Les États-Unis développent leurs plans pour une intervention militaire en Syrie

Les États-Unis et les principales puissances européennes intensifient leurs plans pour une intervention militaire directe en Syrie.

L'objectif des manœuvres américaines, y compris de la série de visites diplomatiques cette semaine, est de s'assurer de la chute du président Syrien Bashar el-Assad, un allié essentiel de l'Iran, tout en mettant en place un gouvernement qui opérera sous le contrôle de Washington.

La semaine dernière, des responsables américains de haut rang ont annoncé qu'ils déploieraient 200 soldats en Jordanie, qui borde le Sud de la Syrie. Ces responsables ont clairement dit que c'était un premier déploiement de forces pour établir des centres de commandement près de la frontière syrienne, ouvrant la voie à l'envoi de 20 000 soldats ou plus dans les mois qui viennent.

Cet acte d'agression militaire a été suivi cette semaine par une série de menaces et de promesses d'un soutien accru aux forces de l'opposition syrienne.

Répondant à des accusations non confirmées de la part d'Israël selon lesquelles la Syrie aurait utilisé des armes chimiques, le ministre des Affaires étrangères américain John Kerry a déclaré lors d'une réunion de l'OTAN à Bruxelles mardi qu'il était nécessaire de « réfléchir attentivement et collectivement à la manière dont l'OTAN s'est préparé à répondre pour protéger ses membres contre la menace syrienne, y compris toute menace potentielle à l'arme chimique. »

Le gouvernement Obama a précédemment déclaré que l'usage des armes chimiques est une « ligne rouge » qui déclencherait une réaction agressive.

Le secrétaire général de l'OTAN, le général Anders Fogh Rasmussen a ajouté que les membres de l'alliance, qui comptent le voisin du Nord de la Syrie, la Turquie, « ont tous les plans prêts pour assurer la défense et la protection effectives de la Turquie. »

Les accusations israéliennes sur les armes chimiques s'appuient sur des photographies envoyées par les forces de l'opposition concernant une bataille qui a eu lieu à Alep le 19 mars. Le régime d'Assad a affirmé que c'étaient les rebelles, et non les forces gouvernementales, qui ont utilisé ces armes.

La semaine dernière, la Grande-Bretagne et la France ont lancé leurs propres accusations d'usage d'armes chimiques dans une lettre adressée au secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-Moon, en s'appuyant sur des prélèvements de sols fournis par les forces qu'ils soutiennent.

Le ministre des Affaires étrangères russe, Sergei Lavrov a noté que les États-Unis et les puissances européennes ont bloqué une enquête sur ces allégations d'usage d'armes chimiques. « Au lieu d'envoyer un groupe d'experts vers un endroit précis près d'Alep, comme cela avait été promis, ils ont commencé à demander que les autorités syriennes leur donne accès à toutes les installations sur le territoire syrien. Puis ils ont commencé à demander qu'on les autorise à interroger tous les citoyens sur le territoire syrien. »

Il a ajouté, « c'est une tentative de politiser la question et une tentative de présenter à la Syrie les mêmes exigences qui ont été présentées à l'Irak il y a longtemps, quand ils cherchaient des armes atomiques. »

Le gouvernement Obama n'a pas encore officiellement adopté la position selon laquelle la Syrie a utilisé des armes chimiques, il cherche à gagner du temps pour préparer son escalade militaire et assembler puis ravitailler une coalition suffisante pour prendre le pouvoir à Assad.

Au cours du week-end, lors d'une réunion à Istanbul réunissant les 11 membres « principaux » du Groupe des amis de la Syrie, Kerry a annoncé que les États-Unis doubleraient leur assistance « non-létale » aux soi-disant « rebelles » jusqu'à 250 millions de dollars.

D'après Reuters, un responsable américain a déclaré vendredi que cette aide « pourrait inclure pour la première fois des équipements de soutien sur le champ de bataille comme des gilets pare-balles et des lunettes de vision de nuit. » L'agence d'information continue, « les responsables américains ont dit par le passé que ces équipements pourraient comprendre des véhicules blindés et des moyens de communication sophistiqués, mais Kerry n'a donné aucun détail. »

Avec un cynisme sans bornes, Kerry, haut responsable d'un Etat qui a attisé une guerre civile sectaire en Syrie, après avoir infligé une catastrophe en Irak, a déclaré qu'une intervention accrue était nécessaire pour empêcher la Syrie d'« être déchirée et peut-être partagée en plusieurs enclaves [avec le] risque de violences sectaires que cette région ne connaît que trop bien. »

Lundi, l'Union européenne a annoncé qu'elle allait, elle aussi, étendre son aide à l'opposition syrienne, tout en permettant aux importateurs européens d'acheter du pétrole aux groupes syriens pro-occidentaux.

