GM-Opel: le dirigeant du parti allemand Die Linke en contact avec l’ambassadeur américain

Suite à l’annonce faite le 10 décembre par General Motors de fermer sa filiale dans la ville allemande de Bochum, le parti Die Linke a proposé ses services au comité d’entreprise, au syndicat IG Metall et aux gouvernements allemand et américain pour contribuer à étouffer toute opposition des travailleurs.

Une semaine avant l’annonce officielle de la fermeture, le président du groupe parlementaire de Die Linke, Gregor Gysi, avait publiquement rencontré le chef du comité d’entreprise à Bochum, Reiner Einenkel, pour manifester sa solidarité avec la politique des syndicats.

Après le démantèlement de l’usine, la députée du Bundestag de Die Linke, Sevim Dagdelen, avait lancé un appel à la clémence à l’adresse de la chancelière allemande Angela Merkel qui joue un rôle de premier plan dans l’imposition d’une austérité sans précédent partout en Europe.

« Madame la chancelière, faites d’Opel votre affaire propre, » avait supplié Dagdelen lors des débats parlementaires concernant le sort de l’usine allemande.

L’on apprend maintenant que Gysi a contacté le gouvernement Obama au sujet d’Opel par le biais de l’ambassade américaine à Berlin. C’est ce que Dagdelen a annoncé le 27 décembre dans une rubrique d’articles d’opinion de Die Linke dans le journal Neues Deutschland.

Dagdelen écrit que Gysi a « pris la bonne décision en cherchant à contacter l’ambassade américaine, parce que GM est à 25 pour cent la propriété de l’Etat américain. » Dagdelen a dit que Berlin ferait bien de « recourir à ses bonnes relations avec le gouvernement américain pour négocier le cas d’Opel. »

Cela en dit long sur le rôle de Die Linke. Le gouvernement Obama a « réorganisé » l’industrie automobile américaine en utilisant les mêmes moyens drastiques qui sont actuellement appliqués chez Opel, l’attaque des salaires et des normes sociales des travailleurs partout dans le monde. Le gouvernement américain a entièrement agi dans l’intérêt de l’élite financière et non pour le compte des travailleurs de l’automobile.

Le groupe de travail désigné par Obama et chargé de l’industrie automobile était principalement composé de dignitaires de Wall Street. Il était dirigé par Steven Rattner, un responsable des finances disposant d’une fortune personnelle avoisinant 450 millions d’euros (environ 610 millions de dollars.)

A l’initiative du groupe de travail d’Obama, les responsables du gouvernement ont obligé les travailleurs de l’automobile à accepter un renflouement qui a détruit les acquis sociaux qu’ils avaient gagnés au cours de plusieurs décennies de lutte : des salaires plus élevés, une assurance santé, des retraites, des prestations sociales et une éducation pour leurs enfants. Quatorze usines ont été fermées et l’ensemble de l’effectif américain a été réduit de moitié et se chiffre à 64.000 travailleurs. Des villes entières, qui dépendaient de l’industrie automobile, ont été plongées dans la pauvreté.

GM a diminué de moitié le salaire des employés nouvellement recrutés et gelé pendant des années celui du personnel restant. Toute cette stratégie a été soutenue par le syndicat américain de l’automobile (United Auto Workers Union, UAW) qui collabore étroitement avec le syndicat allemand IG Metall. Parmi d’autres concessions, l’UAW a expressément accepté de ne pas faire grève jusqu’en 2015.

Dagdelen n’a pas indiqué la teneur des discussions de Gysi avec l’ambassade américaine, mais ce n’est pas la première fois que le dirigeant de Die Linke contacte l’ambassadeur américain qui ne réside qu’à deux pas du Bundestag.

Selon une dépêche publiée par WikiLeaks, Gysi s’était entretenu il y a deux ans avec l’ambassadeur américain en Allemagne, Philip Murphy, qui avait travaillé pendant 23 ans chez Goldman Sachs, au sujet de la politique de Die Linke à l’égard de l’OTAN. Gysi avait cherché à rassurer l’ambassadeur que les exigences de Die Linke de dissoudre l’alliance militaire atlantique ne devaient pas être prises au pied de la lettre.

