Un intellectuel d'extrême droite se suicide à Notre-Dame de Paris pour protester contre le mariage pour tous

Mardi dernier juste après 16 heures, Dominique Venner, âgé de 78 ans, personnalité connue du milieu de l'extrême droite, s'est suicidé en se tirant une balle dans la tête devant l'autel de la cathédrale Notre-Dame de Paris.

Dans un article de blog posté le jour même, intitulé «La manif du 26 mai et Heidegger», faisant référence à une manifestation anti-mariage gay à venir, Venner a encouragé les manifestants à ne pas ignorer «la réalité de l'immigration afro-maghrébine». Il a continué, «Leur combat ne peut se limiter au refus du mariage gay» et a prévenu contre «le risque de voir la France tomber aux mains des islamistes»

La majorité parlementaire du Parti socialiste (PS) avait voté la loi du mariage pour tous à l'Assemblée nationale, et qui a ensuite été promulguée le 18 mai par le président François Hollande. Les attaques de Hollande contre le niveau de vie et les droits de la classe ouvrière, dans la continuité de celles de son prédécesseur conservateur Nicolas Sarkozy, ont permis aux forces réactionnaires de la société française, dont l'extrême droite et les fascistes affichés, de se faire passer pour les défenseurs du peuple, en se servant du mouvement contre le mariage gay comme couverture.

Des pancartes lors des manifestations anti-mariage gay demandaient à Hollande de retirer le projet de loi et d'organiser un référendum sur la question, en glorifiant la famille PME (Papa, Maman, Enfant). Certains ont demandé la démission de Hollande, faisant allusion à la détérioration de l'économie française. D'autres ont proclamé : «On veut du boulot, pas du mariage homo» ou «Occupe-toi d'Aulnay, pas du mariage homo» et ont chanté «François, ta loi on n'en veut pas!». Christine Boutin, présidente du réactionnaire Parti chrétien-démocrate, ancienne ministre de Sarkozy, a dit à la presse : «Les Français ont besoin de travail, les Français ont besoin de logements, ils n'ont pas besoin du mariage gay. Je dis au président de la République : si vous n'entendez pas le peuple de France, il va se révolter.»

Dominique Venner avait combattu avec l'armée française en Algérie pendant la guerre d'indépendance (1954-1962). À son retour, il s'était lancé dans la politique d'extrême-droite, et avait participé à une attaque contre les locaux du Parti communiste à Paris en 1956. Il avait rejoint le groupe paramilitaire terroriste OAS, qui se battait pour que l'Algérie reste française et avait tenté d'assassiner le président Charles de Gaulle. Venner avait été condamné à 18 mois de prison pour ses activités avec l'OAS. Il avait laissé tomber l'activité politique organisée en 1970 et était devenu un gourou (historien et essayiste) de l'extrême-droite.

Pendant des mois, des manifestations ont été organisées contre le projet de loi pour le mariage pour tous du gouvernement PS, rassemblant parfois jusqu'à 300.000 personnes. Leur porte-parole, l'humoriste catholique Frigide Barjot (jeu de mots sur Brigitte Bardot), a affirmé que le mouvement est apolitique. Diverses organisations catholiques et de droite ont mobilisé leurs partisans, mais les manifestations ont également été soutenues activement par des sections importantes du parti de l'opposition UMP (Union pour un mouvement populaire) de Sarkozy, dont le dirigeant Jean-François Copé, qui a souvent participé aux manifestations. Il a annoncé qu'il avait l'intention d'y participer à nouveau le 26 mai.

Le mouvement a engendré une nébuleuse qui réunit divers groupes d'extrême-droite, appelée le «printemps français» dans une tentative d'évoquer les soulèvements de masse en Égypte et en Tunisie. Une partie du Front national néo-fasciste a pris part activement au mouvement, bien que la dirigeante du parti Marine Le Pen ait gardé ses distances. Des bandes fascistes violentes participant aux manifestations se sont spécialisées dans la provocation de la police.

Peu de temps après le suicide de Venner, Radio Courtoisie, catholique fondamentaliste, à laquelle Venner contribuait régulièrement, a diffusé sa lettre de suicide à tendance fasciste, dont il avait laissé un exemplaire près de l'autel de Notre-Dame. Dans un langage similaire à celui de l'assassin de masse norvégien Anders Breivik, il a affirmé que: «Il ne suffira pas d’organiser de gentilles manifestations de rue» pour parvenir à «une reconquête de la mémoire identitaire française et européenne (...) Il faudra certainement des gestes nouveaux, spectaculaires et symboliques (…) Nous entrons dans un temps où les paroles doivent être authentifiées par des actes.»

Le Huffington Post a signalé qu’«Une centaine de militants et sympathisants d'extrême-droite se sont rassemblés sur le parvis de Notre-Dame (...) au pied de la statue équestre de Charlemagne (...) ils ont brandi des flambeaux, un drapeau tricolore.» À la suite d'un bref discours en hommage au «dernier combat» de Venner, ils ont chanté des chansons militaires.

Barjot a qualifié le suicide de Venner d'acte de quelqu'un de «dérangé», affirmant que ce dernier faisait partie «d'une minorité infime, à la marge», qui veut «des actes violents, des actes forts, ils disent que nous faisons des manifs gentillettes».

Le député du PS Jean-Christophe Cambadélis a dénoncé le «geste politique» de Venner, qui s'est produit la veille de la manifestation du 26 mai. Il a dit qu'il «va exciter un peu plus cette partie de la jeunesse qui se radicalise», ajoutant que «Jean-François Copé ne peut ignorer les conditions dans lesquelles va se dérouler et surtout se terminer la manifestation dimanche.»

Cependant, mercredi, le député UMP Hervé Mariton a refusé de pleinement condamner l'acte de Venner: «Je dis qu'un homme est mort et que je le respecte. Je ne partage pas la totalité de ces propos, il y a quelques points sur lesquels je peux m'accorder et d'autres sur lesquels je suis en désaccord.»

Marine Le Pen a déclaré: «Tout notre respect à Dominique Venner dont le dernier geste, éminemment politique, aura été de tenter de réveiller le peuple de France.» Le Monde a jugé que ce suicide «est venu électriser une ambiance déjà lourde» et a signalé mercredi que Barjot avait dit avoir reçu des menaces émanant de «l'extrême droite» et qu'elle avait demandé publiquement à Manuel Valls, ministre de l'Intérieur, de renforcer sa sécurité, ajoutant qu'elle ne participerait peut-être pas à la manifestation du 26 mai.

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