Les syndicats français signent l’accord du constructeur automobile Renault visant à réduire drastiquement les emplois et les salaires

Les syndicats de chez Renault ont approuvé un accord de réduction des coûts permettant au constructeur automobile de supprimer des emplois, d’allonger le temps du travail et de geler les salaires dans toutes les usines aux quatre coins de la France.

Jeudi 7 mars, la CFDT (Confédération française démocratique du Travail) a dit avoir accepté de signer un accord avec Renault. La CFDT est devenue le troisième syndicat après Force ouvrière (FO) et le syndicat CFE-CGC (Confédération française de l’Encadrement – Confédération générale des cadres) à soutenir le soi-disant « accord de compétitivité. » Les syndicats et la direction ont conclu les négociations sur cet accord, lesquelles avaient débuté le 19 février dernier.

Pour que la convention collective soit valide, Renault a besoin du soutien des syndicats représentant au moins 30 pour cent du personnel. Comme ces trois syndicats représentent environ 63 pour cent de l’effectif de Renault, la firme peut faire passer l’accord. Les syndicats signeront l’accord après sa présentation le 12 mars au comité central d’entreprise.

La CGT (Confédération générale du Travail) a fait preuve d’une opposition symbolique contre l’accord en le qualifiant de « régression sociale. » Son opposition verbale est toutefois totalement hypocrite. Elle a gardé le silence pendant plus de quatre mois alors que Renault négociait l’accord et n'a rien fait pour mobiliser la classe ouvrière contre l’austérité introduite partout dans l’industrie automobile.

A la bourse de Paris, le cours des actions Renault a grimpé mercredi de 3,5 pour cent pour atteindre 51,69 euros après la signature de l’accord par les syndicats. Les spécialistes des marchés ont dit que l’accord était significatif et stimulerait la compétitivité de Renault.

L’accord permet à Renault de réduire de 17 pour cent son effectif actuel de 44.000 travailleurs d’ici 2016 par des départs naturels. Les syndicats ont aussi accepté un gel des salaires pour 2013 et une augmentation de 6,5 pour cent des heures de travail. Les mesures de réduction des coûts permettent à Renault d’économiser 500 millions d’euros par an, a dit Gérard Leclercq, directeur des opérations France de Renault. Leclercq avait dit en février que les compromis des travailleurs en France permettraient à l’entreprise de réduire de 300 euros en moyenne le coût de chacune de ses voitures produites en France.

Les constructeurs automobiles sont en train d’intensifier les coupes dans le contexte d’une forte baisse des ventes de véhicules en Europe. En février, les ventes de voitures ont chuté en France de 12,1 pour cent par rapport à il y a un an. Selon l’Association européenne des constructeurs automobiles (ACEA), les immatriculations de voitures Renault neuves ont chuté en Europe de l’Ouest de 21 pour cent de 2011 à 2012.

Renault a déjà annoncé la suppression de 8.260 emplois en France d’ici 2016. Le nouvel accord lui permet d’accélérer les suppressions de postes, d’allonger le temps du travail et de geler les salaires. Cet accord fait partie d’une stratégie plus large de Renault de diminuer les coûts de production partout en Europe. L’année dernière, la société avait signé un accord avec les syndicats espagnols, accord incluant des horaires de travail flexibles et le recrutement de travailleurs intérimaires à bas salaire.

Les responsables syndicaux parlent au nom de la direction et contre les travailleurs. Laurent Smolnik, un représentant de Force ouvrière qui a négocié les coupes, a dit : « Il vaut mieux prendre le risque d’un avenir que de ne pas avoir d’avenir du tout, » en ajoutant que les travailleurs étaient coincés dans un cercle vicieux qui ne laissait aucun avenir pour Renault.