Depuis le début de leurs efforts pour déclencher une guerre civile en Syrie, les États-Unis se sont appuyés lourdement sur les forces islamistes fondamentalistes, en particulier le front Al Nusra, qui a officiellement déclaré son allégeance à Al Qaïda récemment. L'Arabie saoudite et le Qatar ont donné des armes à ces forces, pendant que les États-Unis se sont engagés dans des opérations secrètes pour envoyer des forces islamistes depuis la Libye et d'autres pays pour contribuer à la campagne contre Assad.

Cependant, tandis que Washington se prépare à des efforts plus directs pour faire tomber Assad, il y a des inquiétudes sur le fait que ces forces pourraient arriver au pouvoir, prendre le contrôle des réserves d'armes chimiques et constituer une menace pour les intérêts américains et leurs alliés, dont Israël.

Lors de la réunion de la fin de cette semaine, où Kerry a annoncé des projets pour doubler l'aide américaine, il est parvenu à un accord sur le fait que tous les fonds du groupe des Amis de la Syrie passeraient par le commandement militaire de l'opposition, présidé par Salim Idriss, un ex-général de l'armée d'Assad qui est maintenant proche des Américains. Le gouvernement Obama espère qu'Idriss sera en mesure de bricoler un gouvernement, comprenant des sections de l'armée syrienne, et qui servira de bon intermédiaire pour les intérêts américains.

La décision d'envoyer de l'argent en passant par Idriss a été, d'après Kerry « l'une des choses les plus importantes sur lesquelles un accord a été conclu » lors de la réunion.

Obama lui-même a rencontré mardi l'Émir du Qatar Hamad bin Khalifa al-Thani, un des principaux pourvoyeurs d'armes à l'opposition syrienne, discutant, entre autres choses, du futur des envois d'armes. Les tensions sont montées entre le Qatar et l'Arabie saoudite, d'un côté, et Washington, de l'autre, parce que ces deux Etats du Golfe ont envoyé l'essentiel de leur aide militaire à des milices jihadistes, y compris celles qui sont liées à Al Qaïda.

Obama a dit que ces deux pays doivent « poursuivre une stratégie commune » pour être « une force pour le bien de toute la région. » S'exprimant aux côtés du chef de cette pétromonarchie réactionnaire, il a ajouté que la « grande tragédie » qui se déroule en Syrie pourrait être résolue si le gouvernement actuel « trouve une voie de sortie, et que de nouvelles personnes qui croient en la démocratie prennent sa place. »

Le ministre de la Défense américain Chuck Hagel a entrepris un voyage dans tout le Moyen-Orient, comprenant Israël, la Jordanie, l'Arabie saoudite, l'Égypte et les Émirats arabes unis (EAU). Il met au point les derniers détails d'un accord de vente d'armes à Israël, à l'Arabie saoudite et aux EAU qui se monte à 10 milliards de dollars et dirigé contre l'Iran. D'après le New York Times, l'ensemble comprend « des appareils à décollage vertical Osprey, qui peuvent servir à transporter des troupes et à patrouiller les frontières et les côtes, » deux dizaines d'avions de combat F-16 pour les EAU, et des missiles air-sol guidés de précision pour les EAU et l'Arabie saoudite.

« Deux des systèmes qui doivent être vendus à Israël, une nouvelle génération d'appareils de ravitaillement en vol et des missiles sophistiqués qui se guident sur les signaux radars pour détruire les sites de défense anti-aérienne, seraient importants pour toute attaque contre les sites nucléaires iraniens, » a noté le Times.

En Israël, Hagel a dit dimanche que les ventes d'armes étaient « un autre signal clair adressé à l'Iran. » Il a ajouté, en faisant référence aux États-Unis et à Israël, « c'est une période difficile et dangereuse, c'est une période où amis et alliés doivent rester proches, plus proches que jamais. »

À la suite de sa réunion avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, Hagel a fait escale à Amman en Jordanie, pour des discussions avec le plus haut commandant militaire de cette monarchie, le Général Mesha al-Zaben. D'après le Washington Post, les deux « ont discuté de l'instabilité le long de la frontière Nord de la Jordanie avec la Syrie et ont passé en revue divers plans d'urgence, dont des options pour s'occuper des stocks d'armes chimiques syriennes » c'est-à-dire une intervention militaire en Syrie.

L'escalade massive de la violence militaire au Moyen-Orient, emmenée par les États-Unis, menace d'engloutir toute la région dans une guerre régionale qui risquerait d'entraîner des millions de morts. Une guerre régionale risquerait également d'impliquer rapidement la Russie et la Chine, alliés traditionnels de la Syrie et de l'Iran.

Quelques mois seulement après avoir entamé son deuxième mandat, le gouvernement Obama met en place une trajectoire aux conséquences catastrophiques pour les peuples du Moyen-Orient, des États-Unis et du monde entier.

(Article original paru le 24 avril 2013)

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