La France profite du meurtre des journalistes de RFI pour intensifier sa guerre au Mali

Le meurtre de deux journalistes français au Nord Mali il y a une semaine est utilisé comme prétexte par Paris pour poursuivre sa guerre au Mali, déguisée en une lutte contre « le terrorisme islamiste. »

Le 2 novembre, la correspondante expérimentée Ghislaine Dupont et le technicien de production Claude Verlon, qui travaillaient pour la chaîne Radio France Internationale (RFI) ont été enlevés par des hommes armés non identifiés. Ils venaient de s'entretenir avec un chef séparatiste touareg du MNLA (Mouvement national pour la libération de l'Azawad), dans la ville de Kidal au Nord du Mali. Quelques heures plus tard, ils ont été retrouvés morts à plusieurs kilomètres à l'Est de Kidal.

Les circonstances du meurtre des journalistes restent troubles. Il a eu lieu dans une région située au cœur de la guerre de la France au Mali, où la France maintient une forte présence militaire aux côtés des forces de l'ONU. Ces dernières semaines, des forces françaises et de l'ONU ont lancé des opérations de grande envergure au Nord du Mali, soi-disant pour écraser les « mouvements terroristes. »

Des témoins ont déclaré qu'un hélicoptère militaire français survolait la zone après l'enlèvement des journalistes. Avec certaines indications sur la possibilité d'un incident causé par des tirs français, la présidence française a déclaré à RFI que « l'autorisation de l'usage de la force n'a été ni demandée ni accordée. »

Le 6 novembre, Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) a revendiqué la responsabilité des deux meurtres. Dans une déclaration publiée par l'agence de presse mauritanienne Sahara Media, AQMI a dit que Dupont et Verlon avaient été tués en représailles des « crimes perpétrés par la France et ses alliés des Nations-unies, maliens et africains. »

Cette source n'a pas pu être complètement vérifiée cependant. Jeudi, le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius s'est contenté de dire, « Nous sommes en train de la vérifier mais elle semble plausible. »

Le meurtre des journalistes est intervenu quelques jours seulement après la libération de quatre otages français, détenus par AQMI depuis trois ans, au Niger voisin. Même si Paris l'a nié, les médias ont indiqué qu'une rançon de 20 millions d'euros aurait été versée.

Paris a répondu au meurtre des journalistes en envoyant 150 soldats depuis le Sud du Mali jusqu'à Kidal. La France a déployé près de 3 200 soldats au Mali depuis que le gouvernement Hollande a lancé son intervention militaire au début de janvier.

Plus largement, elle se sert de l'incident pour ralentir la diminution prévue des troupes françaises déployées au Mali. « Immédiatement, le président de la République a décidé de renforcer pas déplacement géographique notre présence du sud vers Kidal, mais cela ne remet pas en cause le calendrier général de présence puis de réduction de présence de la force française, » a déclaré Fabius au cours d'un entretien avec RFI.

En fait, Paris a déjà retardé de deux mois le plan initial de réduire le nombre de soldats de 3200 à 1000 pour la fin de l'année. Malgré les promesses cyniques de réduire les effectifs, les soldats français sont déployés de manière permanente, et jouent le rôle dominant dans la mission militaire dite MINUSMA qui va prendre le relais avec un afflux de 12 600 soldats dans la région.

La semaine dernière, les Pays-Bas ont promis d'envoyer des hélicoptères de combat et environ 380 soldats pour renforcer la mission de l'ONU au Mali.

L'enlèvement et le meurtre des deux journalistes de RFI sont profondément réactionnaires et ont provoqué des réactions d'horreur et de tristesse en France. S'il devait être confirmé que les forces d'AQMI ont perpétré ce meurtre, cela soulignerait une fois de plus le caractère réactionnaire d'Al Qaïda, une force avec laquelle Paris a beaucoup travaillé dans ses guerres en Libye et en Syrie. Les milices islamistes soutenues par des avions de combat et des commandos français, américains et de l'OTAN ont fourni les troupes au sol essentielles à la destruction du régime du colonel libyen Mouammar Kadhafi.

La collaboration de Paris avec Al Qaïda en Libye souligne que la responsabilité politique principale pour le décès de Dupont et Verlon n'est pas imputable aux diverses milices et groupes criminels liés à AQMI, mais au gouvernement français.

