Miliband, chef des travaillistes britanniques, propose la fin de l'adhésion des syndicats au parti

Le leader travailliste, Ed Miliband, s'est servi d'une confrontation banale lors du choix d'un des candidats du parti à une élection législative pour proposer un changement dans les relations avec les syndicats qui en fera un parti «représentant l'intérêt national».

Il propose d'abandonner la procédure actuelle, ancrée dans les origines d'un parti créé par les syndicats il y a plus d'un siècle. En vertu de cet arrangement, les membres des 16 syndicats affiliés au Parti travailliste deviennent automatiquement membres du parti et les dirigeants syndicaux votent ensuite en bloc en leur nom. Cette procédure couvre actuellement près de 3 millions de personnes qui versent trois livres chacune (environ quatre euros).

Miliband veut plutôt que les travailleurs qui n'ont pas déjà décidé de sortir du système de la cotisation politique par l'intermédiaire du syndicat, une option créée par des lois introduites par le gouvernement conservateur de Margaret Thatcher dans les années 1980, adhèrent au parti à titre individuel. Il a demandé à l'ex-secrétaire général du Parti travailliste Ray Collins de rédiger un projet en ce sens avant les prochaines élections parlementaires.

Il veut également introduire des primaires à l'américaine pour permettre aux «partisans» enregistrés de choisir les candidats. Cette nouvelle façon de faire devrait être en place pour les prochaines élections municipales de Londres. Ainsi, il espère attirer plus de dons de la part des entreprises et rouvrir les négociations sur le financement par l'État des partis politiques, une des promesses électorales du Parti travailliste.

La motivation du zèle réformateur de Miliband est son désir de prouver au monde des affaires que le Parti travailliste est suffisamment à droite pour qu'on lui confie le gouvernement au cas où la coalition actuelle entre conservateurs et libéraux échouerait. Pour des raisons historiques, ces mesures sont présentées dans un langage de libération du parti de l'influence excessive des syndicats. Mais en réalité, le Parti travailliste s'appuiera toujours sur les dirigeants syndicaux pour son financement, soit en faisant adhérer leurs membres au nouveau système, soit par des dons directs au parti.

Plus important, le Parti travailliste s'appuiera sur ces mêmes dirigeants syndicaux qu'il critique pour étouffer l'opposition des membres de la base et imposer les attaques brutales demandées par l'élite dirigeante.

La réaction des syndicats à l'initiative de Miliband montre clairement qu'ils continueront à travailler de concert avec le Parti travailliste et les employeurs quels que soient les nouveaux arrangements qui seront concoctés pour le financement et la désignation des candidats.

Rien n'aurait pu sembler plus délétère que la compétition pour désigner le candidat travailliste à Falkirk, en Écosse. Le syndicat Unite avait inscrit environ 100 membres au Parti travailliste et fait campagne pour son candidat préféré, comme il en a le droit suivant les règles actuelles. Cependant, l'accusation a été lancée que certains membres auraient été inscrits sans en être averti alors que leurs votes seraient comptés pour ce candidat – une situation quelque peu contradictoire. Le Parti travailliste a ensuite appelé la police pour qu'elle enquête sur les allégations d'abus.

Le dirigeant d'Unite, Len McCluskey, qui se présente comme «de gauche» et qui était par le passé proche de la Militant Tendency puis de l'organisation qui en a pris le relais, le Socialist Party, était furieux. Non seulement a-t-il fait l'objet d'une enquête de police, mais sa théorie que le Parti travailliste pourrait être poussé vers la gauche par une campagne de recrutement était réduite en miettes.

Écrivant dans le Guardian, il a chanté les louanges du «succès» de son syndicat dans le combat contre les efforts de l'aile droite, dirigée par le groupe de réflexion Progress interne au parti et «largement financé par Lord Sainsbury, qui n'a pas regardé à la dépense pour faire accepter ses candidats», et plus généralement contre la direction du parti qui «parachute des candidats ayant ses faveurs dans des circonscriptions sûres, en contournant la volonté de la base du parti.»

Mais McCluskey a terminé par un serment de fidélité à un «socle de valeurs communes» avec le Parti travailliste. «Je crois que Miliband reconstruit ces valeurs communes,» écrit-il. «Une dispute sur le choix des candidats ne va pas remettre cela en cause.»

Suite au discours de Miliband, quand la BBC a remarqué les louanges adressées à Miliband par l'ex-dirigeant du parti, Tony Blair, pour sa direction «audacieuse et forte,» McCluskey a répondu, «ce n'est pas souvent que je suis d'accord avec Tony Blair, mais je pense qu'il a tout à fait raison… une nouvelle relation c'est une chose avec laquelle je suis très à l'aise.»

