Les syndicats français acceptent la «réforme» pro-patronale du marché du travail

Vendredi dernier, 11 janvier, un accord a été conclu entre l’association patronale du Medef et les fédérations syndicales afin de permettre aux employeurs d’imposer une plus grande « flexibilité » – mot codé synonyme d’accélération et d’élimination des protections légales de l’emploi. Les responsables tant des syndicats que du Medef ont présenté les mesures comme étant une aubaine pour la compétitivité et la création d’emploi.

Ces propositions ont été promues par le gouvernement du Parti socialiste (PS) du président François Hollande. Elles saperont les protections légales des travailleurs face aux réductions arbitraires des salaires, à l’allongement de la durée du travail et aux licenciements.

Avant les négociations, Hollande avait appelé à un « compromis historique. » En réalité, l’accord représente une nouvelle capitulation des syndicats devant l’offensive menée par les employeurs et le gouvernement contre la classe ouvrière.

Le principal négociateur du Medef, Patrick Bernasconi, a souligné l'ampleur de la capitulation des syndicats en déclarant : « Nous avons des raisons d’être heureux après trois mois de travail. » La présidente du Medef, Laurence Parisot, a dit qu’en raison des réductions de 22 milliards d’euros des charges sociales et fiscales et du nouvel accord sur la « flexibilité »accordés par le gouvernement , « la France peut espérer amorcer des progrès significatifs pour reconquérir sa compétitivité. »

Le président Hollande a appelé cet accord un « succès du dialogue social. »

Le coup le plus fort asséné aux travailleurs a été d'accorder aux employeurs le droit d’introduire un chômage partiel illimité pour une période allant jusqu’à deux ans et qui aura pour conséquence une réduction du revenu des travailleurs. Les employeurs seront en mesure de recourir à la menace de licenciement pour imposer le chômage partiel là où les syndicats représentant une majorité de travailleurs acceptent une telle proposition. La nouvelle loi, encourage en effet les employeurs à utiliser le chantage pour réduire le revenu des travailleurs.

Il y a aussi des dispositions de mobilité interne permettant aux entreprises de muter les travailleurs d’une tâche à une autre.

Comme contrepartie au sacrifice de la sécurité de l’emploi et des droits au travail, obtenus après des décennies de lutte, les syndicats font miroiter une promesse des entreprises de partager les bénéfices qu’elles tireront après un retour à la rentabilité.

L’accord renferme à titre « expérimental » un nouveau « contrat à durée indéterminée » pour les entreprises comptant 50 salariés ou moins. Ce dispositif permettra aux entreprises d’embaucher occasionnellement des travailleurs « permanents » en mettant fin à leur contrat de travail une fois la tâche spécifique exécutée.

L’accord a été bouclé lorsque trois des cinq fédérations syndicales officielles – la CFDT (Confédération française démocratique du travail), la CFCT (Confédération française des travailleurs chrétiens) et le syndicat de l’encadrement CFE-CGC (Confédération française de l’encadrement – Confédération générale des cadres) – ont accepté une concession des employeurs qui ont accepté une majoration à 7 pour cent de la cotisation patronale d’assurance chômage pour les contrats de courte durée d’un mois, et de 5,5 pour cent pour les contrats de trois mois. Les 110 millions d’euros que cette concession coûte aux employeurs seront compensés par une exonération des charges sociales sur les trois premiers mois d’un contrat à durée indéterminé de toute embauche en CDI d’un jeune de moins de 26 ans, faisant faire ainsi une économie de 155 millions d’euros aux patrons.

Dans le but d’intégrer davantage les syndicats à la direction, il leur a été accordé deux sièges dans les conseils d’administration des grands groupes comptant 10.000 salariés ou plus de par le monde, ou 5.000 ou plus en France.

Le négociateur de la CFDT, qui est aligné sur le Parti socialiste, a qualifié l’accord d’« ambitieux pour l’emploi » et faisant reculer l’insécurité de l’emploi.

Les deux autres représentations syndicales officiellement reconnues, la CGT (Confédération générale du Travail) et FO (Force Ouvrière), ont refusé de signer l’accord. Toutefois, elles n’ont aucune intention de mobiliser les travailleurs contre une nouvelle loi fondée sur cet accord et que le gouvernement est en train d’élaborer pour mai prochain. Elles avaient collaboré en 2008 avec le précédent gouvernement droitier de Nicolas Sarkozy à une « réforme » du marché du travail.

Le Nouvel Observateur a rapporté que le dirigeant de la CGT, Bernard Thibault, qui est sur le point de prendre sa retraite, souhaiterait que le gouvernement PS légifère sur des concessions concernant la flexibilité ce qui, à son avis, préserverait davantage la sécurité de l’emploi des travailleurs. La prétention cependant que Hollande pourrait être plus enclin à des mesures favorisant les travailleurs est contredite par son bilan depuis son arrivée au pouvoir l’année dernière. Il a annoncé une politique d’austérité et promis d’accroître la compétitivité des grandes entreprises en réduisant drastiquement le coût du travail. La participation du gouvernement PS à des accords patrons-syndicats au sujet de la fermeture de PSA Peugeot-Citroën à Aulnay et d’Arcelor Mittal à Florange est une preuve supplémentaire de son caractère anti-classe ouvrière.

Charles de Froment, expert sur le marché du travail et un responsable des affaires publiques chez ManpowerGroup, a remarqué que la « flexibilité » obtenue par les employeurs était la plus importante donne de l’accord. « A terme cela pourrait remettre en cause progressivement la dualité du marché français du travail entre CDI et CDD, » a-t-il dit.

En 1969, Manpower fut la première entreprise à introduire, avec la bénédiction de la CGT, des contrats temporaires en France, avant que ceux-ci ne deviennent légaux en 1972.

A la question de savoir si l’accord sur la « flexibilité » était innovateur, Raymond Soubie, conseiller auprès du président Nicolas Sarkozy, a répondu : « On oublie un peu vite les agendas sociaux établis chaque année avec les syndicats et le patronat ainsi que tous les accords conclus par les partenaires sociaux, et certains à l’unanimité, sous la précédente législature. » Ceci résume la continuité existant entre les attaques contre les droits sociaux des travailleurs perpétrés par le gouvernement PS et ceux perpétrés par les gouvernements précédents.

(Article original paru le 16 janvier 2013)

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