Tsipras, chef de la pseudo-gauche grecque, passe un entretien d’embauche devant le ministère des Affaires étrangères américain et le FMI

Avec l’aggravation de la crise grecque, le chef du parti d’opposition SYRIZA (Coalition de la gauche radicale) est venu aux Etats-Unis cette semaine pour des réunions à huis-clos avec les représentants du ministère des Affaires étrangères et du FMI, ainsi que pour une série d’apparitions en public.

Pendant que le gouvernement grec du Premier ministre Antonis Samaras utilisait des méthodes dignes d’un Etat policier pour briser une grève des travailleurs du métro, Tsipras s’est servi de son voyage pour dire aux représentants américains et à ceux du FMI qu’ils n’auraient rien à craindre s’il arrivait au pouvoir.

Les derniers sondages indiquent que SYRIZA et Nouvelle démocratie, le principal parti du gouvernement de coalition entre conservateurs et socio-démocrates, sont pratiquement au coude-à-coude. Avec 27 pour cent des voix aux dernières élections, SYRIZA représente le principal parti d’opposition, et avec une colère populaire qui monte contre les mesures d’austérité sans fin et le chômage de masse, il est tout à fait possible qu’il arrive premier aux prochaines élections.

Tsipras a consacré sa tournée américaine à rassurer la classe dirigeante américaine sur le fait que si cela se produisait, elle pourrait compter sur lui et SYRIZA pour servir de pilier de la stabilité du capitalisme, qu’il œuvrera à supprimer les élans révolutionnaires de la classe ouvrière grecque.

« J’espère vous avoir convaincu que je ne suis pas aussi dangereux que certains le croient, » a obligeamment déclaré Tsipras devant l’assistance rassemblée par le groupe de réflexion Brookings Institute de Washington.

Mercredi, Tsipras a participé à des négociations au ministère des Affaires étrangères avec l’adjoint du ministre des Affaires étrangères Eric Rubin, responsable des questions liées à la Grèce, la Turquie, Chypre et le Caucase, ainsi qu’avec Christopher Smart, l’adjoint du ministre des Finances pour l’Europe et l’Eurasie.

Jeudi, le chef de SYRIZA a rendu visite au siège du Fonds monétaire international, y rencontrant son numéro deux, David Lipton, le premier directeur adjoint de l’agence.

Après la réunion de Tsipras au FMI, l’agence a publié un bref communiqué qui reconnaît que Lipton et le dirigeant de SYRIZA « ont eu une discussion constructive et sincère sur les défis économiques auxquels la Grèce est confrontée. »

Le ministère des Affaires étrangères n’a toujours pas publié de communiqué sur sa réunion avec Tsipras.

Pour sa part, SYRIZA affirme que, bien qu’il y ait « des accords et des désaccords, » la réunion au ministère des Affaires étrangères a révélé une « évaluation commune » sur le fait que la poursuite de l’austérité n’était pas la réponse à la crise économique grecque. Il a été dit que Tsipras avait assuré aux représentants américains qu'il croyait que la Grèce avait un « rôle important » à jouer pour assurer la stabilité internationale et qu'elle mènerait une politique internationale s’appuyant sur « la durée et la cohérence. » Dans d’autres remarques, Tsipras a défendu le maintien de la Grèce dans l’OTAN.

Tsipras a pris la parole devant plusieurs auditoires aux Etats-Unis. Son discours le plus important, prononcé mardi à Washington à l’institut Brookings, s’adressait clairement à la classe dirigeante américaine. (La transcription intégrale en anglais est disponible ici).

« Y a-t-il une raison valable pour que quelqu’un craigne la gauche en Grèce aujourd’hui ? » a demandé Tsipras à son auditoire au milieu de ses remarques de mardi. « J’ai entendu la personne qui s’exprimait avant moi dire que je représente la gauche radicale [c’est la traduction du nom de son parti, ndt]... Mais en quoi sommes nous réellement radicaux ? Les alarmistes vous diront que notre parti va arriver au pouvoir, déchirer nos accords avec l’Union européenne et le FMI, faire sortir notre pays de la zone euro, rompre tous les liens de la Grèce avec l’occident cultivé – civilisé, puis transformer la Grèce en une nouvelle Corée du Nord. » 

Il assuré à ses auditeurs que le « but [de SYRIZA] est de sauver le pays et de maintenir le pays dans la zone euro. »

Sa principale proposition, à laquelle il a fait référence à plusieurs reprises dans ses remarques, est, pour reprendre ses termes, une « coupe » pour les créanciers publics de la Grèce, principalement la Banque centrale européenne (BCE) et les pays de la zone euro, similaire à l’annulation partielle de la dettes imposée aux banques et aux prêteurs privés en octobre 2011 qui a réduit de moitié les intérêts attendus des emprunts grecs.

