Perspectives

Le meurtre de Woolwich et la responsabilité de l'élite dirigeante britannique

Le meurtre du soldat Lee Rigby à Woolwich, Londres, a levé un coin du voile minutieusement tissé autour de la politique étrangère britannique, au moyen de mensonges, d'intrigues et de crimes. 

Immédiatement après le meurtre brutal de Rigby, tout un chœur de politiciens et de célébrités des médias a insisté sur l'idée que ce n'était pas le moment de s'interroger sur les motivations de ses tueurs, Michael Adebolajo et Michael Adebowale. 

Le député travailliste David Lammy a qualifié « la suggestion que ce meurtre soit une conséquence directe de la politique étrangère britannique » de « superficiellement convaincante» et on peut dire la même chose des critiques concernant « mon vote en faveur de l'invasion de l'Irak. » 

Jonathan Freedland du Guardian a attaqué les personnalités « libérales et de gauche » qui voient un lien entre les événements de Londres et les guerres en Afghanistan en Irak en Libye et en Syrie pour avoir « une certaine sympathie rampante, non pour cet acte en lui-même, mais pour la cause qu'il tente de mettre en exergue. » 

Empêcher toute discussion des circonstances qui ont mené à ce crime horrible commis par Adebolajo et Adebowale ne sert qu'à dissimuler les crimes encore plus grands perpétrés par l'élite dirigeante britannique. 

En l'espace de quelques jours, il est apparu clairement que les deux suspects du meurtre étaient connus du MI5 depuis des années, depuis 10 ans dans le cas d'Adebolajo. Il était affilié au groupe islamiste interdit Al Mahajiroun. En novembre 2010, il avait été détenu au Kenya alors qu'il essayait de se rendre en Somalie, apparemment pour rejoindre le groupe islamiste Al-Shabaab. 

Le 23 mai, Abu Nusaybah, un associé d'Adebolajo, a été arrêté immédiatement après une interview pour le programme Newsnight de la BBC dans lequel il prétendait qu'Adebolajo avait été torturé au Kenya et harcelé par le MI5, qui lui demandait de devenir un informateur.

Depuis lors, les preuves ont émergé indiquant que la Grande-Bretagne était en fait à l'origine de l'arrestation d'Adebolajo et l'avait ensuite protégé activement. D'après le Daily Mail, c'est une unité du SAS, travaillant avec le MI5, qui avait enlevé Adebolajo au Kenya quand il se préparait à franchir la frontière vers la Somalie. Une source a déclaré, « Le SAS a joué le rôle principal. La raison pour laquelle ils étaient impliqués est que cet homme était considéré comme important. »

Un officier de l'anti-terrorisme de Scotland Yard basé en Afrique était « à proximité » quand il avait été mis en détention au Kenya. Adebolajo avait été par la suite renvoyé en Grande-Bretagne avec « un détective de Scotland Yard, voyageant incognito, » à bord.

D'après l'avocat d'Adebolajo au Kenya, il avait fait une deuxième tentative en février de l'an dernier pour rejoindre la Somalie avec cinq autres personnes et avait été arrêté par les autorités kényanes. Le Royaume-Uni aurait dit à la police kényane qu'il était « un homme sans histoire » et il avait été une fois de plus renvoyé au Royaume-Uni.

Des sources en Afrique ont déclaré au Mail qu'Adebolajo avait été vu au Kenya une troisième fois en novembre dernier, en compagnie d'un prêtre radical, le Cheikh Hassan Makbul. Dans les deux cas, il s'était servi d'un faux passeport.

Une fois de plus, les services de sécurité se révèlent avoir établi des liens étroits avec des éléments djihadistes afin de faire progresser la politique impérialiste britannique au Moyen-Orient et en Afrique. 

