La conférence «écosocialiste» de New York

Une fausse campagne pour la «justice climatique»

L'annonce récente par la National Oceanic and Atmospheric Administration que les taux de dioxyde de carbone mesurés à l'observatoire du volcan Mauna Loa d'Hawaii ont dépassé 400 parties par million, soit probablement le taux le plus élevé depuis trois millions d'années, est la dernière et la plus inquiétante preuve du réchauffement climatique qui est en train de s'accélérer du fait de l'activité humaine.

En dépit du bilan désastreux des événements météorologiques extrêmes, les gouvernements capitalistes de toute la planète ont été incapables de réagir à la croissance des émissions de gaz à effet de serre, sans parler d'inverser cette tendance. Aux États-Unis, Obama – glorifié comme le «président environnemental» par divers groupes alignés sur le Parti démocrate – s'est révélé n'être qu'un porte-parole des conglomérats de l'énergie, protégeant BP lors du pire désastre écologique de l'histoire des États-Unis et bloquant toute réglementation environnementale des grands groupes.

Avec la montée du militarisme, la croissance explosive de l'inégalité sociale et les attaques toujours plus fortes contre les droits démocratiques de la masse des travailleurs, l'échec des gouvernements du monde à empêcher la destruction de l'environnement constitue une mise en accusation du capitalisme.

La «Conférence écosocialiste» qui s'est tenue au Barnard College de New York – principalement parrainé par l'International Socialist Organisation et les Verts – était une tentative de bloquer tout mouvement indépendant de la classe ouvrière contre une catastrophe environnementale potentielle.

Toute personne qui ne serait pas familière des positions de ces organisations aurait l'impression d'après la rhétorique «anticapitaliste» des tracts et des affiches que la conférence allait proposer un programme radical ou même socialiste pour lutter contre le réchauffement climatique. On ne pourrait pas se tromper davantage.

Le terme «écosocialisme» a été utilisé par divers groupes de la pseudo-gauche en Europe pour s'aligner sur les socio-démocrates, les ex-staliniens, les Verts et d'autres partis bourgeois. Ses représentants ne se contentent pas de rejeter la conception marxiste du rôle révolutionnaire de la classe ouvrière, ils imputent aussi les problèmes écologiques à la supposée obsession consumériste des travailleurs et défendent un programme d'austérité.

Lors de la session plénière ouverte au public, Richard Smith, écrivain qui se décrit comme «socialiste indépendant,» a déclaré, «Si Obama voulait réellement réduire les émissions de CO2, il pourrait tout simplement demander aux Américains d'arrêter de consommer autant de pétrole, de détruire leur 4x4, d'éteindre leur air conditionné, d'arrêter de partir en croisière pour les vacances ou de prendre l'avion pour Cancún.»

Chris Williams, membre en vue de l'ISO, s'est plaint que «l'aliénation capitaliste» signifie que «l'accomplissement humain fondamental peut être atteint en achetant plus de choses. Cela a déformé nos vies – nous n'avons aucune idée de ce que cela veut dire d'être humain […] Qu'entendons-nous par “un bon niveau de vie” ? L’accumulation de plus de choses, de plus de bazar.»

Comme beaucoup d'autres anti-marxistes avant lui, Williams déforme délibérément le sens du concept d'«aliénation,» que Marx, fondateur du socialisme scientifique, avait développé dans ses premiers écrits pour exprimer la séparation entre le travailleur et les produits de son travail et la perte de tout contrôle sur sa vie sous le capitalisme, une relation sociale qui ne pourrait être dépassée que si les travailleurs s'emparent des moyens de production.

Au lieu de cela, d'après Williams, c'est un état psychologique qui peut être dépassé en convainquant les travailleurs qu'ils deviendront «plus humains» si seulement ils acceptent une réduction drastique de leurs conditions de vie. Un tel argument se recoupe sans difficulté avec le programme d'austérité imposé par tous les gouvernements capitalistes du monde, de la Grèce à l'Espagne et aux États-Unis.

Dans une démonstration très claire du caractère anti-ouvrier de la conférence, des bureaucrates syndicaux qui sont passés maître dans l'art de réduire la consommation de la classe ouvrière ont été invités à s'exprimer à l'une des discussions intitulée «des alliés naturels : le travail et les mouvements de justice climatique.»

Le panel comprenait Bruce Hamilton, vice-président en charge de l'international dans le Syndicat des transports (ATU), qui a mené au début de l'année la trahison de la grève d'un mois de près de 9000 conducteurs et agents des bus scolaires contre les atteintes à la sécurité de l'emploi et aux salaires. Hamilton s'est vanté de certaines politiques «vertes» de l'ATU, expliquant que «la direction a pris l'initiative et a emmené les adhérents avec elle.»

Cet événement, la première conférence «écosocialiste» à se tenir aux États-Unis d'après ses organisateurs, a servi à rétablir des relations étroites entre les Verts et l'ISO, qui se courtisent l'un l'autre depuis une quinzaine d'années. Chacun à sa manière, les Verts et l'ISO fonctionnent comme des organisations auxiliaires du Parti démocrate.

