Un étudiant tué par des fascistes en plein centre de Paris

Un étudiant antifasciste de 18 ans a été frappé à mort dans l’après-midi du 5 juin par un groupe de voyous fascistes près de la gare St Lazare en plein centre de Paris. Le lendemain, il était déclaré en état de mort cérébrale à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière.

Clément Méric était arrivé en retard pour retrouver un groupe d’amis à une vente privée de vêtements dans un magasin près de la station de métro. Les amis étaient tombés par hasard sur un groupe de cinq voyous skinheads qui se trouvaient aussi à la vente, exhibant des tatouages de croix gammées et des sweat-shirts portant des slogans nazis tels « white power » (pouvoir blanc) et « blood and honour » (sang et honneur) ; ce qui a provoqué une altercation verbale entre les deux groupe à l’intérieur du magasin. Clément et ses amis ont été attaqués à l’extérieur du magasin par les voyous équipés de poings américains.

L’examen médical a diagnostiqué que le jeune étudiant était mort des suites des violentes blessures reçues au visage. Un jeune de 20 ans, employé comme agent de sécurité, a été mis en examen pour violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner – une accusation moins grave que l’homicide involontaire initialement retenu par le parquet de Paris.

On dit que les cinq supects sont membres des Jeunesses nationalistes révolutionnaires (JNR) qui assument la protection du groupe fasciste Troisième Voie.

Méric était étudiant à Science Po, une grande école parisienne, où des amis ont dit de lui qu’il était « le type de personne que tout le monde voudrait avoir dans son entourage. » L’ancien proviseur du lycée de Brest, sa ville natale, a dit qu’il était « un élève brillant… courtois et respectueux des autres. »

« Il a été tué pour ses idées, » a dit un ami étudiant. Méric était en fait membre du groupe Action antifasciste Paris-Banlieue (AAPB) qui a activement soutenu la loi sur le mariage homosexuel qui est fortement détestée par la droite parlementaire de l’UMP (Union pour un mouvement populaire) et ses acolytes fascistes. Clément avait guéri d'une leucémie il y a deux ans.

Le gouvernement PS (Parti socialiste) a lancé une procédure pour interdire Troisième Voie et les JNR qui sont tenus pour responsables du meurtre. Les JNR avaient été fondées en 1987 et ont été réactivées en 2010 par le skinhead Serge Ayoub, surnommé « Batskin » dans les années 1980 en raison de son habitude d'utiliser des battes de base-ball contre les opposants gauchistes.

Selon le quotidien Le Figaro, les JNR « se composent d’une trentaine de membres, tous skinheads au style très musclés, vêtus de noir, pour certains d’entre eux aux tatouages impressionnants. » Leur slogan, qui est copié des fascistes de Mussolini en Italie, est « Croire, combattre, obéir ». Ils défilent « chaque année (le deuxième weekend de mai), dans un style très martial, en rang et au pas, rue de Rivoli, à Paris, aux côtés de divers groupes d’extrême droite radicale, » précise le journal.

Des rassemblements de protestation contre le meurtre de Clément Méric ont été organisés le 6 juin pour lui rendre hommage dans plusieurs grandes villes de France. Un rassemblement d’amis et de partisans des partis de « gauche » a eu lieu au quartier latin à St Michel à Paris. Les participants ont rejeté avec colère les tentatives du Parti socialiste et du Front de Gauche de Jean-Luc Mélenchon de prétendre défendre les idées de Méric.

Les amis ainsi que les partisans de Méric ont empêché la candidate UMP à la Mairie de Paris, Nathalie Kosciusko Morizet, de rejoindre le rassemblement, tout comme la candidate PS, Anne Hidalgo, qui a été huée aux cris de « PS hors la manif, socialos trahison ! »

Harlem Désir, secrétaire national du PS et ancien dirigeant de SOS Racisme, a renoncé à la dernière minute à participer en raison de l’hostilité des partisans de Méric à la politique anti-immigration du PS.

Le PS, tout comme ses partisans de pseudo-gauche, portent en effet la plus grande part de responsabilité pour la croissance en France des tendances d’extrême-droite et l'assurance que prennent ces forces fascistes.

Vu l’absence totale d’une alternative authentique de gauche, l’austérité imposée par le gouvernement du président François Hollande et la dévastation sociale et économique ainsi créée, sont exploitées par l’extrême droite.

Lors d’une récente élection législative partielle dans le département de l’Oise, la candidate PS, Sylvie Houssin, a été reléguée en troisième position par le Front National qui n'a perdu qu'avec un écart d’à peine 800 voix par rapport à l’UMP. Le PS n’a obtenu le soutien que de 12,5 pour cent des électeurs inscrits. Le taux de popularité du président Hollande est tombé à 28 pour cent avec l’annonce à venir cette semaine de nouvelles attaques contre les retraites.

Une section du parti conservateur UMP a mobilisé derrière un mouvement anti-mariage homosexuel les craintes et l’insécurité d’éléments ruraux arriérés, attirant et promouvant de ce fait davantage encore les forces d’extrême droite.

Le gouvernement PS et son ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, ont eux-mêmes joué un rôle majeur pour alimenter le sentiment fasciste en menant une chasse aux sorcières contre les immigrants et les femmes musulmanes portant le voile et la burqa. Ils étaient en cela pleinement soutenus par les pseudo-gauches de Lutte ouvrière (LO) et du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA).

Tout cela a enhardi des bandes fascistes comme les JNR, les encourageant à attaquer leurs adversaires en plein jour.

Incapables de faire face aux racines sociales et politiques qui se cachent derrière la menace fasciste, le PS et ses partisans de pseudo-gauche comptent sur l’Etat pour dissoudre les groupes d’extrême-droite violents. Le ministre de l’Intérieur, Valls, a affirmé, qu’il faut « s’attaquer à ces idées nauséabondes qui nous rappellent les pires heures de notre histoire, » en disant, « Ce type de mouvements est en train de ressurgir. Il faut les combattre par l’état de droit. »

Le Front de Gauche (qui réunit le Parti de Gauche de Mélenchon et le Parti communiste français) a aussi exigé l’interdiction des groupes fascistes.

Benjamin Abtan, président du Mouvement antiraciste européen EGAM (European Grassroots Movement Against Racism) a dit au New Statesman, « C’est une nécessité démocratique que d’interdire les groupes d’extrême droite responsables du meurtre de Clément. »

En fait, une telle interdiction servirait inévitablement de prétexte à la suppression par l’Etat d’une opposition de gauche au capitalisme. C’est ce qu’a clairement annoncé le dirigeant de l’UMP, Jean-François Copé qui a appelé à aussi étendre l’interdiction aux groupes « d’extrême gauche ».

Le syndicat des étudiants auquel appartient Méric, l’Union Syndicale Solidaire, a exprimé sa colère contre le meurtre et a mis en garde contre « l’installation d’un climat de haine entretenu par des discours politiques stigmatisants qui ne sont pas l’exclusivité du Front national et des groupuscules fascistes. » Mais, il a évité de mentionner le climat engendré par le gouvernement PS et le soutien du Front de Gauche pour une loi allant à l’encontre du voile islamique et des immigrants sans papiers. Tous ces groupes de pseudo-gauche ont voté pour ce gouvernement PS.

Clément Méric était instinctivement hostile à ces forces. Si l'on veut éviter de nouvelles attaques contre des jeunes et des travailleurs guidés par les idées socialistes, cela ne pourra se faire que sur la base d’une mobilisation de masse de la classe ouvrière fondée sur une perspective socialiste.

(Article original paru le 14 juin 2013)

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