Sous le prétexte d’une attaque chimique

Les Etats-Unis préparent une attaque militaire contre la Syrie

Les responsables ont présenté une série d’options qui sont envisagées pour une attaque directe lancée par les forces militaires américaines et alliées contre la Syrie en utilisant comme prétexte l’attaque aux armes chimiques présumée de mercredi. L’accélération des préparatifs militaires montre clairement que les événements de mercredi font partie d’une provocation servant à justifier une nouvelle guerre coloniale de plus au Moyen-Orient.

La menace grandissante d’une intervention directe américaine dans la guerre pour un changement de régime menée contre le président syrien Bachar al-Assad a aussi été soulignée vendredi par le président Obama qui a profité d’une interview accordée à CNN pour indiquer qu’il cherchait à mobiliser le soutien international et une certaine forme de couverture juridique pour une attaque menée par les Etats-Unis.

Le journal New York Times a affiché vendredi à la Une un article selon lequel de hauts responsables du Pentagone, du ministère des Affaires étrangères et des agences de renseignement ont rencontré jeudi pendant trois heures et demie des responsables de la Maison Blanche pour ébaucher de possibles mesures militaires. L’article cite des responsables anonymes disant qu’aucune décision n’a été prise, en raison de divergences internes, quant au lancement ou non d’une action militaire américaine directe dans les prochains jours.

Selon le Times, les options militaires discutées vont de frappes de missiles de croisière lancés depuis des navires américains, actuellement déployés en Méditerranée, à une guerre aérienne totale ciblant à la fois des sites civils et militaires. Le journal écrit : « Les objectifs pourraient inclure des batteries de missiles ou d’artillerie servant au lancement de munitions chimiques ou de gaz neurotoxique, ainsi que des installations de communication et des installations auxiliaires. Les symboles de pouvoir du gouvernement Assad, à savoir les quartiers généraux et les locaux gouvernementaux, pourraient également figurer parmi les cibles proposées, ont dit les responsables. »

Le Wall Street Journal, rapporte aussi à la Une que jeudi le Pentagone a « mis à jour des listes de cibles pour d’éventuelles frappes aériennes contre une série d’installations gouvernementales et militaires syriennes… dans le cadre des plans d’intervention d'urgence au cas où le président Barack Obama déciderait d’agir. »

Le journal poursuit: « Les options militaires américaines comprennent des frappes potentielles contre des ‘cibles du régime’, y compris des organes gouvernementaux syriens cruciaux à la poursuite de son effort de guerre. De plus, les options incluent des frappes contre les ‘systèmes et capacités de livraison’ de l’armée syrienne qui sont soit directement utilisés lors d’attaques au gaz toxique soit qui les facilitent, allant de postes de commandement et de contrôle aux batteries d’artillerie au front, ont dit les responsables. »

D’autres options envisagées incluraient des attaques « à distance » ne nécessitant pas le déploiement d’avions américains dans l’espace aérien syrien comme dans le cas cette année des attaques de missiles lancées par Israël contre des cibles syriennes.

« Ces options sont en train d’être mises au point par les responsables de l’armée, » a précisé le Journal, « de sorte que M. Obama soit en mesure d’agir à courte terme s'il était déterminé que les forces de M. Assad ont procédé à des attaques chimiques et si M. Obama décidait de répondre par la force. »

Les préparatifs pour une action militaire directe des Etats-Unis se déroulent dans le contexte d’une propagande incessante du gouvernement et des médias, qui s’appuie sur des rapports encore infondés d’une attaque aux armes chimiques contre des villes à l’est de Damas pour accuser le régime syrien de crimes de guerre et pour justifier une intensification de la guerre sectaire menée par l’impérialisme et qui a déjà dévasté le pays.

Les estimations du nombre de victimes faite par l’attaque, estimations émanant toutes des milices de l’opposition et de responsables de groupes qui les soutiennent, varient considérablement entre 130 et 2.000 et aucune preuve n’a été apportée pour impliquer le gouvernement syrien qui a démenti avoir joué le moindre rôle.

Aucun responsable américain, français ou britannique ni aucun commentateur des médias n'a expliqué ce que le régime syrien aurait à gagner à perpétrer une telle attaque à ce moment précis. Le gouvernement a infligé, ces dernières semaines, d’importantes défaites militaires aux milices de l’opposition soutenues et armées par les Etats-Unis, y compris au Front al Nusra qui est lié à al Qaïda, et a lancé cette semaine une offensive pour reprendre les banlieues de Damas qui sont actuellement contrôlées par al Nusra.

