En France, le gouvernement du Parti socialiste interdit les manifestations contre des caricatures anti-Mohammed

Après la publication dans l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo de caricatures dénigrant le prophète Mohammed, le gouvernement du Parti socialiste en France a donné l’ordre aux préfets de police d’interdire toute manifestation contre les caricatures et de disperser toute manifestation qui aurait lieu au mépris d’une interdiction.

La publication des caricatures a eu lieu après que la diffusion d’un film anti-islam, L’Innoncence des Musulmans, ait déjà provoqué des manifestations de masse contre l’impérialisme américain partout dans le monde musulman.

Le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, a dit: « J'ai donné des instructions très fermes aux préfets pour interdire tout rassemblement de ce type. Il n'y aura pas la moindre dérogation. Ces manifestations doivent être interdites et dispersées ».

Appuyant l’interdiction de la burqa mise en place en France avec le soutien du PS sous le précédent gouvernement conservateur ainsi que l’agitation du Front National (FN) néofasciste contre les prières musulmanes dans la rue, Valls a poursuivi en disant : « Je ne permettrai pas, à l’occasion de ces manifestations, de prières dans la rue, ni le port du voile intégral (...). Le pays a besoin de rassemblement et apaisement autour de la laïcité. »

Bien que cyniquement formulée dans le langage de la laïcité et des droits démocratiques, la déclaration de Valls foule aux pieds le droit démocratique de protester contre le contenu de Charlie Hebdo et la politique de l’impérialisme français et américain. Le gouvernement calomnie effectivement toute l’opposition à cette politique comme ayant des motivations relevant de la petite délinquance afin de justifier une répression à grande échelle. Ceci révèle au grand jour l’érosion profonde des institutions démocratiques et le glissement de plus en plus rapide de la France vers un Etat-policier.

Dans une interview accordée au quotidien Le Parisien après l’interdiction des manifestations, Valls a dit : « J'ai confiance dans la société française et tout autant dans les forces de l’ordre pour faire face à des individus très déterminés, qui défient la République, qui viennent là pour provoquer et entraîner des jeunes dans la délinquance… Ce gouvernement saura faire preuve d’une très grande fermeté. Personne ne doit en douter. »

Dans sa détermination à écraser les manifestations, le PS est en train de mobiliser l’infrastructure d’un Etat-policier édifiée tout au long de la dernière décennie. Tout en déployant la police, il surveille les sites des réseaux sociaux sur Internet et les réseaux téléphoniques y compris les messages de texte dans les principales villes, dont Paris, Marseille, Lyon, Toulouse et Rouen.

La police se prépare aussi à des déploiements de grande envergure dans ces régions contre les manifestations. Le ministre de l’Intérieur a déclaré que « Les sections ou unités de renfort départementales sont mobilisées, afin d’être, le cas échéant, prêtes à intervenir. »

Au cours de ces derniers jours, des forces de police ont été déployées dans les grandes villes dont plus de 800 CRS à Paris. La circulation a été bloquée devant l’ambassade américaine. Le préfet de Paris, Bernard Boucault, a interdit des manifestations prévues samedi sur l’esplanade du Trocadéro près de la Tour Eiffel et à la Grande Mosquée.

Une manifestation a été annulée à Lyon et une protestation à été interdite à Lille samedi. Selon le ministère de l’Intérieur, 35 personnes ont été arrêtées, dont des femmes portant la burqa.

Un jeune cheminot de 24 ans, accusé d’avoir protesté le 15 septembre devant l’ambassade américaine contre le film anti-islam et aussi de port d’arme illégal a été condamné à trois mois de prison.

Le PS est non seulement en train de cibler la population musulmane et immigrée, mais la classe ouvrière en général. L’appareil d’Etat policier qu’il est en train de développer pour écraser le sentiment anti-impérialiste au sein des couches immigrées de la classe ouvrière visera l’ensemble de la classe ouvrière lorsque celle-ci s’en prendra à la politique d’austérité sociale et de guerre impérialiste droitière du PS.

