incroyable que posent des extrémistes violents qui imposent leur idéologie brutale en commettant des violations des droits de l’homme et qui détruisent un patrimoine culturel irremplaçable. »

Après avoir lancé l’année dernière une guerre contre la Libye sous le prétexte de protéger les « droits humains », la France est intervenue dans la guerre civile en Côte d’Ivoire avec le soutien de l’ONU pour renverser le président sortant Laurent Gbagbo et installer au pouvoir Alassane Ouattara qui est appuyé par l’Occident.

L'année dernière, la guerre de l’OTAN en Libye a préparé le terrain pour que les puissances occidentales renforcent leur influence militaire en Afrique en cherchant à contrôler de vastes ressources comme le pétrole et le gaz et à saper l’influence grandissante des puissances rivales, notamment la Chine. La France tente d’exploiter ses ressources militaires en Afrique occidentale et en Afrique du Nord-Ouest où de nombreux pays sont d’anciennes colonies françaises.

Avant la réunion à l’ONU, le gouvernement transitoire du Mali et la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) étaient parvenus à un accord sur le déploiement de 3.000 troupes qui bénéficient d’un soutien aérien dans le Nord. Ils attendent de recevoir l’approbation de l’ONU avant d’envoyer les troupes.

Le Mali subit une guerre civile depuis le début de l’année après que des forces touaregs qui auraient combattu pour Kadhafi en Libye sont revenues au Mali en prenant le contrôle du Nord Mali, une région d’où sont originaires la plupart des Touaregs du Mali. Ces forces sont organisées au sein du Mouvement national pour la Libération de l’Azawas (MNLA). Elles se sont associées à des groupes islamistes pour prendre le contrôle de la région.

La victoire des rebelles au Nord avait occasionné un coup militaire à Bamako, évinçant le président de longue date, Amadou Toumani Touré. Par la suite, le Nord Mali est passé en grande partie sous le contrôle de groupes islamistes, notamment d’Ansar Dine (Défenseur de l’islam) et du Mouvement pour l’unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO) qui sont tous deux liés à al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI).

En appuyant un déploiement de troupes de la Cédéao, les puissances impérialistes tentent de faire en sorte que les pays de la région ayant des gouvernements pro-occidentaux fournissent de la chair à canon pour une intervention qu’elles contrôleront politiquement et logistiquement. Les gouvernements du Niger, du Burkina Faso et du Tchad, alignés sur l’Occident, envisageraient d’envoyer des troupes, et le Sénégal est en train d’examiner s’il expédiera ou non des forces.

La France et les Etats-Unis ont déployé des forces spéciales au Sahel qui sont en train de former les forces militaires africaines. Selon des articles parus dans la presse française, Washington dispose de 400 militaires des forces spéciales et la France 200, tandis que l’Algérie et la Mauritanie en fournissent 300 et 100 chacun. La France déploiera sous peu davantage de commandos de la marine nationale et son aide comprend aussi des avions de patrouille qui recueillent du renseignement ainsi qu’un système de surveillance basé au Niger.

Philippe Hugon, un spécialiste de l’Afrique à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) a dit : « La France a toujours été présente dans le pays via ses services secrets. Elle mobilise aujourd’hui son savoir-faire pour former et soutenir les forces de la Cédéao, impuissantes à mener ce genre de combat seules. »

Le quotidien algérien El-Khabar a rapporté que les forces spéciales françaises formaient des soldats africains en Libye. Il a cité Liess Boukra, l’ancien directeur du Centre africain d’études et de recherche sur le terrorisme (CAERT) : « Ce n’est pas une information qui m’étonne. Les Français ont des intérêts dans la région, en Libye comme au Niger. Mais une intervention demande de la prudence et du doigté en raison de l’enchevêtrement d’acteurs aux alliances incertaines et de l’influence de puissances étrangères qui ont leur propre agenda. »

Les Etats-Unis ont aussi élargi leur commandement militaire des forces d’opérations spéciales et les capacités de frappe de la CIA en Afrique. Le Nouvel Observateur écrit, « la CIA a installé son quartier général en Algérie pour la région Maghreb-Sahel. Quant aux forces spéciales, elles se sont établies au Mali et au Burkina Faso. »

Des comptes rendus concernant l’installation d’une base de la CIA en Algérie soulignent le rôle que joue le pays dans l’intervention impérialiste qui ne cesse de s’intensifier en Afrique. Le gouvernement du président Abdelaziz Bouteflika du parti FLN (Front de libération national), en Algérie qui partage une frontière avec le Nord Mali, cherche à minimiser son rôle dans l’intervention militaire au Mali. Il se positionne en adversaire à une intervention étrangère en émettant des appels cyniques à l’unité nationale.

En mai, Bouteflika avait déclaré, « Les jeunes sauront se dresser contre les ennemis du pays et faire face aux instigateurs de la fitna [sédition] et de la division ou aux velléités d’ingérence étrangère. »

Abdelaziz Rabahi, ancien ministre a prévenu : « c’est l’Algérie qui supporte toute la charge de l’instabilité dans la région. C’est elle qui paiera les conséquences d’une intervention – la présence durable de la Cédéao dans la région, flux migratoire et déplacement des groupes islamistes vers le Nord. »

Tout en faisant des déclarations publiques manifestement hostiles à une intervention extérieure lors du 50ème anniversaire de son indépendance de la France, le gouvernement FLN soutient tacitement cette intervention. En faisant remarquer la longue frontière que l’Algérie partage avec son voisin du Sud, le Mali, le site Internet Middle East Online a commenté : « Les troubles qui ont mené au meurtre d’un diplomate algérien ce mois-ci par une filiale d’AQMI, pourrait inciter le gouvernement à revoir sa politique étrangère post-coloniale. »

Depuis le déclenchement de la crise au Mali, l’Algérie joue un rôle caché dans la conduite de la guerre. Elle a amassé plus de 25.000 troupes le long des frontières maliennes et libyennes.

Au début de l’année, les troupes algériennes étaient passées au Mali, apparemment pour aider les forces du gouvernement malien à combattre des groupes islamistes. L’AFP a cité un responsable militaire de haut rang disant que les troupes algériennes sont actuellement stationnées au Nord Mali pour aider l’armée malienne à combattre le terrorisme.

(Article original paru le 2 octobre 2012)

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