Perspectives

Une nouvelle étape dans les assauts contre la classe ouvrière européenne

Les coupes sociales qui débutèrent en Grèce, au Portugal et en Irlande se sont poursuivies en Espagne et en Italie, et sont actuellement à l’ordre du jour en France. Le gouvernement dirigé par le président François Hollande devrait annoncer ce mois-ci le budget pour 2013. La presse économique internationale regorge d’articles qui préconisent des coupes massives.

L’économie française est en crise. La croissance stagne quasiment et le nombre de personnes à la recherche d’un emploi a dépassé la marque des 3 millions au mois d’août. Les grandes entreprises telles Peugeot Citroën ont annoncé des milliers de licenciements. Les économistes estiment que le gouvernement devra économiser entre 33 et 44 milliards d’euros pour atteindre l’objectif de limitation du déficit public à 3 pour cent auquel Hollande s’est engagé.

Le journal Financial Times réclame que Hollande « cesse d’afficher le portrait de M. Normal et assume à être M. Impopulaire. »

Le quotidien Süddeutsche Zeitung demande au président socialiste (Parti Socialiste, PS) de « faire subir au pays un genre de traitement de choc comme les sociaux-démocrates de Gerhard Schröder l’avait administré une première fois à Allemagne. » Dans le but de renforcer la compétitivité de l’économie française, Hollande doit « considérablement réduire les coûts salariaux, flexibilise le temps et le marché du travail en éliminant les règles stricte, et réduise les prestations sociales. »

La signification de tels appels est sans équivoque. Si Hollande ne les suit pas, les banques réservent à la France le même sort qu’en Espagne et en Italie : les spéculateurs financiers se jetteront sur ce pays et feront augmenter les taux d’intérêt de ses obligations jusqu’au moment où le gouvernement capitulera devant leurs dictats.

En fait, de telles pressions extérieures ne sont pas nécessaires. Hollande a déjà fait entendre clairement que son gouvernement est volontiers prêt à faire appliquer à son marché les dictats des marchés financiers.

Lors de son premier discours public prononcé après la rentrée des vacances, Hollande avait déclaré que la population française devait se préparer à « une crise d’une gravité exceptionnelle, une crise longue. » A la foire de Châlons-en-Champagne, il a déclaré que « la bataille de la croissance, de l’emploi, de la compétitivité » et s’inscrivait dans la durée de son mandat « non pas sur trois mois, pas davantage sur douze mois mais sur cinq ans. »

Dans le langage politique official, « croissance, emploi et compétitivité » sont des synonymes pour une réduction de salaire, des prestations sociales et des droits du travail. Hollande promet en fait cinq années de déclin social.

Son premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a même été plus direct. Depuis des semaines il préconise une augmentation de la compétitivité de la part des entreprises françaises et a chargé Louis Gallois, l’ancien patron du groupe aéronautique européen EADS, d’élaborer des propositions spécifiques.

Gallois réclame un « choc de compétitivité » pour l’économie française et considère que le principal problème sont des coûts salariaux trop élevés et qui avoisinent actuellement 34 euros l’heure – bien supérieurs aux taux allemands (30 euros), espagnols et italiens (20 euros).

Au niveau européen, Hollande est en train de suivre le parcours de son prédécesseur, Nicolas Sarkozy, en joignant ses forces à celles de la chancelière allemande Angela Merkel pour imposer une politique d’austérité intransigeante partout en Europe. Durant la campagne électorale au début de l’année, il s’était présenté comme une alternative à Merkel en promettant de renégocier le nouveau pacte fiscal européen.

Hollande a carrément laissé tomber ses promesses de campagne. Il projette d’accepter le pacte fiscal sans changement et sans référendum populaire en dépit du fait qu’une acceptation des conditions strictes du pacte l’obligera à procéder à de massives coupes sociales. Lorsque le premier ministre grec, Antonis Samaras, avait demandé, lors de sa visite à Paris, un assouplissement des mesures d’austérité fixées pour son pays, tous deux Hollande et Merkel sont restés implacables, disant qu’il n’y avait pas d’alternative aux coupes punitives.