La guerre du Mali est intimement liée à la guerre de l'OTAN contre la Libye en 2011, au cours de laquelle, Paris a travaillé en étroite collaboration avec des forces islamistes liées à Al Qaïda. Paris a lancé son intervention en janvier au Mali, ex-colonie française, afin de soutenir le régime impopulaire de la junte militaire établie à Bamako après la prise d'une grande partie du Nord du Mali par les forces rebelles au début de 2012, et qui avait déclenché un coup d'Etat militaire dans la capitale.

L'armée, dirigée par le Capitaine Amadou Sanogo, a fait tomber le président Amadou Toumai Touré avant les élections présidentielles prévues pour avril 2012. L'armée a accusé Touré de ne pas lutter efficacement contre les milices touaregs, qui s'étaient fournies en armes auprès des forces islamistes libyennes après le pillage des stocks d'armes du gouvernement libyen une fois que l'OTAN avait détruit le régime de Kadhafi.

Hollande a réagi en lançant une guerre au Mali tout juste 6 mois après son élection. Cette décision souligne l'imprudence de plus en plus ouverte de la politique militaire de l'impérialisme français en Afrique et au Moyen-Orient. Paris ajouté à sa criminalité en s'alliant ensuite à nouveau à des forces semblables liées à Al Qaïda dans la guerre par procuration menée par l'OTAN en Syrie.

L'intervention française au Mali est une guerre politiquement criminelle, qui combine la poursuite des intérêts stratégiques et économiques de l'impérialisme français en Afrique avec une conspiration politique visant à renforcer les attaques sociales contre la classe ouvrière à l'intérieur du pays. Des responsables français et des journalistes ont clairement dit à plusieurs reprises que le but de cette intervention est de pousser le climat politique en France franchement à droite, pour permettre à Hollande de poursuivre ses attaques impopulaires contre la classe ouvrière.

Quand la guerre a été lancée, les responsables français et les médias comparaient la guerre du Mali avec la guerre des Malouines de 1982 lancée par le premier ministre Margaret Thatcher. Le magazine d'information Le Point a fait un reportage indiquant qu'« À l'Élysée, les conseillers de Hollande rêvent, comme le dit l'un d'eux, d'un "effet guerre des Malouines. » La journaliste du Point Anna Cabana expliquait le contenu de cette stratégie tel qu'il lui était présenté par les conseillers de Hollande : « Lorsque les troupes argentines débarquent aux Malouines en 1982, Margaret Thatcher décide de répliquer militairement. La dame de fer, qui était alors extrêmement impopulaire à cause de ses réformes drastiques, embarque le Royaume-Uni dans une aventure militaire qui a assuré la réélection de son gouvernement en 1983. »

Après avoir obtenu sa réélection en 1983, Thatcher avait accentué ses attaques sociales contre la classe ouvrière. Avec l'aide des syndicats britanniques, le gouvernement Thatcher avait vaincu la grève des mineurs en 1985, durant laquelle 20 000 mineurs avaient été blessés, 13 000 arrêtés, 200 emprisonnés, près de 1000 licenciés sur le champ, et deux tués sur le piquet de grève. Elle avait enchaîné en imposant une politique de désindustrialisation et de financiarisation, fermant des industries et détruisant des milliers d'emplois.

Les commentaires du gouvernement Hollande selon lesquels le gouvernement modèle sa politique sur celle de Thatcher témoignent de la criminalité politique du Parti socialiste de François Hollande comme de l'ensemble de l'élite médiatique et politique, qui n'ont pas remis en cause cette politique.

S'étant rendu lui-même profondément impopulaire par ses attaques contre les emplois et les dépenses sociales, Hollande essaie de se rallier du soutien en se lançant dans des aventures militaires de plus en plus dangereuses à l'extérieur, il espère ainsi se donner un avantage dans l'opinion pour poursuivre avec des attaques sociales encore plus graves.

On aurait du mal à imaginer un exemple plus dévastateur de la faillite du capitalisme en Europe. Poussé par des contradictions sociales qu'il ne peut pas résoudre, Paris tente de trouver une solution à ses problèmes intérieurs par l'aventurisme militaire et les agressions.

(Article original paru le 11 novembre 2013)

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