Le PDG de Renault, Carlos Ghosn, a eu des mots élogieux pour le soutien apporté par les syndicats aux compromis. Au salon de l’automobile de Genève, il a dit que l’accord de compétitivité de Renault était la réponse indispensable à la crise du marché automobile européen. Ghosn a dit, « Beaucoup d’autres pays vont se pencher sur leur compétitivité, la question sera de savoir qui bougera plus rapidement et plus habilement sur ce terrain. »

Pour organiser la suppression « habile » des emplois et des avantages sociaux, les syndicats jouent un rôle clé dans cette offensive mondiale organisée par la classe dirigeante contre le niveau de vie des travailleurs. L’année dernière déjà, ils avaient accepté des compromis dans les usines automobiles, y compris à l'usine PSA Peugeot-Citroën de Sevelnord. (Voir : « Les syndicats français signent un accord de concession avec le constructeur automobile PSA. »)

Le constructeur automobile PSA Peugeot-Citroën a annoncé la suppression de 8.000 emplois en France et la fermeture de l’usine d’Aulnay près de Paris. L’entreprise Ford va fermer des usines en Belgique et au Royaume-Uni ; General Motors envisage de fermer son usine Opel de Bochum en Allemagne en éliminant 3.000 emplois.

L’accord chez Renault est un réquisitoire de plus contre les syndicats pro-capitalistes et le gouvernement du grand capital du président français, François Hollande, dont l’élection avait été soutenue par les syndicats et les groupes petits-bourgeois de « gauche » tels le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA.)

Tout en négociant les coupes avec les patrons, les syndicats sont en train d'étouffer l’émergence d’une opposition contre la suppression des emplois et des fermetures d’usines. Alors que les travailleurs protestent contre la fermeture de l’usine de production de pneus Goodyear à Amiens et de l’usine de PSA à Aulnay, les syndicats isolent leurs luttes, usine par usine.

Le gouvernement Hollande a salué l’accord conclu entre Renault et les syndicats et qui est un élément clé de son programme d’austérité plus vaste, comprenant une réforme du marché du travail permettant aux employeurs d’embaucher et de licencier à volonté ainsi qu’un allègement de 20 milliards d’euros de l’impôt sur les sociétés. Le ministre du Travail, Michel Sapin, a dit que l’accord chez Renault était un « bon accord » et que ce serait « meilleur » si la réforme du marché du travail était déjà appliquée.

La promotion de cet accord par le gouvernement Hollande repose sur une série de mensonges cyniques. Les responsables français ont promu le renflouement de l’industrie automobile du président américain Obama aux Etats-Unis en préconisant une politique identique en France. Le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, a dit, « Le gouvernement français s’inspire du modèle Obama pour défendre les emplois dans l'industrie. Nous cherchons exactement le même chemin pour redonner de la force à l’industrie française. »

En fait, le renflouement d’Obama, qui a été soutenu par le syndicat des Travailleurs unis de l’automobile (United Auto Workers, UAW), avait permis aux compagnies automobiles de fermer des dizaines d’usines, d’éliminer 35.000 emplois et de réduire drastiquement de moitié les salaires horaires pour les travailleurs nouvellement embauchés. Depuis ce renflouement, les constructeurs automobiles américains ont engrangé des dizaines de milliards de dollars de bénéfices. Pour avoir soutenu l’appauvrissement de leurs membres, l’UAW a bénéficié de la création d’un fonds d’affectation spéciale s’élevant à plusieurs dizaines de milliards de dollars.

Alors qu’ils imposent de brutales mises à pied massives des travailleurs de l’automobile, le gouvernement et les syndicats français tentent de diviser la classe ouvrière selon des frontières nationales et de promouvoir le patriotisme français en affirmant mener une campagne pour « défendre l’emploi français. »

Toutefois, du propre aveu de Montebourg, cette campagne est fondée sur l’imposition d’une réduction des salaires et la mise en place de conditions prévoyant l’exploitation de la classe ouvrière. En reprochant à Renault de ne construire que 500.000 véhicules en France même, il a souligné le 4 mars que Renault avait proposé une « relocalisation pour la fabrication de plusieurs centaines de milliers de véhicules. »

Il a ajouté, « Si des efforts doivent être faits de la part des salariés, ils doivent servir la cause du ‘Made In France’. »

(Article original paru le 8 mars 2013)

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