Montée des grèves et de la colère populaire en France contre les licenciements massifs et les nouvelles taxes

Jeudi 7 novembre, des travailleurs ont participé à des marches de protestation et occupés des usines dans divers endroits en France, dans le contexte d'une montée de la colère populaire contre le gouvernement du Parti socialiste (PS) de droite dirigé par le président François Hollande.

Les manifestants protestaient contre une vague de licenciements massifs dans les entreprises industrielles et de services, ainsi que contre les augmentations d'impôts et les mesures d'austérité du gouvernement PS. Il y a une colère très répandue contre une importante augmentation de l'impôt sur le revenu décidée par le PS qui frappe particulièrement les travailleurs, et contre l'« écotaxe » sur les transports en camion qui menace l'existence d'usines de transformation alimentaires déjà en difficulté et de camionneurs travaillant à leur propre compte en Bretagne.

Les manifestations qui ont commencé en Bretagne et exigeaient la suppression de l’écotaxe et la démission de Hollande, se répandent dans toute la France.

Plus de 1200 travailleurs du distributeur La Redoute ont occupé la place centrale de Lille pour manifester contre 700 suppressions d'emplois et demander des garanties sur l'emploi à tous les travailleurs du principal actionnaire de La Redoute, le groupe Kering.

Tôt jeudi matin, des centaines de travailleurs de l'usine Goodyear d'Amiens-Nord ont occupé et bloqué l'usine, qui est menacée de fermeture, ce qui détruirait 1173 emplois.

Six mille sages-femmes et sages-femmes en formation de toute la France ont participé à une marche de protestation à Paris, autour du ministère de la Santé. Les sages-femmes sont en grève depuis trois semaines, elles demandent à bénéficier du statut de praticien de premiers recours pour les soins gynécologiques et celui de praticien hospitalier, ce qui leur garantirait une meilleure rémunération et reconnaissance professionnelle.

Leurs pancartes disaient « Métier formidable, conditions fort minables » et « Cigognes mais pas pigeons » - dénonçant ainsi la campagne de l'an dernier des « pigeons » sur les médias sociaux qui demandaient moins de taxes sur les entreprises et d'autres concessions aux intérêts du patronat.

Les journalistes de la télévision publique (France 2, France 3, France 4, France 5 et RFO) ont également organisé une grève nationale d'un jour contre un plan de licenciement de 361 emplois annoncé le mois dernier, ils ont organisé un rassemblement au centre de Paris.

La destruction des emplois se poursuit. Le fabricant d'appareils ménagers Fagorbrandt qui emploie 1870 travailleurs s'est déclaré en faillite hier.

Une colère explosive s'accumule dans la classe ouvrière et des sections des classes moyennes contre les politiques d'austérité de Hollande. Les sondages publiés hier ont montré que Hollande est le président le plus impopulaire de l'histoire française – battant ainsi un record établi précédemment par le président de droite Jacques Chirac – avec un taux d'approbation de 25 pour cent et une désapprobation à 72 pour cent. Il est tombé à 56 pour cent parmi son propre électorat du premier tour des élections présidentielles de l'an dernier, ce qui entraîne des craintes que l'opinion publique ne se retourne violemment contre lui.

« Le risque majeur pour lui, dans les prochains mois, c'est de basculer dans l'impopularité auprès de ce noyau dur » a déclaré le sondeur du CSA Yves-Marie Cann, ajoutant qu'« un signal d'alarme s'est déclenché ».

La faillite du capitalisme et le discrédit de la « gauche » bourgeoise française créent les conditions nécessaires pour une montée de la lutte des classes qui aura des implications révolutionnaires. Dans un contexte de craintes montantes que les politiques du PS n'imposent en France les conditions de régression sociale cauchemardesques que l'Union européenne (UE) a imposé à la Grèce, les sondages indiquent que les deux tiers de la population sont prêts à rejoindre les manifestations de masse contre les taxes et pour les emplois.

Les sentiments en faveur des grèves et des manifestations contre Hollande sont le plus forts dans la classe ouvrière. Les sondages ont établi que 76 pour cent des ouvriers, 71 pour cent des employés et 47 pour cent des cadres et artisans soutiennent les grèves contre la politique de Hollande.

En avril, un autre sondage indiquait que 70 pour cent de la population française croit qu'il y aura une « explosion sociale » dans les mois à venir, et ce taux et à 81 pour cent chez les ouvriers.

Les porte-parole politiques de l'élite dirigeante parlent maintenant ouvertement de leur crainte de soulèvements. Le député de droite Philippe Gosselin a déclaré au Nouvel Observateur, que « Cette colère est inquiétante. Je ne dis pas que le pays est au bord du chaos social mais les Français sont à bout. J'entends souvent des gens dire ‘ça donne envie de tout casser, de faire comme les Bretons’ ».

Le gouvernement partage ces inquiétudes. Admettant qu'il se sentait « très démuni » concernant la manière de s'adresser aux électeurs, François-Michel Lambert du parti des Verts, un partenaire de la coalition PS au pouvoir, a déclaré : Les gens en ont marre qu'il n' y ait pas de retour sur les sacrifices consentis. »

La colère sociale montante dans la classe ouvrière l'amène en collision avec les forces réactionnaires de la « gauche » petite-bourgeoise, comme le Nouveau parti anti-capitaliste, le Front de gauche, et la bureaucratie syndicale. Ces forces ont soutenu le PS et l'élection de Hollande l'an dernier.

De manière significative, les bureaucraties syndicales et le Front de gauche sont explicitement hostiles aux manifestations écotaxe en Bretagne (Lire : Des travailleurs de l'agroalimentaire et des patrons de Bretagne protestent contre l’écotaxe en France).

Comme le montre la montée de la colère dans la classe ouvrière, l'échec de ces organisations à mobiliser l'opposition contre Hollande ne reflète pas le manque d'une large opposition populaire au président du Parti socialiste. Ces alliés de longue date du PS ne voulaient pas mobiliser l'opposition populaire contre une figure dont ils soutiennent la politique.

Répondant aux appels des banques et de l'UE pour des mesures d'austérité intensifiées et ignorant l'opposition populaire qui monte, le gouvernement PS signale qu'il va continuer à faire passer de nouvelles attaques contre la classe ouvrière. En parlant au quotidien Les Échos mercredi, le ministre délégué chargé du Budget Bernard Cazeneuve (PS) a promis « d'aller plus loin dans les coupes, » et de supprimer encore 3 milliards d'euros du budget public pour maintenir le déficit budgétaire à 4,1 pour cent du PIB.

Cazeneuve a décrit sans ambages une politique d'austérité sans fin qui ne tient aucun compte de l'opposition populaire : « il faut mettre le cap sur les économies, jusqu'à la fin de la législature. Nous avons déjà décidé de 15 milliards d'économies pour 2014, ce qui est sans précédent, comme l'a reconnu d'ailleurs mardi la Commission. En 2015, il faudra porter notre ambition encore plus loin, et continuer en 2016 et en 2017 ».

(Article original paru le 8 novembre 2013)

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