Perspectives

Après les débats présidentiels américains : les questions politiques auxquelles la classe ouvrière est confrontée

Il reste moins de deux semaines jusqu’aux élections aux Etats-Unis. Les campagnes électorales des deux candidats ont révélé au grand jour le caractère frauduleux et antidémocratique de l’ensemble du processus électoral. La population américaine se trouve placée devant un « choix » entre deux candidats qui finalement n’ont aucune différence politique significative.

C’est ce qui a pu se voir lundi soir, 22 octobre, lors du dernier débat entre le président Barack Obama et son adversaire républicain, Mitt Romney. Donnant l’impression d’être des parrains de la mafia, les deux candidats ont déclaré leur engagement constant à défendre les intérêts de l’impérialisme américain à l’étranger. Ils semblaient par moment éprouver un vif plaisir à la perspective d'appuyer sur la gâchette pour « éliminer » dans le monde entier les détracteurs de la classe dirigeante américaine.

Romney a dit que sa « stratégie » était « de pourchasser les méchants… pour les tuer et pour les rayer de la carte. » Obama a proclamé le fait que son gouvernement avait « mené à bien la mission » en Libye en traquant et en tuant Mouammar Kadhafi. Les jours du président syrien Bachar al-Assad sont comptés, a-t-il déclaré.

Obama s’est vanté que « l’économie [de l’Iran] est en ruines, » tandis que Romney s’est félicité de l’impact dévastateur des « sanctions paralysantes. » Tous deux ont promis d’engager des mesures encore plus dures tout en menaçant, comme pour l’Irak, de faire suivre de bombes et de missiles les mesures économiques qui ont entraîné la souffrance de millions de personnes. « Le compte à rebours a commencé, » a prévenu le président.

Romney a dit « soutenir entièrement » le programme d’assassinat par drone du gouvernement Obama en disant que « le président a le droit de recourir à cette technologie… pour traquer des gens qui représentent une menace pour la nation et pour nos amis. »

Il a souligné le soutien fourni par les deux partis à Obama pour être allé plus loin encore que son prédécesseur, George W. Bush, dans l’élimination de ceux qui tiennent tête aux occupations et guerres néocoloniales menées par les Etats-Unis au Moyen-Orient et en Asie centrale. Obama a déclaré que le président a le droit d’assassiner quiconque, y compris des citoyens américains sans même prendre comme prétexte un contrôle juridictionnel. Il a fait savoir qu’il sélectionnait personnellement chaque semaine les cibles humaines des frappes par drones.

Le fait que de telles déclarations sont placées au coeur du débat final avant les élections présidentielles témoigne du déclin des sensibilités démocratiques existant au sein de l’appareil d’Etat et médiatique aux Etats-Unis.

Ce qui est vrai pour la politique étrangère l’est également pour la politique intérieure. Les élections sont une course entre deux représentants de l’élite patronale et financière triés sur le volet.

D’un côté, il y a Romney, un individu qui de par son histoire personnelle incarne le parasitisme de l’aristocratie financière qui est responsable de la pire crise économique mondiale depuis la Grande Dépression. De l’autre, il y a Obama, qui a consacré son mandat de quatre ans à renflouer les banques, à faire augmenter les profits des grandes entreprises et à diriger des attaques contre les emplois et les conditions de vie de la classe ouvrière.

Les projets véritables de ces candidats pour la période d’après les élections – y compris l’escalade de la guerre à l’étranger et des attaques contre la classe ouvrière sur le plan national – sont dissimulés à la population américaine. Une mise en garde sévère doit être lancée : quel que soit le vainqueur, la classe dirigeante planifie d’étendre largement sa politique militariste et socialement réactionnaire.

Après les élections, la classe dirigeante intensifiera sa campagne contre la Syrie et l’Iran en préparant une guerre qui dégénérera rapidement en un conflit avec la Russie ou la Chine. Les programmes sociaux de base – comme Medicaid, Medicare et de la Sécurité sociale – seront anéantis.

Ce qui reste des droits démocratiques sera réduit à néant lorsque l’Etat recourra à la force pour riposter contre l’émergence de luttes sociales de masse aux Etats-Unis. Combien de temps faudra-t-il attendre avant que la pratique des assassinats d’Etat s’applique non seulement aux adversaires de la classe dirigeante américaine outre-mer mais aussi à l’intérieur du pays ?

