Perspectives

Encore une année exceptionnelle pour les milliardaires des fonds spéculatifs

Dans un contexte de chômage, de taux de pauvreté en hausse et de salaires en baisse, les opérateurs de fonds spéculatifs de Wall Street ont une fois de plus engrangé l’année dernière des rémunérations astronomiques. En 2012, quatre directeurs de fonds spéculatifs ont empoché chacun plus d’un milliard de dollars. En tout, les 25 premiers de la liste ont récolté 14 milliards de dollars, grosso modo l’équivalent du produit intérieur brut de la Jamaïque, un pays qui compte trois millions d’habitants.

Selon le classement annuel du salaire des gestionnaires de fonds spéculatifs publié lundi par l’Institutional Investor’s Alpha, David Tepper, le gérant du fonds Appaloosa Management, a empoché 2,2 milliards en pariant en grande partie sur une hausse des prix des principales actions comme Citigroup, Apple et US Airways. 

Pour mettre la rémunération de Tepper en contexte, sur la base d’une semaine de travail de quarante-huit heures, il a reçu près de 3.000 dollars par seconde, plus que ce qu’un travailleur américain de l’automobile nouvellement recruté et qui trime sur une chaîne de montage gagne par mois. Mais alors que le travailleur de l’automobile contribue à produire des véhicules qui sont essentiels au fonctionnement de la société, M. Tepper et compagnie ne produisent eux, absolument aucune valeur réelle.

Les derniers chiffres en date relatifs aux rémunérations des parasites des fonds spéculatifs confirment la caractérisation du capitalisme telle que l’a décrit Karl Marx il y a 146 ans, comme un système dans lequel l’« accumulation de la richesse à un pôle, signifie en même temps accumulation de misère, de souffrance, d’esclavage, d’ignorance, de brutalité, de dégradation mentale au pôle opposé. »

Les rémunérations des directeurs de fonds spéculatifs ont reçu une impulsion du fait de la bulle boursière au moment où, en 2012, l’indice S&P 500 a grimpé à 13,4 pour cent. Et pourtant, la plupart des fonds spéculatifs figurant sur la liste ont eu des résultats significativement plus mauvais que ceux du marché boursier dans son ensemble.

Ray Dalio de Bridgewater Associates, le second sur la liste, a touché 1,7 milliards de dollars, bien que le fonds vedette de Bridgewater, Pure Alpha, n’ait dégagé que 0,8 pour cent.

2012 a marqué la quatrième année consécutive durant laquelle les rendements des fonds spéculatifs n’ont pas réussi à dépasser la hausse des valeurs boursières. Le Financial Times a noté : « Le fonds spéculatif moyen a réalisé en 2012 un bénéfice de 6,4 pour cent pour ses investisseurs… en traînant derrière le rendement de 11,1 pour cent d’un simple portefeuille passif investi à 60 pour cent en actions américaines et à 40 pour cent en obligations.

Voilà ce qui en est de la présumée décision prise après le krach de Wall Street en 2008 de lier plus étroitement la rémunération des managers à leurs performances! En pratique, les barons de la finance sont sûrs d’engranger des sommes phénoménales du fait d’un privilège aristocratique.

Les opérateurs de fonds spéculatifs qui spéculent avec l’argent d’autrui, ont la chance d’être taxés – en supposant qu’ils payent effectivement des impôts – au taux de 15 pour cent applicable aux gains en capital, et qui est nettement inférieur au taux d’imposition sur le revenu qui est imposé aux travailleurs.

Au moins une des dix plus grandes fortunes a fait l’objet d’une enquête pour fraude financière. Le fonds spéculatif SAC Capital, qui est dirigé par le troisième directeur le mieux payé sur la liste, Steven A. Cohen, a dernièrement négocié un règlement au sujet d’un délit d’initié avec la SEC (Commission de sécurisation des échanges bancaires) sans admettre la moindre faute.

Le SAC a versé 614 millions de dollars pour régler deux plaintes pour avoir tiré profit d’opérations sur des sociétés pharmaceutiques avant la publication d’essais de médicaments défavorables. La rémunération de Cohen de 1,4 milliards de dollars est deux fois plus grande que l’amende de la SEC.

Le mois dernier, Cohen, qui est évalué à 8,3 milliards de dollars, a acheté pour 60 millions de dollars une maison en bord de mer à Long Island dans l’East Hampton, à proximité d’une autre maison qu’il possède déjà. Le même mois, les journaux ont rapporté que le même Cohen avait acheté, pour un montant de 155 millions de dollars, le tableau de Picasso « Le Rêve », l’une des transactions privées la plus chère jamais réalisées.

La rémunération astronomique des directeurs de fonds spéculatifs est effectivement subventionnée par l’apport de liquidités dans le système financier par la Réserve fédérale qui injecte tous les mois 85 milliards de dollars dans les marchés financiers grâce à son programme du « quantitative easing » (assouplissement quantitatif). Ceci se fait alors même que le gouvernement Obama a déclaré qu’il « n’y avait pas d’argent » pour financer des programmes sociaux essentiels, qu’il réduit les déjà misérables allocations chômage pour les chômeurs de longue durée et planifie d’imposer des coupes sans précédent et paralysantes à l’assurance maladie Medicare et à l’aide sociale. 

Les directeurs des fonds spéculatifs sont loin d’être les seuls à tirer profit de la bulle financière. Ces derniers jours, JPMorgan Chase, Citigroup et Goldman Sachs ont tous enregistré des bénéfices nettement en hausse au premier trimestre. JPMorgan, la plus grande banque américaine, a fait état d’un bénéfice record de 6,6 milliards de dollars, une hausse de 33 pour cent par rapport à il y a un an. L’entreprise s’est trouvée au centre de nombreuses enquêtes fédérales et de procès. Elle a fait l’objet d’un rapport de 300 pages publié le mois dernier par une sous-commission sénatoriale. Ce rapport a documenté une tromperie systématique de la part de la banque quant aux pertes de plus de 6,2 milliards de dollars réalisées dans le négoce, à haut risque, de produits financiers dérivés en 2012.

La caractéristique la plus marquée de la société américaine est l’insolence avec laquelle la classe dirigeante se gorge et le mépris qu’elle affiche à l’égard des gens ordinaires. Cet enrichissement personnel éhonté n’est pas sans passer inaperçu.

La réalité de la nature brutale, anti-démocratique et exploiteuse du système capitaliste est en train de se frayer un chemin dans la conscience de la classe ouvrière. Un énorme réservoir de colère sociale est en train de se constituer qui, dans un avenir plus proche que lointain, éclatera en soulèvements colossaux.

Ces luttes doivent être guidées à la fois par une compréhension consciente de la nature du système capitaliste et du rôle joué, pour le défendre, par le système politique actuel soutenu par les syndicats et par un programme pour une mobilisation de la classe ouvrière dans le but de mettre fin au système de profit et de placer la vie économique et sociale sur des fondations rationnelles et égalitaires. C’est-à-dire au moyen d’un programme révolutionnaire.

Un tel programme comprend l’expropriation des parasites financiers et l’utilisation de leur richesse mal acquise pour fournir des emplois bien payés, l’éducation, des logements, de la nourriture, des soins de santés et des retraites à tous.

(Article original paru le 17 avril 2013)

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