Les protestations dans un camp de détention grec montrent la violence d'Etat infligée aux immigrés en Europe

Les protestations de travailleurs immigrés du week-end dernier en Grèce soulignent la violence de plus en plus grande que subissent ceux-ci de la part des Etats dans toute l'Europe.

Samedi soir, des dizaines d’immigrés du camp de détention d’Amygdaleza près d’Athènes ont refusé de réintégrer leurs cellules dortoirs et mis le feu à leurs matelas. Les détenus ont protesté contre les conditions inhumaines qui existent dans le camp et contre une décision permettant le rallongement de leur durée de détention de 12 à 18 mois.

Selon un article de presse, l’électricité avait été coupée dans le camp plusieurs jours auparavant, ce qui suggère une provocation délibérée de la part des autorités.

Les détenus ont lancé des bouteilles d’eau et des pierres contre la police qui a envahi le camp utilisant du gaz lacrymogène et des grenades assourdissantes. Après des affrontements prolongés, la police a arrêté plus de 50 des 1.620 immigrés se trouvant dans le camp.

Le centre de détention d’Agmydaleza, situé près d’un centre de formation de la police au pied du Mont Parnitha, a été critiqué par les organisations de défense des droits de l’homme pour son traitement épouvantable des réfugiés. Des photos du camp montrent de jeunes détenus debout derrière des clôtures de sécurité hautes de plus de deux mètres et surmontées de rangées de fil de fer barbelé.

Après les récents affrontements, Sotiris Douros, le maire de la région a dit à la presse qu’il considérait la révolte comme inévitable et remarqua que le gouvernement municipal avait mis en garde il y a longtemps contre le risque d’un tel incident. Il a qualifié les conditions régnant dans le camp d’intolérables. S’exprimant à la télévision, le chef du syndicat de la police locale a averti que de tels incidents se reproduiraient.

Les détenus du camp d’Amygdaleza avaient entamé une grève de la faim en avril pour protester contre leurs conditions de détention. 2.000 autres immigrés détenus dans des camps ailleurs dans le pays s’étaient joints à leur grève.

Après cette grève de la faim, en mai, un certain nombre de groupes de défense des droits de l'homme avaient organisé des protestations devant le camp d’Amygdaleza; un groupe de dix personnes a obtenu le droit d’entrer dans le camp. Ces organisations ont alors publié un communiqué disant : « Les conditions de détention demeurent abominables… surpopulation, hygiène minimale, cour de récréation incomplète ou inexistante, des soins médicaux inadéquats ou nuls, des cas de brutalité policière. Des milliers de gens sont entassés dans les cellules du camp de détention sans aucune préoccupation pour leur bien-être et sans même disposer du droit des prisonniers. »

La délégation a conclu que le centre était une prison qui « détruit les droits fondamentaux et qui devrait être fermée. »

Dans son rapport annuel sur la violation des droits de l’homme publié fin mai, Amnesty International (AI) a sévèrement critiqué la Grèce pour son traitement des immigrés. Le rapport avait spécifiquement décrit les conditions existant au centre de détention grec des immigrés à Elliniko comme étant « inhumaines et dégradantes. »

Le même rapport a condamné la construction récente d’un mur à la frontière entre la Grèce et la Turquie qui est destiné à dissuader les réfugiés d’entrer en Grèce. Le rapport d’AI critiquait encore un total de 24 Etats de l’Union européenne, dont la France, l’Allemagne et l’Italie pour leurs propres exactions graves commises contre des réfugiés et des travailleurs immigrés.

Le traitement brutal infligé aux immigrés et aux réfugiés en Grèce est la conséquence de la politique de la 'forteresse Europe' adoptée par l’Union européenne et qui vise à dissuader tous ceux qui fuient la guerre, la persécution politique et la pauvreté de s’établir en Europe. L’agence européenne de contrôle aux Frontières, Frontex, collabore avec l’Etat grec et la police grecque dans la mise en place de centres qui sont surpeuplés et qui se caractérisent par des conditions dégradantes et inhumaines. Seul un infime pourcentage de ceux qui cherchent refuge en Grèce est finalement autorisé à rester dans le pays.

Depuis 2006 Frontex accorde à la Grèce une aide importante pour la surveillance de ses frontières territoriales et maritimes. Deux opérations – RABIT (unité d’intervention rapide aux frontières) et Poséidon – ont comporté l'envoi de centaines de policiers européens pour le renfort et la formation des policiers et garde-frontières grecs à l’intérieur du pays et sur la frontière avec la Turquie.

Le 1er octobre Frontex a mis en service au Pirée sa toute première succursale spécialisée, le soi-disant Bureau opérationnel de Frontex. L’UE a aussi fourni des finances pour la construction d’un réseau de camps de détention à travers toute la Grèce.

La Grèce a reçu, entre 2007 et 2011, 119 millions d’euros (158 millions de dollars) du Fonds pour les frontières extérieures (External Borders Fund) et 52 millions d’euros (69 millions de dollars) du Fonds européen pour le retour (EU Return Fund). Le Bureau européen d’Appui pour l’Asile (European Asylum Support Office, EASO) collabore également étroitement avec la Grèce pour l’application de son « plan d’action » en vue d’un rapatriement rapide de réfugiés qui cherchent à entrer dans le pays.

Les conditions déplorables qui règnent partout dans les camps financés par l’UE en Grèce sont en train de déclencher les protestations des immigrés. Celles-ci sont à leur tour exploitées par le gouvernement et les médias grecs pour attiser le racisme et détourner l’attention de la crise sociale qui existe dans le pays au bout de quatre ans de mesures d’austérité dictées par l’UE au nom des banques internationales.

Une autre indication des conditions fatales auxquelles sont confrontés les immigrés qui tentent d’entrer en Europe est la noyade ce week-end de six jeunes Egyptiens au large de la Sicile après que leur bateau se soit échoué. Le bateau de pêche délabré transportait plus de 100 immigrés originaires d’Egypte et de Syrie.

Selon le site web United Against Racism, un total de 17.306 demandeurs d’asile, de réfugiés et d’immigrés sans papiers sont morts entre 1993 et la fin de l’année dernière en tentant de poser pied sur le sol européen.

(Article original paru le 13 août 2013)

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