La semaine passée, le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, et son homologue français, Pierre Moscovici, sont convenus de la formation d’un groupe de travail conjoint de haut niveau pour coordonner la politique budgétaire et économique des deux pays et aussi pour traiter de la Grèce et de l’Espagne. Schäuble et Moscovici ont même accepté de se rencontrer tous les quinze jours pour des consultations personnelles. Comme c’était le cas durant la présidence de Sarkozy, le tandem franco-allemand a entrepris la tâche de faire respecter les dictats des marchés financiers partout en Europe.

Hollande est aussi en train de poursuivre sans discontinuation la politique de son prédécesseur en ce qui concerne la politique intérieure. Afin de détourner l’attention des conflits de classe croissants, il est en train de fomenter des campagnes racistes contre les Roms et de déployer la police contre des adolescents qui se rebellent. Son insistance en faveur d’une intervention militaire en Syrie fait également partie de cette stratégie. Il ne poursuit pas seulement les intérêts impérialistes français au Moyen-Orient mais il recourt aussi au militarisme pour à la fois détourner l’attention et se préparer pour une résistance intérieure grandissante.

Partout en Europe, les travailleurs doivent tirer les enseignements politiques qui s’imposent des événements survenus en France. La France est confrontée à la même contrerévolution sociale que celle qui a envahi la Grèce et l’Espagne. En Allemagne aussi, où un vaste secteur à bas salaire s’est développé au cours de ces dernières décennies, les sections de la classe ouvrière disposant encore d’emplois corrects et de contrats de travail se retrouvent de plus en plus dans la ligne de mire. C’est la signification de l’actuel conflit chez Lufthansa où le personnel de cabine est confronté au transfert de leurs fonctions à des sous-traitants des compagnies aériennes à bas prix (« low cost ») ou au remplacement par des travailleurs intérimaires.

Les marchés financiers ne seront pas satisfaits tant qu’en Europe les prestations sociales et les salaires n’auront pas atteint des niveaux internationaux – c’est-à-dire qu’ils n’auront pas été réduits au niveau en vigueur en Chine et dans des pays identiques. A cet égard, les partis sociaux-démocrates sont en train de faire la queue pour offrir leurs services et ils sont quasi identiques à leurs adversaires conservateurs et libéraux. La même chose vaut pour les syndicats qui collaborent étroitement avec les grands groupes et leurs gouvernements respectifs.

Les événements survenus en France ont aussi totalement démasqué les organisations pseudo-gauches qui prétendent qu’il est possible de raviver l’Union européenne sur la base de mots d’ordre réformistes datant de la période d’après-guerre. Ces organisations ne sont rien d’autre qu’une couverture pour les sociaux-démocrates et les syndicats. Une fois au gouvernement, elles sont tout à fait disposées à appliquer elles-mêmes l’austérité.

C’est ainsi que cette année durant la campagne électorale, Alexis Tsipras, le canditat de la Coalition de la Gauche radicale (SYRIZA) avait fait l’éloge du président français Hollande comme d’un allié et la preuve vivante qu’il était possible de réformer le capitalisme européen. A présent, il est clair que ceci était un mensonge délibéré et une duperie.

Le capitalisme européen et international ne peut pas être réformé. Les dictats des marchés financiers ne peuvent être rejetés que par une révolution sociale. Ceci requiert la mobilisation de la classe ouvrière européenne sur la base d’un programme socialiste.

Les gouvernements bourgeois doivent être remplacés par des gouvernements ouvriers qui sont engagés à exproprier les banques, les fonds spéculatifs et les grands groupes, à confisquer les grosses fortunes et à organiser la vie économique en fonction des besoins sociaux et non des intérêts de profit des marchés financiers. L’Union européenne, l’instrument des banques et des entreprises, doit être remplacée par les Etats socialistes unis d’Europe.

(Article original paru le 3 septembre 2012)

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