Perspectives

Obama se prépare à intensifier le massacre en Syrie

L’annonce que les Etats-Unis se préparent à armer directement les milices islamistes et autres bandes armées qui dévastent la Syrie représente une descente dans la crise et dans la criminalité manifeste de la part du gouvernement Obama.

Les Etats-Unis et d’autres responsables occidentaux signalent que le Pentagone a aussi fourni au gouvernement des projets pour imposer une zone d’exclusion aérienne afin de délimiter une bande de territoire syrien couvrant une zone d’au moins 25 miles de profondeur le long de la frontière jordanienne dans le but de rassembler, de former et d’armer des forces intermédiaires pour l’invasion de la Syrie.

Ces mesures, qui seront prises en coopération avec la Grande-Bretagne et la France, les deux anciens pays colonisateurs de la Syrie et de la région environnante, font partie d’une guerre d’agression visant à assujettir un ancien pays colonial opprimé aux intérêts stratégiques et de profit de Washington et de ses alliés les plus proches de l’OTAN.

L’affirmation de la Maison Blanche que cette escalade militaire est la réaction des Etats-Unis au franchissement par le régime de Bachar al-Assad de la « ligne rouge » d’Obama et de la violation des « normes internationales » avec l’emploi d’armes chimiques contre les soi-disant « rebelles » est une insulte à l’intelligence de la population des Etats-Unis et du monde entier.

La poussée vers une intervention directe n’a rien à voir avec le désir de vouloir protéger la vie humaine en Syrie. L'approvisionnement en armes nouvelles plus puissantes aura pour seul effet une prolifération des massacres sectaires de la part des « rebelles » islamiste sunnites, à l’image de celui qui a coûté la vie au début de la semaine à au moins 60 personnes, pour la plupart des femmes et des enfants, dans le village de Hatlah à l’Est de la Syrie. Quant à une zone d’exclusion aérienne, sa préparation impliquerait le bombardement massif des défenses aériennes syriennes dans des régions fortement peuplées, en menaçant de mort des milliers d’autres personnes.

Aucune preuve d’aucune sorte n’a été rendue publique pour étayer les accusations que le régime d’Assad a utilisé du gaz sarin « à petite échelle », acte hautement improbable et absolument insensé militairement et encore bien plus politiquement. La déclaration publiée jeudi par le conseiller adjoint d’Obama à la sécurité nationale a même reconnu que la prétendue preuve de l’utilisation de gaz sarin « ne nous dit pas comment ni où les personnes y ont été exposées, ni qui a été responsable de la dissémination. »

Le mois dernier, Carla del Ponte, chef de file des membres de la Commission d’enquête indépendante des Nations unies sur la Syrie, avait déclaré aux médias que des preuves indiquaient que les armes chimiques avaient été « utilisées par l’opposition, les rebelles, et pas par les autorités gouvernementales. »

La Maison Blanche a rapporté qu’elle avait communiqué cette « preuve » au gouvernement russe. Yuri Ushakov, conseiller en Affaires étrangères du président russe Vladimir Poutine, a dit de l’information américaine, « Je dirai très franchement que ce que les Américains nous ont présenté ne semble pas convaincant. Il serait même difficile de le qualifier de fait. »

Comme dans le cas des prétendues « armes de destruction massive » en Irak il y a plus de dix ans, les accusations sur le recours aux armes chimiques portées contre la Syrie sont des mensonges éhontés. Le gouvernement Obama, emboîtant le pas à la Maison Blanche sous Bush, cherche à entraîner le peuple américain dans une guerre prédatrice fondée sur de faux prétextes et des renseignements montés de toute pièce.

L’impulsion immédiate pour la décision du gouvernement Obama de procéder à une intervention plus directe vient de la reconnaissance grandissante que, suite à la capture de la ville de Qousseir, tenue par les « rebelles », par des troupes syriennes soutenues par des miliciens libanais du Hezbollah, le mélange de forces d’al Qaïda et d’autres milices dont Washington s’est servi comme soldats intermédiaires dans la guerre pour un changement de régime, risque une défaite imminente.

Après la guerre de 2011 des Etats-Unis et de l’OTAN contre la Libye, Washington pensait pouvoir facilement suivre une stratégie similaire consistant à prendre en otage les protestations populaires et à fomenter une guerre civile sectaire pour renverser Assad et imposer un gouvernement américain fantoche. Ce que, deux ans auparavant, ils comptaient voir passer comme une lettre à la poste, va cependant à vau-l’eau.

