Les manifestations anti américaines se propagent à tous les pays du monde musulman

Les protestations qui ont commencé il y a une semaine devant les ambassades américaines d’Egypte et de Libye contre une vidéo anti-islam sur YouTube sont en train de se propager rapidement à l’ensemble du monde musulman. La vague de manifestations reflète la colère noire de centaines de millions de personnes contre la politique prédatrice de l’impérialisme américain. Au cours du week-end, les protestations se sont propagées à une vingtaine de pays du Moyen-Orient, d'Afrique et d'Asie.

Dans l’Afghanistan occupé par les Etats-Unis, les responsables de la police ont rapporté que plusieurs milliers ont défilé dans la capitale, Kaboul. Ils ont incendié des véhicules officiels, jeté des pierres contre une base militaire américaine toute proche, Camp Phoenix, et brûlé des conteneurs se trouvant devant la base.

Dans le Pakistan voisin, deux manifestants ont été tués lors d’affrontements avec la police alors que des milliers de personnes défilaient dans les villes de Karachi, Peshawar et Chaman. Plusieurs centaines de personnes ont battu le pavé à Lahore et dans le district de Lower Dir de la province de Khyder Pakhtunkhwa, près de la frontière afghane. L’ambassade américaine à Islamabad a interrompu ses activités pour la journée.

A Karachi, un manifestant a été tué d’une balle dans la tête lorsque la police a affronté les manifestants pour les empêcher de se diriger vers le consulat américain. La police a arrêté plusieurs dizaines de manifestants après que des affrontements eurent éclaté lorsque la police a tiré des grenades de gaz lacrymogène dans la foule.

Des manifestants du district de Lower Dir ont incendié un club de presse et un bâtiment gouvernemental et ont encerclé un poste de police local. Un manifestant a été tué et deux autres blessés par les tirs de la police.

Au Bangladesh, Khaleda Zia du parti d’opposition, le Parti nationaliste du Bangladesh (BNP) a demandé aux Etats-Unis d’interdire le film antimusulman, alors que les autorités tentaient d'empêcher l’escalade de protestations. Vendredi, quelque 10.000 manifestants ont défilé contre le film, y compris dans la capitale, Dhaka, en incendiant des drapeaux américains et israéliens et en brandissant des pancartes exigeant une excuse du président Barack Obama.

Dimanche, quelque 100.000 travailleurs du vêtement ont débrayé dans la zone industrielle de Narayanganj, à 20 kilomètres au Sud de Dhaka, en revendiquant des horaires de travail plus courts et des augmentations de salaires. Les travailleurs du vêtement au Bangladesh travaillent entre 10 et 16 heures par jour et gagnent 37 dollars par mois, comptant parmi les salaires les plus bas du monde. Au milieu de rumeurs selon lesquelles un travailleur a été tué dans l’une des usines, les travailleurs ont bloqué une autoroute reliant Dhaka à la ville portuaire de Chittagong et ont attaqué des postes de police.

En Inde, un manifestant a été arrêté lors d’une manifestation contre le film dans la ville de Srinagar dans la région du Cachemire à majorité musulmane où 15.000 Musulmans avaient protesté vendredi en brûlant des drapeaux américains et en qualifiant Obama de terroriste. L’ambassade américaine a réitéré ses appels à l’adresse des citoyens américains d’éviter de se rendre dans la région.

Les protestations se sont aussi propagées à l’Asie du Sud-Est. La police a affronté des centaines de manifestants qui ont brûlé des portraits d’Obama devant l’ambassade des Etats-Unis à Djakarta en Indonésie, pays musulman le plus peuplé du monde. Des affrontements ont également été signalés à Medan, à Bandung et à Solo.

Environ 3.000 manifestants ont brûlé des drapeaux américains et israéliens dans la ville de Marawi au Sud des Philippines. Dans le contexte de rumeurs selon lesquelles il se pourrait que des musulmans organisent des manifestations dans la capitale Bangkok, les Etats-Unis et le Japon ont fermé leurs ambassades en Thaïlande, un allié régional clé des Etats-Unis et où se situent les prisons secrètes de la CIA.

Au Moyen-Orient, des centaines de jeunes ont continué de protester dans la capitale du Yémen, à Sana’a en réclamant l’expulsion de l’ambassadeur américain. La semaine passée, les manifestants avaient attaqué l’ambassade américaine au Yémen où les Etats-Unis mènent une guerre par procuration contre le régime du président Abd Rabbo Mansour el-Hadi. Des drones américains ont tué des centaines de personnes au Yémen. Washington a interrompu ses activités consulaires au Yémen pour le reste du mois de septembre.

Au Liban, lors d’une manifestation appelée par l’organisation populiste chiite Hezbollah, des centaines de milliers de personnes ont défilé. Le dirigeant du Hezbollah, cheikh Hassan Nasrallah, a condamné la vidéo anti-islam en critiquant les Etats-Unis qui ont attisé les tensions dans la région comme partie intégrante de la guerre par procuration dirigée par les Sunnites contre le président syrien Bachar al-Assad, et qui ont semé la discorde entre chrétiens et musulmans.

Ceci a fait suite aux protestations anti-guerre de milliers de personnes dans la ville turque d’Antakya, près de la frontière avec la Syrie.