Les Verts sont un parti de la classe moyenne supérieure qui cherchent à obtenir une certaine influence au sein du monde patronal et politique, principalement pour défendre leurs propres modes de vie, mais traditionnellement avec un intérêt pour les réformes environnementales. Ils s'appuient sur l'acceptation du système capitaliste. Comme l'un des intervenants, Gloria Mattera, ex-candidate des Verts pour l'État de New York l'a déclaré, «Je serais la première à admettre que le Parti des Verts n'est pas un parti anticapitaliste.»

Une fois au pouvoir, les Verts ont montré qu'ils étaient des défenseurs loyaux de la propriété privée et de l'impérialisme. Ainsi en Allemagne, où les Verts avaient rejoint un gouvernement de coalition avec les sociaux-démocrates, ils avaient défendu les intérêts du grand patronat, abandonné leur pacifisme et soutenu le lancement des guerres contre la Yougoslavie et l'Afghanistan pour le compte de l'impérialisme allemand. En France, ils se sont alliés avec le Parti socialiste pour soutenir les programmes d'austérité et se sont inclinés devant le lobby de l'énergie nucléaire.

Aux États-Unis, la perspective politique du Parti des Verts consiste à faire pression sur le Parti démocrate depuis l'extérieur, position qu'il partage avec l'ISO. L'ISO avait soutenu le candidat du Parti vert Ralph Nader en 2000. Ils avaient soutenu Nader à nouveau en 2004 quand il s'était présenté sans étiquette, alors même qu'il avait fait cause commune avec le politicien de droite Pat Buchanan pour dénoncer les «immigrés clandestins» du Mexique et qu'il s'était proposé comme conseiller semi-officiel pour le candidat démocrate à la présidence, John Kerry. En 2006, l'ISO avait soutenu les prétendus «Verts de gauche,» comme le candidat Peter Camejo au poste de gouverneur en Californie et Howie Hawkins au poste de sénateur à New York, et avait présenté un de ses propres membres, Todd Chretien, sous l'étiquette des Verts, aux sénatoriales en Californie.

En 2008 pourtant, l'ISO s'était de fait placé derrière la campagne d'Obama, se servant de son propre fonds de commerce de politique identitaire pour soutenir le Parti démocrate dans la promotion du mensonge selon lequel l'élection du premier président afro-américain entraînerait un changement fondamental. Dans une situation où Obama est de plus en plus discrédité, après quatre ans de renflouement des banques, d'attaques contre les travailleurs et d'escalade des guerres criminelles et des atteintes aux droits démocratiques, l'ISO a accordé un soutien mitigé au candidat du Parti des Verts à la présidentielle de 2012, Jill Stein, tout en insistant sur l'idée que des protestations «d'en bas» pourraient pousser Obama vers la gauche pour son second mandat.

Le dirigeant de l'ISO Chris William a réaffirmé ce mensonge lors de la conférence, insistant pour dire que le gouvernement Obama pouvait être poussé à «ralentir le train fou capitaliste qui nous emmène vers la falaise du carbone.»

Cet événement à New York avait apparemment été conçu après la manifestation «En avant sur le climat» qui a eu lieu le 17 février à Washington DC, où l'ISO et les Verts s'étaient unis pour pousser Obama à s'opposer au projet d'oléoduc Keystone XL [un gros projet pour relier les exploitations de sables bitumineux du Canada aux raffineries américaines, NDT].

Dans ses remarques faites lors de la conférence, Stein a dit de l'ISO, «Nous avons découvert que nous avons tant de choses en commun comme organisations politiques.» C'est bien vrai.

Comme les Verts en Europe, l'ISO est également très impliqué dans les intrigues de l'impérialisme américain, faisant la promotion de la ligne du ministère des Affaires étrangères américain sur la Syrie – en affirmant que la guerre sectaire menée par les fondamentalistes islamistes pour le compte des États-Unis et de leurs alliés du Golfe est réellement une «révolution» populaire – et préparant la voie pour une autre guerre néo-coloniale «humanitaire» du gouvernement Obama.

Dans le contexte d'une opposition croissante de la classe ouvrière envers le gouvernement Obama, l'ISO cherche à s'unir aux Verts pour empêcher toute rupture d'avec le Parti démocrate, tout en espérant atteindre le tant désiré «espace politique» au sein de l'État capitaliste dont jouissent déjà leurs homologues européens.

Dans un cas comme dans l'autre, l'ISO fonctionne simplement comme l'aile gauche de l'establishment politique capitaliste américain.

Une lutte authentique contre la destruction de l'environnement et contre la guerre, l'inégalité sociale et les atteintes aux droits démocratiques, exige la construction d'un mouvement politique de la classe ouvrière, qui soit indépendant, et s'appuie sur un programme socialiste international. Une telle lutte exige de démasquer systématiquement les intérêts de classe hostiles, représentés par l'ISO, les Verts et les autres organisations de la pseudo-gauche.

(Article original paru le 23 mai 2013)

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