La raison fondamentale de cette débâcle n’est pas le manque d’armes, l’Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie en ont déversées dans le pays sous la surveillance de la CIA, ni la brutalité du régime d'Assad, mais le fait que la majorité de la population qui a beau détester Assad, hait encore plus les « rebelles » islamistes.

Il y a un élément de désespoir manifeste dans la récente décision du gouvernement Obama, et que la Maison Blanche a laissé à un assistant le soin d’annoncer. C’est une réaction non seulement à l’échec de sa politique précédente mais aussi à la pression énorme émanant de l’establishment politique au pouvoir, en faveur de la guerre.

C’est ce qui s'est très clairement révélé dans les remarques formulées mardi par l’ancien président démocrate Bill Clinton qui a averti qu’Obama aurait l’air d’une « mauviette » et d’un « complet imbécile » s’il n’allait pas au moins jusqu’à « larguer quelques bombes ». Clinton s’est solidarisé avec le sénateur républicain John McCain dont le propre militarisme irresponsable fait de lui un candidat idéal soit pour un tribunal chargé de juger les crimes de guerre soit pour un établissement psychiatrique.

Ceci est l’aboutissement d’une campagne d'escalade continue en faveur d’une intervention militaire plus directe, menée par les politiciens des deux partis, les médias, les groupes de réflexion de Washington et des sections de l’armée et des appareils de renseignement.

Des groupes de pseudo-gauche tels l’International Socialist Organisation aux Etats-Unis, le Nouveau Parti anticapitaliste en France et Die Linke (La Gauche) en Allemagne [homologue allemand du Parti de Gauche de Jean-Luc Mélenchon] exercent des fonctions d’auxiliaires dans cette campagne et présentent les milices et les mercenaires islamistes de Syrie comme des « révolutionnaires » et confectionnent des alibis politiques tordus pour une intervention impérialiste. Tous, sans exception, ont du sang sur les mains.

Néanmoins, il existe bien évidemment de profondes divisions au sein de l’Etat au sujet d’une guerre qui risque d'entraîner l’ensemble de la région ainsi que les puissances ayant des intérêts en Syrie, notamment l’Iran et la Russie, dans la tourmente.

Après les expériences amères de l'Afghanistan et de l'Irak, il n’y a pratiquement pas d’appui au sein de la population américaine pour une intervention américaine en Syrie. La prétention de l’impérialisme américain de défendre la démocratie en Syrie est d’autant plus ébranlée par les révélations faites sur les opérations d’espionnage de la population aux Etats-Unis et de par le monde de la part de son Etat policier et de la chasse aux sorcières brutale menée contre Edward Snowden, l’ancien assistant technique sous contrat avec la NSA (National Security Agency) et qui a divulgué ces crimes.

En dépit de deux années de propagande médiatique pour diaboliser le régime d'Assad et qualifier les milices liées à al Qaïda de militants en faveur de la démocratie, un sondage NBC- Wall Street Journal publié cette semaine a montré qu’à peine 11 pour cent de l’opinion publique américaine soutient même l'armement des « rebelles ».

L’ensemble du système politique aux Etats-Unis se montre indifférent à l’égard de ces sentiments populaires. Les déclarations stéréotypées des politiciens démocrates et républicains ne contribuent nullement à convaincre qui que ce soit de soutenir la guerre tandis que les médias traditionnels produisent des « informations » qui ressemblent à de la propagande orwellienne.

Ce sera la classe ouvrière, tant aux Etats-Unis qu’internationalement, qui paiera le prix de l’intervention en Syrie. Dans une situation où l’on proclame universellement qu’il n’y a pas d’argent pour les emplois et les programmes sociaux vitaux, pas un mot n’est soufflé sur ce que coûteront les options militaires envisagées par Obama. Plus fondamentalement, il existe une logique inexorable à l’escalade américaine en Syrie qui désigne une confrontation militaire avec l’Iran et éventuellement avec la Russie, mettant en péril la vie de millions de personnes.

La lutte contre la guerre, à laquelle s’opposent les groupes de pseudo-gauche, qui avaient auparavant mené le mouvement « anti-guerre » officiel et qui soutiennent actuellement Obama et l’impérialisme, ne peut être menée que sur la base d’une mobilisation politique indépendante de la classe ouvrière, contre le gouvernement Obama et le système capitaliste qui est la source du militarisme.

(Article original paru le 15 juin 2013)

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