Les tentatives des médias américains de présenter ces protestations comme étant motivées par un sentiment religieux ou le « traditionalisme » du Moyen-Orient, sont réactionnaires et intéressées. Ces protestations reflètent une vaste opposition populaire à l’égard des guerres menées par Washington, sa violation des droits démocratiques fondamentaux dans la conduite de la « guerre contre le terrorisme » et son exploitation de la région en tant que source de main d’oeuvre bon marché.

Le débordement d’une colère populaire contre les Etats-Unis témoigne aussi d’une profonde désillusion à l’égard du président Obama qui avait promis au début de son mandat de poursuivre une nouvelle politique étrangère américaine moins répressive au Moyen-Orient. Durant les quatre ans qui se sont écoulés depuis son élection, toutefois, le caractère réactionnaire de la politique étrangère d’Obama s'est largement fait ressentir dans toute la région.

Son gouvernement a défendu l’invasion et l’occupation américaines de l'Irak qui a coûté la vie à plus d’un million d’Irakiens et qui fut lancée sur la base de mensonges. Obama a poursuivi la détention illimitée et la torture des détenus à Guantánamo Bay, et il a élargi le recours aux frappes de drones partout au Moyen-Orient, en Asie centrale et dans certaines parties d’Afrique, occasionnant des milliers de victimes.

La réaction de Washington aux protestations actuelles démasque l’hypocrisie qui sous-tend les guerres que les Etats-Unis mènent au nom de la démocratie et des droits humains en réponse aux luttes de classe révolutionnaires de la classe ouvrière de l’année dernière contre les dictatures soutenues par les Etats-Unis en Egypte et en Tunisie. Après avoir organisé des guerres en Libye et Syrie, soi-disant pour empêcher la répression des protestations populaires, Washington exige actuellement que ses alliés répriment les manifestations contre la politique américaine.

Ces guerres étaient elles-mêmes fondées en grande partie sur le soutien accordé par Washington aux milices islamiste sunnites réactionnaires et aux groupes terroristes liés à al Qaïda. Cette politique a maintenant l’effet inverse de celui recherché. Il semble que l’attaque contre le consulat américain à Benghazi qui a entraîné la mort de l’ambassadeur américain en Libye et de trois autres américains ait été perpétrée par le groupe islamiste Ansar al Chariah. Celui-ci, ainsi que des groupes armés similaires, sont en mesure d’opérer librement au milieu du chaos social provoqué par la guerre des Etats-Unis et le renversement du colonel Mouammar Kadhafi.

Au milieu des protestations populaires grandissantes et des attaques à l’encontre des intérêts américains de la part de forces droitières que les Etats-Unis ont promues au Moyen-Orient, il y a de plus en plus de discussions en cours au sein de l’élite dirigeante américaine quant à la façon de procéder dans la région. Certaines personnes au sein de l’establishment de la politique étrangère suggèrent que Washington pourrait envisager de trouver un accord avec le président Assad au motif qu’il serait un meilleur garant de l’ordre en Syrie que les forces de type al Qaïda que les Etats-Unis sont en train de soutenir à son encontre.

Ainsi, le New York Times a écrit lundi: « Les troubles n’ont fait qu’aiguiser un dilemme pénible… Les Etats-Unis et leurs alliés doivent-ils rester prudents à l’égard de l’éviction de M. Assad, l’un des derniers dictateurs séculaires de la région, dont le régime bien que répressif, a contenu les forces de l’Islam populiste ? »

Le Times a cité des spécialistes de politique étrangère qui plaident en faveur de la poursuite de la guerre par procuration des Etats-Unis en Syrie. Le journal cite toutefois aussi Brian Katulis du centre de réflexion Center for American Progress qui remarque que : « Ces incidents feront davantage réfléchir les gens parce que nos agences de renseignement nous ont déjà dit qu’au sein de l’opposition syrienne – les gens que nous sommes censés soutenir – certains sont affiliés à Al Quaïda.

Ce débat révèle au grand jour le cynisme absolu de la prétendue opposition de Washington aux régimes répressifs et le caractère criminel de la politique étrangère américaine dans son ensemble. Les droits humains, la démocratie, la protection des civils sont tous des prétextes à une politique néocoloniale destinée à sauvegarder l’hégémonie américaine au Moyen-Orient et à contrôler les ressources énergétiques de la région.

Qu’un régime répressif (l’Arabie saoudite, le Bahreïn, le Qatar, etc.) soit un allié dans la soi-disant lutte pour la démocratie et la paix ou qu'il soit un ennemi (Syrie, Iran) dépend entièrement de la perception de Washington à un moment précis de ses intérêts commerciaux et géostratégiques. Il existe une longue liste d’anciens alliés, dont Saddam Hussein et Mouammar Kadhafi, qui furent redéfinis comme tyrans pour devenir des cibles à détruire.

Washington considère les dictatures au Moyen-Orient comme des moyens parfaitement acceptables à utiliser contre l’opposition populaire à l’impérialisme américain. Washington est prêt à signer des alliances avec les forces les plus réactionnaires, y compris Al Qaïda, dans le but de réprimer la classe ouvrière.

(Article original paru le 18 septembre 2012)

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