Trois militantes nationalistes kurdes assassinées à Paris

Trois militantes nationalistes kurdes ont été découvertes jeudi matin abattues à la manière d’une exécution sommaire au Centre d’information du Kurdistan à Paris.

Les trois victimes étaient des co-fondatrices du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), Sakine Cansiz, une proche du dirigeant du PKK emprisonné, Abdullah Öcalan ; Fidan Dogan, une représentante du Congrès National du Kurdistan (KNC) basé à Bruxelles et une jeune femme, Leyla Soylemez.

Le meurtre se serait produit mercredi dans un immeuble sécurisé d'un quartier animé du centre de Paris. Leon Edart, le dirigeant de la fédération des associations kurdes a dit que les trois femmes étaient seules mercredi dans les locaux du centre d’information situé au premier étage et pourvu de sonnettes et d’un digicode qui devait être composé pour accéder à cet immeuble du 147 rue Lafayette, dans le 10ème arrondissement de Paris.

Mercredi en fin d’après-midi, des amis n’arrivant pas à les contacter se sont rendus au centre d’information. La police qui a finalement été appelée a découvert les trois corps dans les locaux et ainsi que des douilles juste à côté.

Selon l’association kurde, « deux des femmes auraient été tuées d’une balle dans la nuque, la troisième de balles dans l’estomac et le front. » La radio française a rapporté qu’elles avaient reçu une balle dans la tête.

Le ministre français de l’Intérieur, Manuel Valls s’est rendu sur les lieux et commenté : « Trois femmes ont été abattues, tuées, sans doute exécutées. C’est un fait grave, d’où ma présence. »

Le président François Hollande a qualifié ces meurtres d’« horribles » en ajoutant que lui et d’autres acteurs politiques connaissaient l’une des victimes car elle « venait régulièrement nous rencontrer. »

Les meurtres ont eu lieu dans le contexte de pourparlers se déroulant entre des agents du renseignement turc et le dirigeant du PKK Öcalan. Le journal Today’s Zaman basé à Istanbul a écrit : « La semaine passée, des négociations qui avaient débuté plus tôt ont repris et le sous-secrétaire des services du renseignement turc MIT, Hakan Fidan, a rencontré Öcalan sur l’île d’Imrali où le dirigeant du PKK est détenu depuis sa capture en 1999. »

Les négociations font partie de l’effort déployé pour intégrer le PKK dans l’establishment politique turc en échange de l’abandon par le PKK de sa revendication pour une patrie séparée pour les Kurdes vivant en Turquie.

Depuis sa formation en 1984, le PKK est en conflit avec le gouvernement turc, exigeant un Etat en Turquie pour les Kurdes qui représentent environ 20 pour cent de la population. Plus de 40.000 personnes ont été tuées durant la guerre civile. Le PKK a été qualifié d’organisation terroriste par la Turquie et ses alliés dont les Etats-Unis et l’Union européenne.

Zaman a cité Abdülkadir Selvi, chroniqueur du quotidien conservateur Yeni Şafak qui est parfaitement au courant des pourparlers et qui a écrit : « L’une des premières questions posées par Fidan du MIT durant les pourparlers – visant initialement à désarmer le PKK, selon les responsables gouvernementaux – a été de savoir si le PKK insistait pour avoir son propre pays. » Selvi a écrit qu’Öcalan était extrêmement clair à ce sujet, déclarant qu’il n’y avait pas de revendications d’indépendance.

Il existe des rumeurs largement répandues selon lesquelles la tuerie à Paris était une tentative de saper les négociations. Des forces mentionnées comme étant des suspects éventuels comprennent des factions du PKK hostiles aux pourparlers ou des éléments de l’Etat turc hostiles à une entente avec le PKK.

Le vice-président turc du parti au pouvoir le Parti de la Justice et du Développement, Huseyin Celik, a suggéré que le meurtre pourrait être une querelle interne au sein du PKK au sujet de ce processus de paix.

Zubeyir Aydar, un dirigeant du PKK en exil, a affirmé que c’était la responsabilité de « forces obscures » au sein de l’Etat turc qui souhaitent voir l’échec de l’initiative de paix. »

Plusieurs centaines de Kurdes et d’activistes du PKK se sont rassemblés devant le Centre d’information du Kurdistan à Paris en brandissant des bannières à l’effigie d’Öcalan, accusant à la fois le gouvernement turc et la complicité de la France pour le meurtre. Des protestations ont également eu lieu à Diyarbakir, dans le Sud-Est de la Turquie.

A Paris, les manifestants ont imputé la responsabilité des meurtres au président français, François Hollande, tout comme à la Turquie en scandant : « Nous sommes tous PKK ! Turquie assassin, Hollande complice ! »

Les pourparlers entre les responsables turcs et le PKK ont lieu alors que les Etats-Unis, les puissances européennes et leurs alliés régionaux dont la Turquie luttent pour renverser le président syrien Bachar al-Assad, attisant une guerre civile en Syrie et armant les forces d’opposition menées par les Islamistes. Ceci vise à mobiliser les Kurdes syriens derrière la guerre menée par les impérialistes contre Assad. Jusque-là, les Kurdes syriens avaient adopté une position neutre.

Depuis le début du conflit, les forces d’opposition soutenues par l’occident ont attaqué à maintes reprises les Kurdes syriens qui vivent en majorité dans le Nord de la Syrie.

L’allié du PKK en Syrie est le Parti de l’Union démocratique kurde (PYD) ainsi que son aile armée, les Unités de défense populaire (YPG). Après avoir combattu avec les forces d’opposition syriennes à Alep, la ville du Nord de la Syrie, en octobre dernier, le PYD avait publié une déclaration disant : « Nous avons choisi de rester neutres et nous ne voulons pas prendre parti dans une guerre qui n’infligera que des souffrances et des destructions à notre pays. »

(Article original paru le 11 janvier 2013)

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