Des élections présidentielles au Mali alors que la France continue d'occuper ce pays

Les résultats du premier tour des élections présidentielles, qui s’est déroulé le 28 juillet au Mali, occupé par des troupes françaises et onusiennes, ont donné vainqueur l’ancien premier ministre Ibrahim Boubacar Keïta du Rassemblement pour le Mali (RPM) avec 39,79 pour cent du scrutin.

L’ancien ministre des Finances Soumaïla Cissé est arrivé en seconde position, obtenant 19,7 pour cent des voix tandis que Dramane Dembélé, le candidat de la plus importante formation politique au Mali, l’Alliance pour la démocratie au Mali (Adéma), est arrivé troisième avec 9,6 pour cent des voix. Modibo Sidibé, un autre ancien premier ministre, est arrivé quatrième et a recueilli 4,9 pour cent des voix. Les 23 autres candidats se partagent les voix restantes.

Les élections ont été organisées pour conférer une justification pseudo-démocratique à l’invasion et à l’occupation néocoloniale du Mali par la France. Le taux de participation de seulement 48,98 pour cent reflète une large hostilité populaire contre la guerre menée par la France et contre une élection qui s’est tenue sous l’occupation française ainsi que la crainte des électeurs de la violence continue et du fait que les élections sont organisées durant la fête du ramadan.

Le second tour des élections entre Keïta et Cissé est prévu le 11 août. Dembélé a déclaré son soutien pour Keïta allant contre la préférence de son propre parti pour Cissé tandis que Sidibé s’est rallié à Cissé.

Le député Oumar Mariko, qui a fondé le parti Solidarité africaine pour la Démocratie et l’Indépendance (SADI), soutenu par le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) en France est arrivé sixième. Pour le second tour des élections le 11 août, Mariko a transféré son soutien à Keïta, le candidat favori de Paris. Ceci montre comment en France les forces de la pseudo-gauche telles que le NPA contribuent à fournir une couverture politique à la guerre française au Mali en promouvant divers politiciens favorables à l’impérialisme français.

Les organisateurs de l’élection ont dû faire face à des accusations généralisées de fraude et de trucage, tout particulièrement dans le nord. Tiébilé Dramé, le « négociateur des accords de paix » entre Bamako dans le sud et les forces d’opposition dans le nord, avait retiré sa candidature en accusant le gouvernement intérimaire mis en place par la France de ne pas avoir respecté les procédures démocratiques. « La loi électorale a été violée car à la date du 25 juin, il n’y avait pas de liste électorale établie à Kidal (principale ville de la rébellion touareg), » a-t-il dit.

Dramé a aussi dit que l’insistance à tenir les élections le 28 juillet, comme l’exigeait la France, « priv[ait] de nombreux Maliens de leurs droits [de vote]. »

Des sources gouvernementales ont annoncé un taux de participation de 12,4 pour cent seulement à Kidal, l’une des principales villes du nord du Mali où l’élection s’est tenue sous la surveillance des forces armées de l’ONU. Un responsable local malien a expliqué à Kidal que la présence de l’ONU dans cette ville avait découragé de voter et dit à Jeune Afrique : « Ils n’aiment pas être fouillés en public et enlever leur turban. Ce qui fait que beaucoup sont restés à la maison, » pour les élections.

403.532 bulletins blancs au total ont été décomptés dans un pays qui compte 15 millions d’habitants. Un demi-million de personnes déplacées et réfugiées dans les pays avoisinants ont été dans l’incapacité d’y participer. Sur les 50.000 Maliens qui sont réfugiés au Burkina Faso – dont 3.500 étaient inscrits sur les listes électorales – seuls 50 ont voté.

En France, où vivent 200.000 Maliens, seuls 29.000 avaient reçu leur carte d’électeur et à peine une centaine de votes ont été enregistrés. Aucune information n’était disponible quant à l’emplacement des bureaux de vote.

Les élections au Mali sont une fraude et n’offre aucun choix aux travailleurs et aux paysans maliens qui ne peuvent faire confiance à aucun des candidats pour la défense de leurs droits démocratiques.

Si aucun des candidats ne s’oppose à l’intervention de l’impérialisme français, Paris a pourtant privilégié Keïta. Il est l’une des figures influentes de l’Internationale socialiste dont fait partie le Parti socialiste français (PS). Le premier secrétaire du Parti socialiste français, Harlem Désir, a rencontré Keïta le 10 juin à Paris pour discuter de la « transition démocratique. »

Keïta a même cherché à défendre le capitaine Amadou Haya Sanogo qui avait été à la tête du coup d’Etat militaire pour le renversement du dernier gouvernement en mars 2012 et qui avait provoqué à son tour la guerre civile entre Touaregs et djihadistes, ce qui avait servi de prétexte à Paris pour envahir le Mali. Keïta avait affirmé lors d’une interview accordée à la chaine de télévision France 24 qu’il y avait eu « trop d’exagération concernant le capitaine Sanogo. »

La promotion par le gouvernement PS de Keïta qui lui, défend Sanogo, démasque le caractère frauduleux des prétentions qu'a l’impérialisme français d’intervenir dans le but de promouvoir la démocratie au Mali. Ce dernier cherche au contraire à former des forces locales pour les faire opérer comme ses représentants néo-coloniaux au Mali.

Durant la guerre en cours, 4.300 troupes françaises, soutenues par 6.000 troupes de l’ONU à forte composante africaine, sont en train de combattre pour rétablir le contrôle du gouvernement central de Bamako sur le Mali Nord dont des milices touaregs et djihadistes avaient pris le contrôle lors d’un soulèvement conjoint. Ce qui est sous-jacent à l’intervention néocolonialiste de l’impérialisme français dans sa défense du régime fantoche à Bamako ce sont ses intérêts économiques et stratégiques en Afrique occidentale.

La mine du groupe nucléaire Areva à Arlit, au Niger voisin, a été attaquée le 23 mai dernier causant une perte de production de 27 millions d’euros. L’attaque avait été revendiquée par le Mouvement pour l’Unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao).

La France envisage de maintenir au moins un millier de troupes au Mali et a acheté 12 drones aux Etats-Unis afin de cibler les forces djihadistes se trouvant dans le nord et de terroriser la population en général.

(Article original paru le 9 août 2013)

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