Un groupe de réflexion australien présente les projets de guerre américains contre la Chine

Les Etats-Unis et leurs alliés, notamment l’Australie et le Japon, sont engagés dans des préparatifs de guerre bien avancés contre la Chine. Un document publié hier, mardi 15 avril, par l’Institut australien de politique stratégique (ASPI) et intitulé « La Planification de l’impensable guerre : ‘Bataille d'air-mer’ et ses implications pour l’Australie » a donné les grandes lignes des projets de guerre.

La stratégie de la « Bataille d’air-mer » qui a été élaborée au cours de ces trois dernières années par le Pentagone fait partie intégrante du « pivot » ou du « rééquilibrage » vers l’Asie du gouvernement Obama et qui vise à contenir la Chine sur tous les fronts – diplomatiquement, économiquement et militairement. Dans le contexte d’une aggravation de l’effondrement économique mondial, les Etats-Unis sont déterminés à recourir à leur puissance militaire pour compenser leur déclin économique et empêcher que la Chine ne devienne un défi à leur hégémonie en Asie et dans le monde.

Selon l’auteur du compte rendu, l’analyste de l’ASPI Ben Schreer: « Le Pentagone a commencé ‘à réfléchir à l’impensable’ : une stratégie militaire pour mener et gagner une guerre potentielle contre la Chine. » Une bataille d’air-mer est présentée comme une stratégie défensive contre une attaque potentielle – une réaction au développement des capacités militaires de l’Armée populaire de libération de la Chine (APL) qui sont « progressivement en train d’éroder la domination maritime de l’Amérique dans le Pacifique occidental. »

L’« impensable » serait catastrophique. Le Pentagone envisage une guerre menée en grande partie par des navires de guerre, des avions de combat et des missiles et qui dévasterait l’infrastructure militaire de la Chine sans pour autant nécessiter une invasion du continent chinois et imposer un blocus économique paralysant.

Comme le décrit le document de l’ASPI, une bataille d’air-mer contrerait la stratégie chinoise « en soutenant une première attaque chinoise laquelle serait suivie par une ‘campagne aveuglante’ contre le commandement de l'APL et des réseaux de contrôle, par une ‘campagne d’élimination de missile’ contre les systèmes terrestres de la Chine et par un ‘blocus à long terme’ des navires marchands chinois dans le détroit de Malacca et ailleurs. »

L’hypothèse qui sous-tend la stratégie américaine est que « l’intensification peut être maintenue en-dessous du seuil nucléaire » – c’est-à-dire qu’une guerre nucléaire véritable pourrait être évitée. Mais, comme le souligne Schreer, « une campagne fulgurante pourrait accroître le danger d’une riposte disproportionnée de la Chine, y compris une escalade nucléaire. » En d’autres termes, si les Etats-Unis détruisent la capacité de la Chine à surveiller les missiles lancés par les Etats-Unis et donc une attaque nucléaire américaine, Beijing pourrait être contraint de déployer son propre arsenal nucléaire.

Les projets de bataille d’air-mer du Pentagone n’existent pas seulement sur la planche à dessin. Les Etats-Unis ont déjà entamé une restructuration extensive de leur armée en Asie-Pacifique. Celle-ci comprend la consolidation des bases militaires de première ligne de façon à résister à une attaque de missile, la dispersion plus générale des forces dans la région, la concentration de 60 pour cent des ressources navales américaines en Asie, comme cela avait été annoncé l’année dernière et le développement d’une nouvelle génération d’armes conçues pour mener une guerre aérienne et navale au large du continent chinois. Dans le même temps, en utilisant le prétexte de la Corée du Nord, les Etats-Unis sont en train de mettre en place dans la région, en collaboration avec le Japon, des systèmes de missiles antibalistiques qui sont conçus pour mener une guerre nucléaire contre la Chine.

Le Japon et l’Australie, qui sont qualifiés de « moteurs principaux », sont essentiels aux projets de guerre du Pentagone qui croit que ces deux pays « seront des alliés actifs tout au long de la campagne. » Le Japon serait en première ligne en cas de guerre contre la Chine. Le Pentagone considère les bases américaines, surtout à Okinawa, comme étant des éléments clé de ses projets de bloquer les navires de guerre et les sous-marins chinois, ainsi que l’armée japonaise en tant que complément indispensable à ses propres forces.

Le document de l’ASPI se concentre sur les implications pour l’Australie qui est considérée par Washington comme étant une base d’opérations vitale, notamment pour organiser un blocus économique de la Chine et couper les routes maritimes vitales à travers l’Asie du Sud-Est. Environ 80 pour cent des importations énergétiques chinoises en provenance du Moyen-Orient et d’Afrique passent par le détroit de Malacca – goulot d’étranglement entre la Malaisie et Singapour.