Un facteur essentiel qui a fait qu'Adebolajo a pu agir à sa guise tient au rôle qu'il a joué par rapport à la Syrie, et celui d'une large couche d'islamistes. Un auditeur, Abdullah, ayant téléphoné à la radio de la BBC à Londres a indiqué qu'Adebolajo faisait campagne récemment devant un centre communautaire à Plumstead, à Londres, pour trouver des jeunes prêts à partir combattre en Syrie. Abdullah a expliqué, « Il se peut qu'il ne soit pas nécessaire que nous allions là-bas parce que leurs soldats sont ici, » avant d'ajouter, « le succès est plus proche que vous ne le pensez. » 

En avril, Le ministre des Affaires étrangères William Hague a confirmé les rapports indiquant que 100 Britanniques faisaient partie des plus de 600 européens qui sont allés se battre en Syrie dans des groupes liés à Al Qaïda, comme le Front Al Nusra. Dans une lettre adressée aux députés, il a dit que ce type d'individus étaient un danger, parce qu'« ils chercheront à mener des attaques contre les intérêts occidentaux dans la région ou dans les pays occidentaux maintenant ou plus tard. »

Le but de cette admission par Hague était en fait de défendre l'idée d'une levée de l'embargo européen sur les armes pour la Syrie afin de réduire « l'espace incontesté » actuellement occupé par les fondamentalistes avec des forces censées être plus « modérées »qui sont armées par les puissances occidentales. 

Hague sait bien sûr que les armes envoyées par la Grande-Bretagne, l'Union européenne, les États-Unis et leurs alliés du Moyen-Orient, comme l'Arabie saoudite et le Qatar, alimentent une insurrection sectaire dominée par des groupes islamistes qu'ils ont entretenus pendant des années. Sa posture ne servait qu'à s'assurer que la guerre pour un changement de régime en Syrie serait intensifiée, les réserves de pétrole de toute la région étant la récompense stratégique. 

Le 28 mai, six jours après que Rigby a été frappé à mort, l'embargo de l'UE sur les armes a été levé en conséquence d'un campagne menée par le Royaume-Uni et la France. Cette décision garantit que des atrocités innombrables, ne se distinguant pas de celle qui a eu lieu à Woolwich, continueront à être infligées en Syrie et dans les pays voisins, l'Irak et le Liban, par des djihadistes agissant comme des escadrons de la terreur pour le compte de Londres, de Washington et de Paris. 

À l'intérieur, les forces politiques dont les crimes ont alimenté la colère exploitée par les groupes islamistes, et qui se sont révélées avoir une fois de plus travaillé en coulisses avec eux, se servent des événements de Woolwich pour demander des pouvoirs répressifs encore plus grands. 

Le Premier ministre David Cameron a lancé un « groupe anti-terroriste spécifique » chargé de proposer « des mesures pratiques » pour répondre à l'extrémisme politique, et parmi ce groupe, il y a le Commissaire de police de Londres, Sir Bernard Hogan-Howe, et Andrew Parker, le directeur général du MI5.

Le gouvernement est déjà en train d'organiser la réintroduction de la loi exigeant des compagnies de télécommunications d'enregistrer le temps, la durée, l'origine et la destination de tous les courriels, appels téléphoniques, messages sur les réseaux sociaux, et les appels vocaux par internet, faits au Royaume-Uni. 

Le meurtre de Lee Rigby n'est que l'une des nombreuses, des très nombreuses, manifestations tragiques de la manière dont des décennies de guerres et d'autres aventures coloniales ont servi à empoisonner la vie sociale et politique en Grande-Bretagne et dans tous les pays, en cherchant à réaliser les objectifs prédateurs de l'oligarchie financière. 

Pour se garantir le contrôle des ressources essentielles comme le pétrole, le gaz et les minéraux, de vastes régions du monde ont été pillées, appauvries et soumises à une intervention brutale. Pendant ce temps, les travailleurs en Grande-Bretagne, en Europe, et en Amérique sont forcés à payer les milliers de milliards de dollars que ces guerres coûtent par des coupes sauvages qui visent à enrichir ces éléments criminels qui dominent maintenant la société. 

Personne ne devrait être intimidé ni troublé par les mensonges « patriotiques » et les larmes de crocodiles venant de la classe dirigeante et de ses médias. Au sens le plus fondamental, ce sont eux les responsables de ce qui s'est passé à Woolwich. Et ce sont eux qui devraient en être tenus pour politiquement responsables par la grande masse des travailleurs.

(Article original paru le 1 juin 2013)

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