Du reste, l’attaque chimique présumée s’est produite quelques jours à peine après l’arrivée de l’équipe des inspecteurs des Nations unis qui a été invitée par la Syrie pour enquêter sur les précédentes et présumées attaques à l’arme chimique. Pourquoi le régime commettrait-il une attaque chimique à quelques kilomètres à peine de la capitale où est basée l'équipe d’inspecteurs de l’ONU?

Les soi-disant « rebelles » par contre auraient de bonnes raisons de faire une provocation dans une situation où ils risquent d’être chassés de leurs sanctuaires proches de la capitale et parce qu’ils sont empêtrés dans une rude bataille avec les milices locales kurdes. Les assassins d’al Qaïda du Front al Nusra sont parfaitement capables de tuer des quantités voire même des centaines de civils dans le but de promouvoir leur programme réactionnaire.

Les milices de l’opposition se sont vantées de posséder des armes chimiques et d'être prêtes à les utiliser. En mai dernier, les médias turcs avaient fait état de l’arrestation de « rebelles » syriens qui détenaient du gaz sarin neurotoxique. Egalement en mai, la responsable de l’ONU, Carla Del Ponte avait déclaré qu’il existait des preuves « fortes et concrètes » que du sarin avait été utilisé par les forces soutenues par l’Occident.

Obama avait tout simplement ignoré ces faits et annoncé en juin, et ce sans fournir de preuve, que les Etats-Unis avaient conclu que le régime syrien avait utilisé des armes chimiques. Ceci avait servi de prétexte pour annoncer l’armement direct par les Etats-Unis des soi-disant « rebelles ».

On fait valoir que pour les Etats-Unis une importante intensification militaire en Syrie pourrait sauver sa guerre faiblissante visant à renverser le régime d'Assad, unique allié arabe de l’Iran, afin de mettre en place un régime fantoche qui adhérerait à une guerre menée par les Etats-Unis contre Téhéran. Washington considère que le régime iranien est un obstacle à sa détermination à asseoir l’hégémonie incontestée des Etats-Unis au Moyen-Orient riche en pétrole.

Tels sont les véritables calculs qui se cachent derrière les jacasseries hypocrites sur les droits humains et la protection des civils. Un autre avantage de l’intensification militaire en Syrie est que cela aurait le pouvoir de détourner l’attention du public de l’indéniable tuerie de masse perpétrée en Egypte par la junte militaire soutenue par les Etats-Unis. Aucun responsable de l’ONU ni aucun organe de presse n’exige une action militaire américaine pour protéger les manifestants civils qui sont tués en Egypte, ce qui ne fait que prouver que l'impérialisme américain a recours à deux poids et deux mesures lorsqu’il est question de « droits humains ». Le souci du respect des droits de l'homme ne s'applique que pour les régimes que les Etats-Unis souhaitent supprimer, pas pour ceux qu’ils soutiennent.

Vendredi, le New York Times s’est associé à la campagne médiatique pour une intensification de la guerre en Syrie dans un éditorial disant que « les Etats-Unis et d’autres grandes puissances devront très certainement réagir bien plus agressivement qu’ils ne l’ont fait jusque-là » si les décès survenus près de Damas « se révélaient être l’œuvre » du régime d'Assad.

Dans son entretien accordé jeudi à la chaîne de télévision CNN et diffusé vendredi matin, Obama a qualifié l’attaque chimique présumée d’« événement important, un sujet de grave préoccupation. » Il a souligné la demande de Washington, qui a été retenue par les alliés des Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France ainsi que le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, pour que le gouvernement syrien autorise l’accès immédiat à la région où l’attaque aurait été commise à l’équipe des inspecteurs de l’ONU.

Cette exigence qui ignore le fait que la région à l’est de Ghouta est encore contrôlée par al Nusra, semble avoir pour but de créer le prétexte à une intensification militaire. « Nous n’attendons pas de coopération, du fait de ses antécédents, » a dit Obama en parlant du régime d'Assad.

Il reste à voir si Damas approuvera cette demande qui a été appuyée par son principal allié international, la Russie. Assad a de bonnes raisons de redouter un piège et un coup monté, vu le rôle joué par l’ONU dans l’approbation et la participation à chaque guerre d’agression impérialiste à commencer par l’Afghanistan, et la Libye, en passant par l’Irak.

