Allemagne: la coalition SPD-Vert impose, avec l’appui du parti La Gauche, une réduction massive des dépenses

Depuis les élections régionales de 2009, La Gauche (Die Linke – l’homologue allemand du Parti de Gauche de Jean-Luc Mélenchon en France) soutient la politique pro-patronale et les coupes sociales brutales actuellement appliquées à Duisbourg. Les six membres de ce parti qui siégent au conseil municipal forment conjointement avec le Parti social-démocrate (SPD) et le parti des Verts une soi-disant « coalition de la consolidation budgétaire. »

Cette métropole qui compte un demi-million d’habitants est l’une des villes de la région de la Ruhr qui affiche le plus haut niveau de chômage et de pauvreté. En juin, plus de 31.000 personnes y étaient inscrites au chômage, dont 25.000 bénéficiaient de l'aide sociale. Le niveau officiel du chômage se situe à 12,7 pour cent, s’y ajoutent quelque 41.000 personnes qui sont sous-employées, des personnes qui ne travaillent qu’à temps partiel ou qui occupent des soi-disant « mini jobs », bien qu’elles souhaitent travailler à plein temps.

En 2011, le taux de pauvreté s’établissait à 23,5 pour cent, ce qui signifie que près d’un quart des habitants de Duisbourg sont classés comme pauvres. Une étude réalisée en novembre dernier par l’Institut des sciences économiques et sociales (WSI) constatait que le cas de Duisbourg permettait d'observer comment « une ville entière » était tombée dans la pauvreté.

Cette situation n’est pas simplement la conséquence de décennies de déclin des industries du charbon et de l’acier traditionnellement associées à cette région comme l’affirment les politiciens et les médias, elle est bien plutôt le résultat d’une politique délibérée menée au niveau régional et fédéral et qui a poussé de nombreuses municipalités dans un endettement massif.

Duisbourg fait partie des 34 villes hautement endettées qui sont obligées, en vertu de la « loi du pacte de consolidation » du Land de Rhénanie du nord/Westphalie (NRW), d’appliquer des programmes d'assainissement. Il y a deux ans, le gouvernement régional du Land de NRW, sous la direction de Hannelore Kraft (Parti social-démocrate – SPD), avait fait voter la « loi du pacte de consolidation des finances de la ville ». Dans le cadre de ce pacte les villes surendettées obtiennent des moyens financiers de la part du Land, mais cela les contraint à appliquer des coupes douloureuses.

Jusqu’en 2016, Duisbourg reçoit 52 millions d’euros par an dans le cadre de ce « pacte de consolidation » les sommes retombant à zéro d’ici 2021, à la condition que la ville présente un budget équilibré. En contrepartie, la ville doit économiser annuellement 82 millions d’euros.

Au niveau local, cette politique de coupes et d’économies qui cible les besoins fondamentaux des gens ordinaires est appliquée depuis ses débuts par le conseil municipal dirigé par le SPD. La période de 2004 à 2009, où l’Union chrétienne démocrate (CDU) contrôlait la municipalité, constitue l'exception. Depuis 2009, le SPD retourné au pouvoir avec le soutien des Verts et du parti La Gauche se charge à nouveau de ces attaques.

Hermann Dierkes, qui fut pendant 13 ans le dirigeant du groupe de La Gauche et de son prédécesseur le PDS (Parti du socialisme démocratique) au conseil municipal, a justifié lors du congrès du parti en février de cette année le soutien apporté aux coupes et aux mesures d’économie à Duisbourg.

Avant de rejoindre le PDS, appelé à tort socialiste et démocratique, Dierkes avait été un membre de longue date du VSP (Vereinigung für Sozialistische Politik), un parti affilié au Secrétariat unifié pabliste. A présent, il argumente comme n’importe quel politicien de droite. Il dit, « en juin de l’année dernière, après des mois de concertation, nous avons voté en faveur de la coalition de consolidation pour le budget 2012 de la ville et donc pour un projet d’assainissement budgétaire afin de réduire progressivement le déficit d’environ 118 millions d’euros. »

Dierkes a justifié ainsi les suppressions d’emplois dans l’administration de la ville: « La réduction de l’ordre de 689 postes au niveau de l’administration de notre ville en train de devenir plus petite, se fera sans recourir à des licenciements pour motif économique. » Les départs naturels et l’évolution démographique, c’est-à-dire les travailleurs plus âgés, suffiront pour atteindre le niveau de réduction souhaitée, a-t-il ajouté avec un cynisme non dissimulé.

Le successeur de Dierkes à la présidence du groupe de La Gauche au conseil municipal, Martina Amman, a réaffirmé le soutien du parti pour la consolidation budgétaire lors d’un discours qu’elle avait tenu à la mi-mars. Le parti La Gauche est déterminé, avait-elle dit, à mener à bien la consolidation du budget dans le cadre de la coalition et en étroite collaboration avec le maire, Sören Link (SPD).