Dans les cinq mois qui se sont écoulés depuis son élection en mai, le président PS, François Hollande, a connu une chute de popularité dans les sondages, sa cote ayant chuté de 11 pour cent en un mois. Quelque 56 pour cent de la population désapprouve sa politique et son soutien a aussi rapidement baissé parmi les électeurs ayant voté pour le PS et ses alliés les Verts et le Parti communiste français stalinien (PCF).

Les mesures répressives du PS entrent en vigueur alors qu’il planifie des mesures d’austérité, des réformes du marché du travail pro-patronales et des licenciements de masse qui suscitent un profond mécontentement au sein de la classe ouvrière. Il est aussi en train de se ranger derrière Washington dans une guerre par procuration contre le président syrien Bachar al-Assad.

Le PS est impliqué de par son soutien accordé à des mesures anti-démocratiques – y compris l’interdiction en 2004 du port du foulard à l’école et de la burqa – votées ces dernières années par les gouvernements conservateurs. Maintenant qu’il est au pouvoir, il continue d’appliquer ces mesures anti-démocratiques contre la classe ouvrière. Ceci a encouragé davantage le Front National néofasciste (FN) et d’autres éléments à appuyer des propositions droitières en faisant davantage virer l’atmosphère politique vers la droite.

La dirigeante du FN, Marine Le Pen, vient de défendre une interdiction du voile islamique et de la kippa juive dans les rues. Elle a déclaré sur TF1 : « Aujourd’hui, je vois que le voile s’est multiplié de manière exponentielle dans notre pays ainsi d'ailleurs que le port de la djellaba, je considère que cela est une pression quasiment physique dans certains quartiers qui est imposée. Je demande à ce que la loi de 2004 qui interdit le port des signes ostentatoires à l’école soit étendue à l’espace public dans sa généralité. »

A la question de savoir si les « signes ostentatoires » incluaient la kippa, Le Pen a confirmé qu’à son avis, c’était le cas.

Les appels de Le Pen à cibler tant le judaïsme que l’islam souligne une fois de plus les implications réactionnaires du fait que le gouvernement français prenne pour cible les minorités religieuses sous couvert de promouvoir la « laïcité ». Il a permis au FN de présenter une proposition antisémite qui jusqu’à récemment aurait été dénoncé en tant que provocation fasciste comme faisant partie de l’ordinaire politique français.

Le fait que la publication par Charlie Hebdo des caricatures anti-Mohamed ait entraîné ce déploiement de répression policière et de sentiments de caractère fasciste met en lumière le caractère réactionnaire de la décision de ce journal de publier de telles caricatures.

Ces dernières années, Charlie Hebdo, a à plusieurs reprises publié des messages anti-islamiques provocateurs. En février 2006, peu après la répression de masse contre les émeutes dans les banlieues françaises fin 2005, il avait rediffusé les caricatures représentant le prophète Mahomet du journal danois de droite Jyllands-Posten. Le 1er mars 2006, il avait publié un manifeste reprenant les dénonciations américaines de droite de l’« islamo-fascisme » attaquant l’Islam en tant que « menace totalitariste mondiale, » comparable au « fascisme, au nazisme et au stalinisme. »

En 2006, après la publication par Charlie Hebdo des caricatures anti-islam qui avaient fait sensation dans les médias et occasionné des ventes massives, les rédacteurs en chefs se sont partagé 825.000 euros (1,07 million de dollars US) et ont été invité à un dîner de gala au ministère de la Culture. Le ministre conservateur de la Culture, Henri Paul, les avait salué comme des « acteurs de la liberté. »

Le personnel de la rédaction du magazine qui entretient des liens étroits avec le PS et le PCF s’attendait évidemment à réaliser des gains financiers substantiels en publiant sa dernière série de caricatures. Les stocks du tirage initial de 75.000 copies de la dernière édition se seraient rapidement épuisés du fait d’une intense couverture des caricatures par la presse.

Charlie Hebdo a donc une fois de plus servi d’instrument pour instiguer un sentiment anti-islam en contribuant à fournir une couverture pseudo-démocratique au gouvernement – qui prétend défendre la liberté de la presse contre l’indignation des Musulmans à l’encontre des caricatures – au moment où il attaque les droits démocratiques.

(Article original paru le 24 septembre 2012)

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