L’élite dirigeante a un certain choix à faire dans la manipulation du résultat des élections. Il y a des considérations d’ordre tactique. Les candidats utilisent des rhétoriques différentes et s’appuient sur forces politiques différentes.

Le Parti démocrate en particulier en appelle aux services d’une couche sociale complaisante « libérale » et de « gauche » de la classe moyenne qui est dominée par ses préoccupations égoïstes et foncièrement hostiles à la classe ouvrière. Son rôle est de fournir un vernis « progressiste » à la politique réactionnaire du gouvernement Obama et une couverture « démocratique » au système capitaliste bipartite – une tâche qui devient de jour en jour plus difficile.

Si le débat sur la politique étrangère a contribué à mettre en lumière l’unanimité essentielle des deux candidats du patronat, il a aussi montré qu’il n’y a pas grand-chose qui sépare Romney et Obama du programme de Nation, de l’International Socialist Organization et d’une brochette de tendances politiques libérales et pseudo-gauches qui gravitent autour du Parti démocrate.

Dans sa couverture du débat de lundi, l’hebdomadaire Nation, qui fait campagne pour la réélection d’Obama, a remarqué qu’il existait très peu de choses séparant son candidat de Romney. « Obama semblait heureux de dire aux électeurs que lui et Romney étaient d’accord, » s’inquiète Robert Dreyfuss, le rédacteur en chef sur les affaires internationales de l’hebdomadaire. « Cela ne l’aidera pas forcément. »

John Nichols, le chroniqueur politique de Nation a été moins réservé. « Maintes et maintes fois, Romney a été d’accord avec l’approche d’Obama sur les questions internationales, » a jubilé Nichols.

Nichols et compagnie ne comprennent pas que l’unanimité qui a été affichée lundi est une révélation dévastatrice de leur propre rôle politique. Leur « candidat du changement » qui est censé marquer le début d’une nouvelle période progressiste de la politique américaine a en fait appliqué une politique totalement conforme à celle de son prédécesseur – et de son éventuel successeur.

Ces élections représentent le point d’orgue d’un processus historique prolongé de décrépitude du capitalisme américain. Avec l’énorme accroissement des inégalités sociales et la montée de la corruption de l’aristocratie financière, l’appareil politique s’est de plus en plus éloigné des couches plus vastes de la population.

Les mensonges sont plus évidents et plus impudents, le discours plus fatigué et creux. Chaque élément du processus électoral – la domination de l’argent des grandes entreprises, les débats mis en scène, la manipulation des médias – témoigne du caractère décrépit de l’ensemble du système politique.

Combien de temps ceci peut-il durer ? Le caractère abject de la politique américaine atteste de son extrême fragilité – et de la fragilité du système capitaliste sur lequel elle repose. Ce qu’on fait passer pour la « démocratie » américaine repose sur une bombe à retardement sociale et politique.

A l’arrière-plan des élections américaines, il y a une crise économique mondiale qui a déjà produit des luttes de classes explosives – de l’Afrique du Sud à l’Europe et aux Etats-Unis même. Mais, la grande masse de la population américaine n’a aucun moyen d’exprimer ses intérêts dans le cadre du système politique existant.

La tâche importante et urgente est de construire une nouvelle direction politique qui confère une expression consciente au développement objectif de la lutte des classes. La classe ouvrière a besoin de son propre parti politique, un parti qui part de la compréhension que le système capitaliste a échoué.

On ne peut garantir les droits de la classe ouvrière que par sa mobilisation indépendante dans une lutte pour le pouvoir politique et la réorganisation socialiste de la vie économique. Telle est la perspective du Socialist Equality Party (Parti de l’Egalité socialiste) et sur laquelle est fondée notre campagne électorale.

Les travailleurs et les jeunes sont actuellement confrontés à une décision importante, mais qui n’est pas le choix vide de sens entre Obama et Romney. C’est la décision d’engager une lutte active pour le socialisme. Il ne suffit pas de se plaindre des choix politiques tels qu'ils sont présentés par la classe dirigeante et son système politique. Il est indispensable de se joindre à la construction de l'alternative – le Socialist Equality Party.

(Article original paru le 24 octobre 2012)

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