Revenant sur son opposition aux adhésions «individuelles», il a dit, «le principe de ce qu'il dit, sur le fait de s'assurer que les syndicalistes prennent une décision consciente à titre individuel d'adhérer pour être actifs dans le parti travailliste, est une chose que j'accueillerais favorablement.»

La même position de soumission a été adoptée par le député travailliste Tom Watson, qui avait démissionné du poste de coordinateur de campagne du parti à cause de l'affaire de Falkirk. Il avait envoyé une lettre de démission qui était spectaculaire par son obséquiosité, encensant Miliband comme «mon ami et mon guide» et se décrivant comme «ton loyal serviteur» qui «sera avec toi tout du long, t'applaudissant depuis les sièges de simples députés.»

Watson a approuvé le choix de son remplaçant au poste de coordinateur de la campagne travailliste, l'archi-blairiste et ex-député spécialiste de la politique étrangère Douglas Alexander, déclarant «il y a des millions de gens qui attendent que le Parti travailliste gagne les prochaines élections générales. Un parti travailliste uni est une composante essentielle de notre projet.»

Voilà les forces vers lesquelles les travailleurs sont orientés par les représentants politiques de la pseudo-gauche des classes moyennes. Ils ne débattent entre eux que pour savoir s'il faut une campagne pour «rendre» le Parti travailliste à la classe ouvrière, ou si les syndicats devraient maintenant former la colonne vertébrale d'un nouveau parti pour remplacer le Parti travailliste.

Le journaliste et porte-parole d'une organisation nouvellement formée appelée la People's Assembly, Owen Jones, décrit le Parti travailliste comme un parti de la classe ouvrière du simple fait de ses liens avec les syndicats, il prévient que la fin de ce lien serait également la fin de «ce qui lui reste de liens avec les travailleurs, en faisant un parti sans base, un simple jouet pour les carriéristes vides et les apparatchiks.»

De l'autre côté, le Socialist Party (SP) reconnaît que le Parti travailliste est déjà un parti du monde des affaires et qu'il le reconnaît lui-même. Mais il s'inquiète du sort politique de la bureaucratie syndicale si elle continue à maintenir son alliance politique avec Miliband et compagnie.

Dans un conseil amical prononcé avant le discours de Miliband, il a prévenu que si Unite capitulait, «ce serait désastreux, non seulement pour sa stratégie politique, mais pour sa stratégie syndicale également. Il y aurait une colère et une indignation montantes parmi la base, et des doutes seraient soulevés sur l'engagement du syndicat à se battre pour sa politique. Cela causerait de sérieux problèmes pour Len et pour la direction de gauche du syndicat et mettrait en péril leur position.»

Le SP presse Unite «de faire le pas décisif» de «se désaffilier du nouveau Parti travailliste» parce que «la classe ouvrière a attendu trop longtemps d'avoir son propre parti depuis que le nouveau Parti travailliste a accepté le libéralisme et abandonné la fameuse Section IV de sa Clause 4, qui prévoyait les nationalisations et le socialisme.»

La réalité, c'est que rien de ce qu'a fait Miliband la semaine dernière n'est surprenant. Comme il l'a dit au sujet des liens historiques du Parti travailliste avec les syndicats, «décennie après décennie, de Neil Kinnock à John Smith puis Tony Blair, nous avons changé cette relation.»

Ce que cela ne dit pas, c'est avec quel type d'organisation le Parti travailliste jouit toujours de relations aussi intimes, en dépit de son évolution vers la droite. Les syndicats ont connu précisément le même genre de transformation politique que le Parti travailliste et ont marché au pas avec celui-ci pour forger la relation la plus intime possible avec le monde des affaires. Au passage, ils ont conduit la classe ouvrière à une série quasiment ininterrompue de défaites qui s'est étendue sur plusieurs décennies. Les membres ont abandonné le navire par vagues, laissant derrière eux des organisations qui ne sont que des coquilles vides et qui se servent de tout ce qu'il leur reste d'influence pour faire la police dans la classe ouvrière pour le compte du gouvernement, des grandes entreprises et des banques.

La dernière chose que la classe ouvrière doit faire c'est d'attendre des syndicats qu'ils ouvrent une voie indépendante du Parti travailliste. Tout parti fondé par les syndicats serait pro-capitaliste et dirigé par des traîtres avérés. Un nouveau parti pour les travailleurs ne peut être construit que par une rébellion politique contre les syndicats, en s'appuyant sur un programme authentiquement socialiste et internationaliste. L'obéissance des apparatchiks syndicaux à Miliband et à ses soutiens médiatiques servira à encourager un tel développement.

(Article original paru le 12 juillet 2013)

Loading