Tout en plaidant pour une certaine prudence, Obama a décidé de présenter les arguments en faveur d’une intervention militaire directe américaine en déclarant, « Puis ceci commence à toucher au cœur de certains intérêts nationaux des Etats-Unis, tant pour s'assurer que les armes de destruction massive ne prolifèrent pas, que par nécessité de protéger nos alliés et nos bases dans la région. »

Il a de plus indiqué le souhait de rallier le soutien des alliés de Washington en Europe et au Moyen Orient derrière une attaque menée par Etats-Unis contre la Syrie ainsi que l’inquiétude de fournir une couverture à une telle décision. « Si les Etats-Unis y vont et décident d’attaquer un autre pays sans avoir reçu le mandat de l’ONU et sans présenter de preuves évidentes, » a-t-il dit, « alors on peut se demander si le droit international l’approuve, si nous disposons de la coalition pour réussir… »

Entre-temps, les tambours de la guerre ont redoublé vendredi venant tant des responsables américains que britanniques. Les responsables du gouvernement Obama ont dit que le service de renseignement américain avait détecté, avant la présumée attaque de mercredi, des activités sur les sites d'armes chimiques de la Syrie. Les responsables anonymes ont déclaré que les agences de renseignement américains « penchaient pour la conclusion que la Syrie avait fait usage d’armes chimiques. »

Le ministre britannique des Affaires étrangères, William Hague, a précisé dans une déclaration faite à la télévision que la possibilité que l’opposition syrienne soit responsable de l’attaque était « extrêmement réduite ». Il a poursuivi en disant, « Nous pensons vraiment qu’il s’agit d’une attaque chimique commise par le régime d'Assad à une grande échelle, » en ajoutant que « nous n’excluons aucune option pour l’avenir. »

Les responsables russes ont continué à qualifier l’attaque chimique présumée de provocation faite par l’opposition. L’ambassadeur russe au Liban, Alexander Zasypkin, aurait dit, selon l’agence d’information officielle syrienne, SANA, « J’aimerais rappeler que la question des armes chimiques ne devrait pas être exploitée pour atteindre d’autres objectifs, comme ce fut le cas en Irak. »

Le ministère russe des Affaires étrangères a déclaré, « Davantage de preuves nouvelles commencent à émerger, selon lesquelles ce geste criminel était clairement provocateur… Des rapports sont en train de circuler, notamment sur Internet, selon lesquels des informations faisant état de l’incident et incriminant les troupes gouvernementales ont été publiées plusieurs heures avant la soi-disant attaque. Il s’agit donc d’une action préalablement planifiée. »

Avant même toute attaque militaire américaine ouverte, l’implication des Etats-Unis dans les combats en Syrie est en train d'augmenter. Euronews.com a cité jeudi différents articles français et israéliens selon lesquels des commandos jordaniens, israéliens et américains sont en train de diriger des centaines de rebelles syriens qu’ils ont formés pour les mener à Damas. « Les rapports affirment qu’une force de quelque 300 hommes est entrée le 17 août en Syrie en provenance de la Jordanie, et qu’un second groupe a franchi la frontière le 19 août, » a précisé le site web.

Il poursuit: « Des analystes disent que c’est la première étape de la stratégie américaine, d’entraîner et de diriger sur le terrain des membres de l’Armée syrienne libre triés sur volet afin de délimiter une zone tampon le long de la frontière jordanienne et israélienne à l’intérieur de laquelle des forces rebelles peuvent être entraînées et basées. »

La guerre civile sectaire initiée et soutenue par les Etats-Unis en Syrie continue d’attiser des conflits sectaires dans l’ensemble de la région. Vendredi, deux voitures piégées ont explosé dans la ville de Tripoli au nord du Liban, tuant 42 personnes et en blessant une centaine d’autres. Les bombes visaient la population sunnite et font suite à une série d’attentats à la bombe commis contre le mouvement libanais Hezbollah qui est dominé par les chiites.

De plus, des avions de combat israéliens ont frappé vendredi des soi-disant « sites terroristes » situés entre Beyrouth et Sidon. Il s’agit du premier raid aérien israélien sur cette région depuis l’invasion israélienne du sud Liban en 2006.

La multiplication des provocations et les préparatifs de guerre contre le régime d'Assad menacent de déclencher une guerre bien plus vaste et bien plus sanglante sur l’ensemble du Moyen-Orient, une guerre susceptible d’opposer directement les Etats-Unis à la Russie et à la Chine.

(Article original paru le 24 août 2013)

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