Amman a déclaré, « Nous sommes conscients que ce budget ne pourra pas être appliqué sans provoquer de souffrances, dans le but d’atteindre les obligations légales pour un équilibre budgétaire d’ici 2016. » Elle a explicitement justifié une nouvelle hausse de l’impôt foncier à partir de 2013 qui générera un revenu supplémentaire de 16 millions d’euros bien qu’il est tout à fait évident que la plupart des propriétaires reporteront ces coûts sur les loyers et que même les coûts, portés par l’Etat, de l'allocation logement pour ceux qui perçoivent l'aide sociale en seront augmentés.

Alors que pour les réductions et les économies qui affecteront une grande partie de la population, les membres de La Gauche au conseil municipal, n’ont pas de scrupules, le patronat lui, peut d'autant plus se réjouir du soutien que La Gauche apporte à ses plans et à ses projets. 

L’un de ces projets est un centre de magasins d’usine (« Factory Outlet centre » FOC) qui est projeté dans le nord de Duisbourg. Pour ce faire, un terrain où se trouve actuellement la salle polyvalente 'Rhein-Ruhr Halle' et qui contient aussi une piscine, sera requis. Ces installations devront être démolies ainsi que la zone d'habitation Zinkhüttensiedlung. Le terrain sera ensuite vendu à un groupe d’investisseurs qui y construira un énorme Factory Oulet Centre.

Les premiers à avoir protesté contre ce projet ont été les habitants de la cité Zinkhüttensiedlung qui seront expulsés de leurs logements après y avoir vécu pour certains durant des décennies. Mais les petits commerçants des différentes parties de la ville, du centre-ville et des villes adjoignantes aussi craignent que le nouveau centre commercial ne nuise à leur commerce et ont fait connaître leurs inquiétudes.

Il n’en est pas de même pour La Gauche à Duisbourg. Ils ont soutenu cette proposition comme étant « une occasion rêvée pour le nord de Duisbourg. » Hermann Dierkes s’est prononcé contre les manifestations en disant qu’à Duisbourg l’on devait soutenir tout ce qui créait des emplois. Il sait parfaitement bien que la grande majorité des emplois qui résulteront du projet seront des emplois à bas salaire et à temps partiel, et que d’autres emplois disparaîtront. Dierkes favorise ses propres intérêts. Il fait partie de la Commission consultative FOC qui a pour tâche de mettre en œuvre ce projet. De plus, il est membre du conseil de surveillance de la société d’approvisionnement et de transport de la ville de Duisbourg (Duisburger Versorgungs- und Verkehrsgesellschaft, DVV).

La politique droitière de La Gauche a même suscité une opposition interne au parti. Sylvia Brennemann, par exemple, a quitté le parti pour devenir la porte-parole de l’initiative Zinkhüttenplatz qui rassemble 150 familles qui s'opposent au fait d’être chassées de leurs logements.

Selon un article paru dans le journal WAZ, lors d’une réunion du parti La Gauche tenue mi-juin pour discuter du bilan de La Gauche au conseil municipal, Hermann Dierkes s’était justifié vis-à-vis de critiques à son encontre au sujet de sa collaboration trop étroite avec le SPD et les Verts. A l’adresse de ses critiques, Dierkes a lancé que tous ceux qui reprochaient au SPD et aux Verts la taxe professionnelle, la politique sociale ou la guerre en Afghanistan, « n’ont pas compris comment fonctionne la politique communale ».

Un autre projet prévu est celui de la ceinture verte le long de l’usine ThyssenKrupp à Duisbourg Bruckhausen. Cette mesure que l’on fait passer pour une amélioration environnementale, signifie la destruction, qui a déjà commencé, de nombreuses maisons dans le quartier de Bruckhausen. Cette démolition et par la suite la construction du parc est financée à hauteur de 72 millions d’euros provenant de ThyssenKrupp et du fonds de l’Union européenne. La société de développement de Duisbourg (Entwicklungsgesellschaft Duisburg) est responsable de la mise en œuvre. Ici aussi, la pression et les menaces sont utilisées pour forcer les résidents à quitter leurs logements et pour obliger les propriétaires à vendre.

Alors que certaines propriétés dans le quartier ont besoin d’être rénovées, les mesures qui sont appliquées visent à libérer du terrain à des fins d’investissement.

En septembre dernier, un programme diffusé sur Deutschlandradio concernant la destruction de bâtiments historiques – Bruckhausen est l’un des plus anciens quartiers de la ville – a décrit le manque total de scrupule des autorités de la ville dans la mise en œuvre de leurs projets, y compris le recours à l’intimidation à l’égard de ceux qui n'acceptent pas volontairement.

La politique antisociale de la coalition SPD-Verts-La Gauche à Duisbourg vise en premier lieu la population laborieuse. Ceci s’applique aussi aux immigrés pauvres venus de Bulgarie et de Roumanie, et surtout aux Sinti et aux Roms à qui l’on refuse le droit aux prestations sociales.

(Voir aussi : La faillite de Detroit) 

(Article original paru le 22 juillet 2013)

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