Le gouvernement travailliste australien a d’ores et déjà accepté d’accueillir à Darwin les forces américaines navales, terrestres et aériennes (US Marine Air-Ground Task Force, MAGTF) et d’ouvrir d’autres bases australiennes aux navires de guerre et aux avions de combat américains. Alors que la première ministre, Julia Gillard, a minimisé la signification des Marines américains, l’ASPI souligne que : « Les MAGTF telles celles à Darwin pourraient jouer un rôle dans la sécurisation des goulots d’étranglements maritimes cruciaux en Asie du Sud-Est. » Les Etats-Unis continuent de demander au gouvernement australien de développer des capacités militaires comme des sous-marins à long rayon d’action qui pourraient servir à cibler les ressources de la marine marchande et des moyens navals chinois.

Les préparatifs de l’armée américaine ont accentué le dilemme auquel est confrontée la classe dirigeante australienne qui est économiquement tributaire de la Chine mais qui dépend militairement des Etats-Unis pour défendre ses intérêts en Asie. De graves divergences tactiques quant à la manière de résoudre cet imbroglio divisent l’establishment politique – tant le gouvernement travailliste que l’opposition libérale nationale.

En juin 2010, l’ancien premier ministre Kevin Rudd était devenu la victime politique du « pivot » d’Obama. Il avait été évincé lors d’un coup d’Etat orchestré au sein du parti par les super-puissances pro-américaines, non pas pour son opposition à l’alliance avec les Etats-Unis, mais parce que son appel lancé en faveur d’un rapprochement entre les Etats-Unis et la Chine avait déjoué le « rééquilibrage » belliqueux d’Obama contre la Chine. Quelques semaines plus tôt, le premier ministre japonais, Yukio Hatoyama, qui avait adopté une politique identique à celle de Rudd, a démissionné à la suite d’une campagne concertée menée contre lui par Washington. Leurs remplaçants en Australie et au Japon, les deux « moteurs principaux » pour la bataille d’air-mer – soutiennent pleinement les projets du Pentagone.

Le document de l’ASPI, tout comme le Pentagone, présentent la bataille d’air-mer comme étant une stratégie purement défensive. Mais, au cours de la dernière décennie, les Etats-Unis ont mené une succession de guerres d’agression en Afghanistan et en Irak, et qui ont été suivies par des interventions néocoloniales en Libye et en Syrie. Dans sa tentative de saper l’influence chinoise en Asie-Pacifique, Obama a délibérément embrasé de dangereux points chauds, dont la péninsule coréenne et en a créé de nouveaux en encourageant des alliés comme le Japon et les Philippines à poursuivre agressivement leurs différends maritimes avec la Chine.

Même le rapport de l’ASPI reconnaît les dangers inhérents aux préparatifs de guerre du Pentagone. « Assurément, une guerre sino-américaine semble non seulement être une lointaine probabilité mais elle serait catastrophique pour la région en général, » précise-t-il. « Personne ne veut la guerre, mais une stratégie de dissuasion suit une logique paradoxale : dans le but de prévenir une guerre et de préserver la paix, le protagoniste doit faire preuve de crédibilité à la fois dans son intention et dans sa capacité à faire la guerre avec l’agresseur potentiel. » Telle est la logique d’une course aux armements, d’une intensification des tensions et d’un glissement vers les conflits et la guerre.

En ce qui concerne Schreer, l’analyste de l’ASPI, le gouvernement australien n’a pas d’autre alternative que d’accepter les préparatifs de guerre américains. Il suggère que Canberra exhorte Washington à fournir davantage de détails alors qu’en réalité des arrangements secrets ont certainement déjà été faits. L’année dernière, le journaliste de l’Australian, David Uren, avait divulgué que le Livre Blanc sur la Défense de 2009 du gouvernement travailliste renfermait un chapitre secret évaluant la « capacité de l’Australie à mener une bataille aérienne et navale aux côtés des Etats-Unis contre la Chine. » Schreer recommande que les projets de guerre américains restent secrets, en conseillant au gouvernement de soutenir une bataille d’air-mer tout en ne l’appuyant pas publiquement.

Derrière le dos de la classe ouvrière, en Australie, aux Etats-Unis, en Chine et de par le monde, une nouvelle guerre encore plus terrible est en train d’être planifiée par l’impérialisme américain et ses alliés.

(Article original paru le 16 avril 2013)

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