Les remarques de Tsipras montrent clairement que SYRIZA n’a aucune intention de répudier la dette grecque ou de déchirer l’accord sur les mesures d’austérités passé entre Athènes et ce que l’on appelle la troïka (Commission européenne, FMI, et BCE), ils veulent simplement en renégocier les termes.

Tsipras s’est vu demander par un des membres du public pourquoi le peuple grec devrait s’attendre à quelque chose de différent de la part de SYRIZA par rapport à ce que fait le Premier ministre Samaras « qui était initialement opposé à l’accord et qui maintenant le soutient. »

« Nous nous sommes accoutumés au fait de voir des politiciens qui disent une chose... avant d’être élu et une chose différente une fois au pouvoir, » a-t-il répondu, « comme vous le voyez, nous ne disons que des choses auxquelles nous croyons et que nous allons essayer d’appliquer. Nous ne disons rien de complètement fou. »

En fait, SYRIZA a obtenu 27 pour cent des voix l’an dernier en s’appuyant sur sa promesse d’inverser toutes les précédentes coupes du gouvernement Grec et de revenir sur l’accord. Comme l’ont démontré les commentaires de Tsipras à Athènes, ce parti n’a aucune intention de faire quoi que ce soit de ce genre. La rhétorique anti-coupes ne vise simplement qu’à détourner la colère des travailleurs grecs vers des voies sans danger pour le capital.

Au sein de la classe dirigeante à Washington, il y a eu des déclarations d’approbation pour la performance de Tsipras aux Etats-Unis, laquelle a été accueillie comme un virage à droite supplémentaire de la part de SYRIZA.

« Ce voyage montre l’évolution continue de son profil politique, de plus en plus socio-démocrate, » a déclaré Domenico Lombardi, un partenaire influent du Brookings Institute et ancien représentant de l’Italie au Conseil d’administration du FMI, au Wall Street Journal. Lombardi, toujours d’après le Journal, a dit que la tournée américaine de Tsipras « souligne le passage de SYRIZA à une position plus équilibrée, politiquement mature, qui pourrait rassembler plus de soutien en Grève et est plus acceptable vue de l’étranger. »

Un article affiché sur le site Web de l’institut Brookings déclare également : « Dans un pays où les gauchistes ont historiquement étés incendiaires, prompts à la violence, et agressivement anti-américains, M. Tsipras se révèle chaleureux, courtois, pragmatique et pressé d’entendre le point de vue américain. [...] Il a parlé chaleureusement des appels à la justice sociale lancés par le président Obama lors de son discours d'investiture. »

Effectivement, dans son discours de mardi, il a loué la politique du gouvernement Obama et du conseil de d’administration de la Banque fédérale américaine, tout en donnant une image édulcorée de la situation sociale aux Etats-Unis.

« L’une des choses que je remarque ces deux derniers jours que j’ai passé aux Etats-Unis [...] c’est que l’Amérique est un pays qui ne se trouve pas dans un état de dépression comme l’est la Grèce, » a-t-il dit. « Je n’ai vu aucun commerce fermé. Je n’as vu aucun visage triste. Je n’ai vu aucun signe de désespoir nulle part. L’Amérique a échappé à la misère après 2008. »

Dans son intervention à l’Université Columbia de la ville de new York jeudi soir, Tsipras n’a présenté qu’un visage légèrement plus « à gauche », tentant de gagner le soutien de son public en insistant sur la montée des forces fascistes en Grèce, organisées au sein du parti d’ultra-droite Aube dorée (Chryssi Avghi).

Il a appelé son auditoire à se joindre à SYRIZA dans sa tentative « d’ériger un pare-feu de démocratie contre le fascisme et le néonazisme. »

La réalité politique est que le double langage des éléments de la pseudo-gauche comme SYRIZA, qui dénoncent l’austérité dans leurs discours tout en soutenant la stabilité capitaliste et l’Union européenne en pratique, alimente la croissance d’Aube dorée, permettant aux fascistes de se présenter comme l’opposant combatif de l’UE, des banquiers et du monde politique dont SYRIZA fait partie.

(Article original paru le 26 janvier 2013)

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