De telles exigences étaient plutôt des manoeuvres tactiques visant à faire taire les représentants de « l’aile gauche » du parti. En l’absence d’une telle exigence, certains éléments de Die Linke formuleraient des propositions bien plus dangereuses en faveur d’un retrait de l’Allemagne de l’OTAN. Une exigence pour la dissolution de l’OTAN, ne recevra toutefois jamais de soutien parce qu’elle nécessiterait l’approbation de la France, de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis. Tant que l’OTAN existe, Die Linke appuiera l’adhésion de l’Allemagne, a garanti Gysi à Murphy. (Voir : « WikiLeaks et le parti allemand La Gauche »)

Qu’a dit Gysi cette fois-ci à l’ancien banquier d’affaires Murphy ? Que les critiques de Die Linke formulées à l’encontre de la direction de GM visaient simplement à étouffer l’opposition à la fermeture de l’usine ? Que GM pourra compter sur les services du syndicat allemand IG Metall et du chef du comité d’entreprise à Bochum, Einenkel – un ancien membre du Parti communiste allemand stalinien (Deutsche Kommunistische Partei, DKP) – tout comme cela avait été le cas avec l’UAW, avec Die Linke fournissant la couverture politique requise ?

Einenkel et l’IG Metall ont à maintes reprises accepté ces dernières années des suppressions d’emplois et des réductions des salaires, en présentant à chaque fois ces concessions comme étant le prix à payer pour « sauver l’usine. » En fait, chaque concession faite par les syndicats n’a fait que rapprocher un peu plus l’usine de la fermeture. Depuis qu’Einenkel assume la présidence du comité d’entreprise à Bochum, début de 2005, environ 70 pour cent de tous les emplois ont été liquidés. Maintenant le restant des 3.300 emplois doit être sacrifié.

Entre-temps, GM et Opel planifient de nouvelles attaques. Selon un rapport paru dans le magazine Der Spiegel, Opel veut continuer à réduire davantage sa production au cours de l’année à venir. En 2013, l’entreprise ne compte produire que 845.000 véhicules en Europe. Ceci correspond à une baisse de plus de dix pour cent, par rapport à 2012. Les usines Opel en Allemagne et Vauxhall en Grande-Bretagne ne produiront qu’à 50 pour cent de leur capacité, ce qui signifie que davantage de fermetures d’usines et de licenciements sont inévitables.

La faillite d’Opel est aussi envisageable. Selon un rapport paru le 20 décembre dans le journal allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung, Opel a revendu à GM six de ses filiales européennes, dont : « L’usine de moteur à Szentgotthard (Hongrie), l’usine de boîtes de vitesse à Aspern (Autriche), le centre de recherche à Turin (Italie) et l’usine de Gliwice, en Pologne, ainsi que d’autres installations au Royaume-Uni et en Russie. »

Ces filiales européennes avaient été transférées par GM à Opel pour les mettre à l’abri de la faillite de GM en Amérique. A présent que GM ne court plus le risque d’une faillite, ce transfert est annulé. Ceci signifie que seules les usines Opel restantes, situées à Bochum, Rüsselsheim, Eisenach et Kaiserslautern en Allemagne, en plus des sites à Saragosse, en Espagne et à Ellesmere Port en Grande-Bretagne, feront encore partie d’Opel.

Selon l’article du FAZ, le retour de ses anciennes filiales a été la condition requise pour la poursuite du paiement d’un prêt de 2,5 milliards d’euros de GM à Opel. En cas de faillite d’Opel, GM garde maintenant une importante composante de ses installations de production en Europe, dit le journal.

Fin 2011, la banque américaine Morgan Stanley avait déjà préconisé de mettre Opel en faillite ce qui aurait aussi permis à l’entreprise de contourner certaines de ses obligations relatives aux retraites et évaluées à quelque 5 milliards d’euros.

La défense des emplois chez Opel et partout dans l’industrie automobile requiert une stratégie socialiste internationale. Les emplois, les salaires et les acquis sociaux ne peuvent être défendus que dans une lutte contre les principaux alliés d’Opel, de la direction de GM et des banques, à savoir les syndicats et les comités d’entreprise. Ceci requiert l’unité des travailleurs dans toutes les usines en Allemagne, en Europe et aux Etats-Unis.

La défense de chaque emploi doit être le point de départ de la mobilisation de la classe ouvrière sur la base d’un programme socialiste expropriant et nationalisant les principales entreprises et les banques et réorganisant la production dans l’intérêt de l’ensemble de la société.

L’intervention de Die Linke vise précisément à empêcher un tel développement. Au lieu de cela le parti cherche à entraver toute lutte sérieuse pour la défense des emplois en suscitant de faux espoirs dans les gouvernements allemand et américain tout en travaillant de concert avec eux contre les travailleurs de l’automobile.

(Article original paru le 4 janvier 2013)

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